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Bataille à Londres sur l’avenir du prestigieux India Club

17 octobre 2017, 13:45

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Bataille à Londres sur l’avenir du prestigieux India Club

Un programme de rénovation visant un restaurant indien historique et apprécié du centre de Londres a provoqué un vif émoi, réunissant artistes, intellectuels et élus contre les promoteurs du projet.

Installé aux premier et deuxième étages d’un immeuble situé sur le Strand, l’avenue qui relie la City à Westminster, The India Club tente de mettre en avant son passé historique pour contrecarrer les plans du propriétaire, le groupe immobilier Marston Properties, qui veut transformer le bâtiment de sept étages en un hôtel haut de gamme.

«C’est un lieu chargé d’histoire, nous n’avons touché à rien», explique, à l’heure du déjeuner, Yadgar Marker, l’actuel directeur du club, alors que des dosas-galettes à base de farine de lentilles- et d’autres plats traditionnels au curry sont préparés en cuisine.

«Même ces tables datent des années 1950... Vous êtes comme au musée», indique-t-il à l’AFP.

Le club a été établi au début des années 1950 par Krishna Menon, premier Haut-commissaire indien auprès du Royaume-Uni. D’après Yadgar Marker, Jawaharlal Nehru, premier chef du gouvernement indien après l’indépendance, figure également parmi les fondateurs.

Pendant des années, ce bar-restaurant a été un lieu de rencontre prisé des écrivains, des intellectuels et des politiciens. Il a même accueilli l’India League, «l’organisation la plus importante engagée dans la campagne pour l’indépendance de l’Inde» précise Yadgar Marker. Autant d’arguments qu’il a consignés dans une lettre adressée à la municipalité de Westminster, qui statue sur la mise en place de travaux.

Valeur patrimoniale

Marston Properties a sollicité auprès de cette autorité locale une autorisation pour démolir partiellement et agrandir le bâtiment, qui abrite également une boulangerie et une supérette au rez-de-chaussée, et un hôtel dans les étages supérieurs.

A la tête de l’India Club depuis vingt ans, Yadgar Marker a été «franchement surpris» de découvrir les intentions du propriétaire dans un courriel adressé par la compagnie.

Et la fin du bail locatif, en 2019, lui fait craindre la disparition du Club.

Alors son équipe a présenté une candidature auprès de Historic England, l’organisme public qui suggère au gouvernement les sites à distinguer au patrimoine historique afin de leur attribuer un statut protecteur.

The India Club a donc reçu une visite d’évaluation ce mois-ci et saura en janvier s’il figure sur la listes des sites recommandés au gouvernement.

De son côté, Marston Properties a lancé sa propre enquête sur l’histoire du club. L’entreprise collabore avec Historic England «pour établir la véritable valeur patrimoniale du bâtiment», explique à l’AFP Simon Marshall, le directeur du développement.

«L’importance de son héritage n’est pas tout à fait claire», nuance-t-il, tout en affirmant qu’aucune décision finale n’a encore été prise quant au réaménagement de l’immeuble.

«Environnement aseptisé»

Dans la bataille qui se dessine, de nombreux clients ont apporté leur soutien à l’établissement. Lundi, une pétition lancée par le club avait déjà réuni plus de 14.000 signatures.

«Pour des générations d’Indiens, cet endroit, c’est le centre du monde», estime Kalyan Thapa, un habitué qui vient là depuis les années 1960.

«Vous ne pouvez le fermer et effacer l’Histoire», s’exclame-t-il alors qu’il déjeune avec des amis.

Parmi les défenseurs du club se trouvent notamment le sculpteur Anish Kapoor, l’écrivain Will Self ou encore le député indien Shashi Tharoor, qui ont écrit des lettres de soutien que Yadgar Marker a transmises à la municipalité de Westminster.

«Je pense que la disparition de ce club constituerait une nouvelle étape dans le nettoyage social, ethnique et culturel de l’environnement commercial du centre de Londres», juge Will Self.

«Les petits commerces les plus variés quittent déjà massivement le West End (quartier touristique de l’ouest de Londres, ndlr), ce qui crée un environnement aseptisé dans lequel chaque centimètre carré d’espace est transformé en marchandise», se désole-t-il.