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Le revers du CHAN, symbole d’un football kényan en piteux état

1 octobre 2017, 15:30

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Le revers du CHAN, symbole d’un football kényan en piteux état

La décision, il y a une semaine, de retirer au Kenya l’organisation du championnat d’Afrique des Nations (CHAN) 2018 a mis en lumière les grandes carences d’un football kényan miné par l’absence de volonté politique et les luttes intestines.

Le 23 septembre, la Confédération africaine de football (CAF), après une dernière visite d’inspection qui a constaté que seul un des quatre stades prévus était prêt, a retiré à Nairobi la compétition continentale, initialement organisée du 12 janvier au 4 février.

«Le retrait du CHAN est un signe du manque de sérieux dont nous avons fait preuve dans tous les sports», tranche l’un des spécialistes du sport kényan, Arnold Kanyangonda.

Des talents d’exception et une filière mieux structurée ont permis au Kenya de respectivement dominer le fond et le demi-fond sur la scène internationale en athlétisme et d’aligner une équipe compétitive en rugby à VII. Mais son football se morfond dans le sous-développement et les batailles d’influence.

La plupart des rencontres de première division se jouent devant des publics clairsemés, les très nombreux fans de football du pays préférant regarder la Premier League anglaise à la maison ou dans les bars.

Pour M. Kanyangonda, les gouvernements successifs de cette nation, qui est pourtant l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est, sont à blâmer pour avoir négligé le ballon rond. «Le Kenya est un pays où l’entrepreneuriat est très développé mais nous avons été incapables d’appliquer cet esprit à notre monde sportif», estime-t-il.

«Le gouvernement (actuel, en place depuis 2013, NDLR) avait promis de construire cinq grands stades - à Mombasa, Kisumu, Kakamega, Eldoret et Garissa - mais, cinq ans plus tard, aucun n’est sorti de terre», pointe-t-il. Pire, aucun nouveau stade de football n’a été construit dans le pays ces 30 dernières années.

Les Harambee Stars, l’équipe nationale de football, ne se sont jamais qualifiés pour la Coupe du monde, et leur dernière participation à la Coupe d’Afrique des Nations remonte à 2004.

Stades désertés 

Les problèmes ne sont toutefois pas nouveaux. Déjà en 1996, la CAF avait délocalisé la Coupe d’Afrique des Nations en Afrique du Sud, jugeant que le Kenya, initialement retenu, n’était pas prêt à accueillir la prestigieuse compétition.

Vingt ans plus tard, le retrait du CHAN, équivalent de la CAN mais réservé aux joueurs évoluant en Afrique, vient s’ajouter à la rivalité entre la Fédération kényane de football et la Ligue nationale, en charge du championnat de Première division.

Les deux organes ont récemment porté un de leur énième différend devant la justice, qui a intimé l’ordre à la Ligue de revenir sur sa décision unilatérale d’étendre le championnat à 18 équipes, contre 16 actuellement.

Autant de bisbilles qui ont conduit non seulement les fans à déserter les stades, à l’exception des rares clubs cultivant une identité ethnique, mais aussi les sponsors à se détourner du championnat.

Le groupe sud-africain de chaînes télévisées SuperSport, géant du secteur sur le continent, a ainsi annoncé cette année suspendre son contrat de partenariat avec le championnat kényan après y avoir injecté des millions de dollars ces dix dernières années.

Pour Gerald Chege, administrateur dans le football kényan de longue date et un des membres du comité de pilotage pour l’organisation de la CHAN 2018, la perte de la compétition représente une opportunité manquée d’enrayer la spirale destructrice du football kényan.

Selon lui, le championnat kényan n’a jamais été organisé de façon à attirer des investisseurs et l’argent injecté par les sponsors a été mal dépensé.

«L’argent aurait dû aller à la formation de jeunes joueurs et d’entraîneurs mais aujourd’hui, nous avons très peu de coaches qualifiés et pas d’équipes de jeunes susceptibles d’alimenter celles de Première division», regrette-t-il.

M. Chege appelle de ses voeux une reprise en main du secteur par un «dirigeant fort (...) prêt à prendre des décisions radicales».

«Alors seulement les supporters reviendront dans les stades pour encourager leur équipe».