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Megh Pillay: «Si les pilotes étaient vraiment gâtés, ils ne chercheraient pas ailleurs»

16 octobre 2017, 12:04

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Megh Pillay: «Si les pilotes étaient vraiment gâtés, ils ne chercheraient pas ailleurs»

Pourquoi Air Mauritius (MK) s’est-elle retrouvée face à une situation de ras-le-bol des pilotes pour la première fois en 50 ans d’existence ?

D’après les médias, les pilotes semblent mécontents de certains changements unilatéraux d’un accord d’emploi collectif expiré, mais tacitement reconduit. Outre les salaires, cet accord comprend des droits fermes et certains privilèges obtenus au fil des négociations. Le non-respect d’un tel contrat est susceptible de créer de la méfiance si cela se fait sans dialogue préalable.

«Suis-je à ce point important pour que les représailles contre toutes ces personnes qui m’ont soutenu ouvertement chez MK et ailleurs se poursuivent un an après ?»

Avez-vous déjà fait face à un ultimatum des syndicats de pilotes ?

Jamais. Et d’aucun syndicat. Mais j’ai déjà fait face à de petites menaces voilées et anonymes venant de petites poches marginales de frustration. Cela fait partie du folklore mauricien et on vit avec. Néanmoins, si les récriminations méritent considération, on les soulève directement avec les syndicats, en face à face et avec l’ensemble de leurs exécutifs.

Le PM, la direction et le board ont tous contre-attaqué de front les actions des pilotes. Jusqu’à essayer de déporter manu militari le commandant Patrick Hofman. Votre réaction ?

Je suis très triste pour le commandant Hofman et surtout pour sa famille. Je le connais comme un professionnel de haut niveau très respecté et choisi par ses pairs pour les représenter. Il a son franc-parler et j’ai moi-même souvent croisé le fer avec lui. Mais nous entretenions une relation civilisée.

«Si les pilotes étaient vraiment gâtés, aucun d’entre eux ne quitterait notre eldorado pour aller chercher ailleurs.»

L’apaisement que dit prôner la direction de MK n’est-il pas bafoué lorsque Pravind Jugnauth et Étienne Sinatambou poursuivent leur virulente sortie contre les pilotes ?

No comment!

Mike Seetaramadoo, qui est à l’origine de votre éjection de MK, est, selon les pilotes, au cœur de cette nouvelle turbulence. Est-il aussi «intouchable» ?

No comment!

Votre nom est cité dans une lettre du commandant Bourgeois. Est-ce aussi parce qu’ils ont pris votre défense lors de votre limogeage que ces pilotes se retrouvent dans une telle situation ?

Le commandant Bourgeois est un grand professionnel, un modèle de compétence, de sérieux et de loyauté que MK et le pays ont intérêt à retenir. Je suis touché qu’il se soit exprimé comme un aîné. Comme il l’a dit, lui et moi avions souvent des désaccords, mais c’était dans le respect mutuel. Mais, suis-je à ce point important pour que les représailles contre toutes ces personnes qui m’ont soutenu ouvertement chez MK et ailleurs se poursuivent un an après ?

«Tous les bénéfices et privilèges compris dans le contrat des pilotes sont accordés dans l’intérêt réciproque en connaissance de cause et après négociations.»

Pour certains, les revendications des pilotes sont exagérées puisqu’ils sont les employés les mieux lotis. Est-ce le cas ?

C’est vrai qu’ils sont les mieux payés. Ce qui est tout à fait normal au sein de toutes les lignes aériennes du monde. Si leurs paies pèsent plus lourd dans la masse salariale, c’est que la grande majorité des autres employés sont souvent malheureusement rétribués en dessous du salaire moyen mauricien et à travers l’emploi d’une main-d’œuvre bon marché par le biais d’une filiale.

Si les pilotes étaient vraiment gâtés, aucun d’entre eux ne quitterait notre eldorado pour aller chercher ailleurs. Le taux de départs atteint des niveaux alarmants. Il est déjà arrivé que MK perde près de 30 % de ses pilotes en un an. Et leur remplacement ne se ramasse pas à la pelle.

Comment stopper ces départs ?

Une compagnie qui accepte toutes les demandes de ses employés piquera directement du nez. Idem si elle les rejette toutes d’emblée. Une ligne aérienne sera incapable d’honorer son calendrier de vols si elle perd ses pilotes plus vite qu’elle n’en recrute.

Par contre, les négociations structurées permettent de réconcilier les divergences et d’affiner les intérêts communs par le biais de compromis sensés. La base de tout accord collectif durable. Or, la compromission est loin d’être une solution. Lorsqu’elle est obtenue avec force et terreur, elle peut même s’avérer suicidaire. La dernière chose qu’un passager veut, c’est d’avoir des pilotes frustrés aux commandes.

Les pilotes méritent-ils donc les avantages ou autres conditions dont on veut les priver ?
MK reste l’une des rares lignes commerciales pouvant se vanter de 50 ans d’opération sans tache. La réalisation ponctuelle de chaque vol est un petit miracle en soi. Avec la sécurité des passagers et des équipages en main, chaque commandant de bord est appelé à exercer son bon jugement et son pouvoir discrétionnaire pour sortir parfois des limites réglementaires prescrites. Il le fait à chaque fois afin d’assurer le niveau de fiabilité et de ponctualité dont MK peut se vanter.

Tous les bénéfices et privilèges compris dans le contrat des pilotes sont accordés dans l’intérêt réciproque en connaissance de cause et après négociations. Le pilot-bashing auquel on assiste pour la première fois ne fait pas honneur au pays et risque de nous être préjudiciable à terme.

Et la responsabilité de l’aviation civile dans tout cela ?
Elle partage pleinement la responsabilité de protéger la vie des passagers et équipages. Le règlement de l’aviation civile internationale prescrit des périodes de repos après chaque vol. Il ne faut jamais donner l’impression qu’à Maurice, on tire des pilotes de leur repos, de leur famille pour assurer la ponctualité des opérations. Ou encore qu’on lésine à payer les professionnels de l’aviation comme il faut.

Parlons du comité des sages annoncé par MK. Vrai faux départ (outre l’épisode Dominique Paturau) ou est-ce enfin la lumière au bout du tunnel ?
No comment!

Quelle leçon MK doit-elle tirer de tout cela ?
MK n’a nullement besoin de conseil externe car elle a en son sein des cadres compétents cumulant des centaines d’années d’expérience. Elle a joui pendant 50 ans d’une réputation qui lui a permis de jouer dans la cour des grands malgré sa petite taille.

Il serait présomptueux de la part de n’importe qui de prétendre avoir la solution ou de savoir comment mieux gérer une situation quand on n’est pas celui qui tient la queue de la poêle. J’ai toujours eu le plus grand respect pour mes prédécesseurs et mes successeurs, ayant tenu le poids de leurs responsabilités dans les contraintes de leur marge de manœuvre.