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Aux Etats-Unis, le bizutage, rituel parfois mortel des campus

18 octobre 2017, 12:25

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Aux Etats-Unis, le bizutage, rituel parfois mortel des campus

Abus sexuels, privations de sommeil et humiliations pouvant aller jusqu’à la mort: les dérapages liés au bizutage se sont banalisés sur les campus universitaires aux États-Unis.

Le décès particulièrement brutal de Timothy Piazza, 19 ans, en février, a relancé le débat sur l’apathie des autorités face aux dérives liées à ce rituel d’entrée dans la vie universitaire.

Le jeune homme avait tellement bu lors des rituels d’initiation à une fraternité étudiante de l’Université Penn State (Pennsylvanie), qu’il s’est gravement blessé en tombant deux fois dans les escaliers. Il est mort d’une rupture de la rate et d’une hémorragie interne.

Son agonie a été filmée par les caméras de surveillance à l’intérieur de la fraternité Beta Theta Pi. Il s’est tordu de douleur pendant près de 12 heures sans que quiconque n’appelle à l’aide, selon les procureurs en charge du dossier.

Une étude menée par des chercheurs de l’Université du Maine a révélé un problème omniprésent sur les campus américains: 55% des étudiants impliqués dans des fraternités ou sororités universitaires ont dit avoir subi des pratiques de bizutage telles que «consommation d’alcool, humiliation, isolement, privation de sommeil et actes sexuels».

Un candidat à l’entrée dans une fraternité de l’Université de Princeton (New Jersey) a été forcé à boire l’équivalent d’une grande canette de crachats (0,5 litre). Il a été fouetté dans un club de striptease et a dû nager nu dans un étang gelé, selon le récit rapporté dans le livre «True Gentlemen».

Maxwell Gruver, 18 ans, un étudiant de première année de l’université de Louisiane, est mort au mois de septembre. Il a été emmené à l’hôpital directement de la maison de sa fraternité avec six fois la limite légale d’alcool dans le sang, selon les médias américains.

 Réseaux d’entraide 

La tradition du bizutage est profondément enracinée dans la vie universitaire américaine et les campus ont le plus grand mal à l’éradiquer explique Peter Lake, directeur du Center for Excellence in Higher Education Law and Policy de l’Université de Stetson (Floride).

«Ce sont probablement les problèmes de sécurité les plus frustrants que j’ai rencontrés», dit-il.

En entrant à l’université, de nombreux étudiants vivent pour la première loin de chez eux et, à l’âge de 18 ans, ils veulent s’intégrer dans un environnement où l’alcool, bien qu’illégal avant 21 ans, est la pièce maîtresse de la vie sociale.

Surtout, les fraternités étudiantes permettent d’intégrer un réseau de connaissances et d’entraide précieux une fois arrivé dans la vie professionnelle.

Mais la mort de Timothy Piazza est peut-être en train de faire bouger les choses. Son université de Penn State a institué un contrôle renforcé sur les organisations dites «grecques» - fraternités et sororités. D’autres universités ont également pris des mesures similaires.

L’université de Wheaton (Illinois) où cinq étudiants sont accusés d’avoir battu un de leurs coéquipiers de l’équipe de football américain a ainsi annoncé un «réexamen sur tout le campus de l’efficacité de notre politique anti-bizutage».

«Il y a eu beaucoup plus d’éducation de faite contre le bullying (harcèlement) et la violence sexuelle» que sur le bizutage, explique Elizabeth Allen, l’une des auteurs de l’étude de l’Université du Maine.

L’affaire de Penn State a également poussé le Congrès américain à proposer un projet de loi. Pour la première fois, la loi REACH obligerait les campus à compter et à reporter publiquement les incidents liés au bizutage. Le texte de loi définirait également précisément ce qui relève du bizutage.

«Il y a certainement une attention nationale depuis la mort (de Piazza) et les incidents qui se sont produits depuis conserve cette attention», observe Alison Kiss, directrice du Clery Center for Security on Campus.

Dix étudiants de l’Université de Louisiane sont l’objet de poursuites criminelles dans la mort de Maxwell Gruver. L’un d’entre eux est accusé d’homicide par négligence. Quatorze membres de la fraternité étudiante de Penn State font également face à des accusations criminelles.

«Je n’ai pas vu beaucoup de procureurs s’intéresser à des crimes liés au bizutage et je commence à le voir maintenant», se félicite Peter Lake.

Mais Hank Nuwer, auteur d’un livre sur le bizutage et qui a répertorié les décès dus au bizutage sur les campus américains depuis 1838, se montre moins optimiste.

«Très peu de gens vont en prison», dit-il. «Les universités doivent prendre plus de responsabilités», ajoute-t-il. «Ne vous attendez pas à ce que les gens apprennent de leurs erreurs».