Publicité

Gréviste de la faim: Sacrée Claudette…

23 octobre 2017, 23:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Gréviste de la faim: Sacrée Claudette…

Les rues entourant le jardin de la Compagnie sont presque désertes. Une animation particulière y règne depuis le début de la semaine. Des femmes ont laissé maris et enfants pour s’installer sur des matelas. Leur combat : toucher enfin les Rs 9 000 promises par le gouvernement alors qu’elles perçoivent actuellement Rs 1 500. Au moment où nous les rencontrons, les grévistes sont inquiètent. Elles viennent de voir une des leurs, Shirley Beaumon, être embarquée dans une ambulance. Des camarades de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP) s’activent à accrocher des lumières devant le kiosque qui abrite les grévistes. Ils y ajouteront des banderoles pour tenter de barrer la route au froid. Pendant ce temps, Mireille Sundanum, Dharmawatee Nawoor Boodram et Artee Nawoor sont allongées. Elles sont soutenues par Réaz Chuttoo et Jane Ragoo qui ont entamé la grève avec elles. Aux environs de 21 heures, les proches des syndicalistes sont là. La fille, le fils de Jane Ragoo sont aux petits soins. Ils semblent s’inquiéter pour leur mère. Elle se remet à peine d’un accident de la route. Les proches de Réaz Chuttoo sont également là. Les femmes cleaners sont, elles, allongées sur des matelas. Certaines ont eu sommeil mais Claudette ne dort, elle, plus depuis lundi.

«Ce n’est pas comme être à la maison. Nous ne sommes pas en sécurité. Chez nous, une fois la porte fermée, nous pouvons nous endormir sans crainte. Personne n’aurait voulu être à notre place. Nous n’avons pas demandé à être dans cette situation mais nous voulons comprendre pourquoi nos salaires n’ont pas été revus», affirme Claudette. Elle semble avoir des tas de questions, elle ne s’arrête pas de parler. Mais ce mardi soir, Claudette veut surtout savoir pourquoi aucun membre du gouvernement n’est venu leur rendre visite.

En attendant que les heures passent, nous décidons a bavarder un peu avec Claudette. Nous apprenons qu’elle est veuve et qu’elle a deux enfants. Ses yeux ne laissent pas indifférent. Lorsque Claudette vous regarde pour vous parler, vous êtes plongé dans son regard. C’est un regard sincère, un regard courageux.

«Vous savez, j’ai perdu mon mari. Les choses ne sont pas faciles du tout. Ce que je ne comprends pas c’est comment le gouvernement a pu régulariser la situation de plus de 300 personnes et ne pas nous donner ce que nous méritons. Sans explications. Je suis très contente pour les gens qui ont pu toucher un salaire décent, ils le méritent. Mais qu’on m’explique ce que nous, les 39 restants, n’avons pas fait pour ne pas mériter le même traitement ?», explique-t-elle.

Claudette s’enfonce doucement dans ses souvenirs. Elle nous raconte que cela fait sept longues années qu’elle touche les Rs 1 500 par mois. Elle nous raconte son quotidien comme cleaner dans les écoles primaires. L’après-midi, les classes sont nettoyées pour que les enseignants et les élèves retrouvent une salle propre à leur arrivée le matin. «Nous vidons les poubelles, nous faisons notre travail avec amour parce que nous aimons ces enfants comme nos propres enfants. Il faut de la patience pour travailler avec les enfants et nous en avons. Nous ne méritons pas que nos salaires soient revus ? Nous ne méritons pas de vivre décemment ?», insiste-t-elle. Cette veuve se retournera pour regarder ces femmes qui sont devenues des amies. Elle pensera à leurs enfants. Elle sait par exemple que Shirley est maman de quatre jeunes enfants, qu’elle ne se sentait pas bien mais qu’elle a eu le courage de venir pour faire une différence.

«Enn fam kouma nou mem sa»

«En voyant ces femmes, je ne pouvais pas ne pas être là. Je crois en Dieu, je sais qu’il ne nous laissera pas tomber. Nous n’avons pas volé, nous avons travaillé. Tout ce que nous demandons c’est que le gouvernement qui est en place voie notre souffrance. Est-ce qu’il existe des gens qui choisissent de ne pas voir la souffrance des autres ?», soutient-elle.

Pendant qu’elle nous parle, des gens vont et viennent sous le kiosque. Et puis, parmi eux, nous voyons arriver un religieux. C’est un homme que les politiciens semblent bien connaître, nous en aurons la confirmation quelques minutes plus tard. L’homme en question fera un appel sur haut-parleur à… Leela Devi Dookun-Luchoomun, ministre de l’Education.

Il lui demandera s’il peut lui parler du cas des «madam grévis». Elle répondra qu’elle n’est pas disponible tout de suite mais qu’elle peut le rappeler le lendemain. Il insistera. «Ou pou rann zot enn vizit ?», demande-t-il. Elle lui dira de rappeler le lendemain. Ce qui interrompe Claudette. Elle écoute. Puis elle réagit.

«Enn fam kouma nou mem sa ! Li pena inpé pitié ?», s’exclame-t-elle avant de nous dire qu’elle ira faire ses prières avant de tenter de trouver le sommeil. Mais voilà que Shirley revient de l’hôpital. Claudette s’empresse de lui annoncer que son mari a appelé et qu’elle devrait immédiatement le rassurer. Shirley s’exécute. Claudette ira ensuite offrir un petit massage à une autre gréviste qui s’est réveillée d’un coup, prise de fortes douleurs aux deux bras.