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Sunil Dowarkasing: «Greenpeace soutient les opposants au Petroleum Hub»

12 octobre 2017, 20:14

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Sunil Dowarkasing: «Greenpeace soutient les opposants au Petroleum Hub»

Avec Greenpeace, le Kolektif Say No to Petroleum Hub voit une association de taille se rallier à sa cause. Selon Sunil Dowarkasing, celle-ci tentera de remettre la question environnementale au centre du débat politique.

Greenpeace a récemment annoncé son soutien aux opposants du Petroleum Hub à Albion. Pourquoi maintenant ?
La bataille menée à Maurice par le Kolektif Say No to Petroleum Hub s’inscrit dans la ligne droite d’un combat plus global mené par Greenpeace contre les énergies fossiles. Notre organisation a lancé, il y a trois ans, une campagne internationale baptisée Break Free from Fossil Fuel et a regroupé, cette année, un peu plus de 63 pays.

En apprenant l’existence du projet Petroleum Hub à Maurice, j’y ai vu l’opportunité d’intégrer le combat mené par les opposants à ce projetdans cette campagne globale. Il est crucial que tous les Mauriciens s’élèvent contre un tel projet car Maurice est l’un des rares pays insulaires à aller à l’encontre des engagements pris lors de l’Accord de Paris pour le climat.

Pravind Jugnauth a pourtant participé à la «Climate Week» lors de son récent déplacement aux Nations unies, à New York. Comment expliquer ce fossé entre ce qui est prêché à la tribune internationale et ce qui est pratiqué à Maurice ?
J’ai plus d’une fois dénoncé ce double langage. Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’ancien ministre de l’Environnement, Raj Dayal, qui clamait sur tous les toits que Maurice était l’un des tous premiers États insulaires à avoir signé l’accord de Paris sur le climat. Si cela a effectivement été le cas, force est de constater que nous sommes, depuis, allés à l’encontre detous les engagements que nous avons pris.

Quand on entend les discours de nos dirigeants politiques à la tribune internationale et qu’ils inaugurent, dans la foulée, quatre turbines fonctionnant à l’huile lourde au coût de Rs 4,2 milliards pour produire 60 MW d’électricité, l’on peut sérieusement se poser des questions. J’ai fait mes calculs : avec cette somme, on aurait pu permettre à 30 % de la population de produire de l’électricité verte !

Soit nos dirigeants font preuve d’une grande hypocrisie sur la question environnementale soit ils n’ont aucune idée des obligations contenues dans les engagements qu’ils ratifient. Nous ne pouvons leur permettre de continuer à hypothéquer l’avenir de nos enfants.

Alors que les opposants au projet Petroleum Hub dénoncent les dangers pour la santé et l’environnement, le député de la majorité au no20, Alain Aliphon, estime, lui, qu’il ne s’agit que d’une «simple station-service». 
Il s’agit là d’une totale démagogie politicienne. Sur quoi a-t-il pu bien se baserpour faire une telle déclaration ? C’est à se demander s’il sait faire la différence entre un projet de bunkering et une station-service. Il est évident qu’un tel projet présente des risques réels.

Prenons la Grèce, par exemple, qui est l’un des leaders en Europe dans le bunkering. Ce pays, qui applique les normes européennes en matière de sécurité, possède une grande expertise dans cette activité ainsi que des ressources humaines hautement qualifiées. Mais il n’a pu empêcher, il y a quelques semaines, une importante marée noire sur l’île de Salamine causée par le naufrage d’un navire. Résultat : 2 200 tonnes de pétrole se sont répandues le long de la côte.

Si une chose pareille arrivait à Maurice, ce serait une catastrophe. D’ailleurs, nous en avons déjà eu un aperçu avec le naufrage du MV Benita à Mahébourg. Aujourd’hui encore, nous subissons les séquelles de cet épisode. Envoulant créer un hub, nos dirigeants politiques mettent en péril un autre, celui de l’industrie touristique.

En quoi consistera concrètement le soutien de Greenpeace aux opposants mauriciens ?
Dépendant de l’évolution de la situation, Greenpeace apportera un soutien légal et logistique aux opposants du projet. En outre, je suis actuellement en discussion avec les bureaux français et indiens de Greenpeace pour coordonner des actions futures afin de s’opposer au projet de Petroleum Hub.

Il y a, par ailleurs, une volonté des écologistes mauriciens de devenir des volontaires de Greenpeace à Maurice. Il faut savoir que nous avons un noyau de volontaires également à La Réunion.

La question environnementale est totalement absente du débat public à Maurice. À quoi attribuez- vous ce désintérêt pour le sujet ?
Il faut savoir que le plus grand défi que devra relever Maurice n’est pas économique, mais environnemental. L’île ne compte aujourd’hui que 2 % de forêt endémique et 30 % des coraux sont vivants. Il est plus qu’urgent que la question environnementale soit remise au centre du débat politique mais également des préoccupations des Mauriciens. Sinon, il sera trop tard. Je pense qu’il serait grand temps qu’un parti politique proche des questions écologiques voit le jour. Il nous faut agir de manière responsable et faire en sorte d’assurer à nos enfants un avenir.