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Séisme: dans le monde obscur et périlleux des «taupes» mexicaines

28 septembre 2017, 20:32

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Séisme: dans le monde obscur et périlleux des «taupes» mexicaines

 Ismael Villegas est en congés mais depuis le 19 septembre, il passe ses vacances sous les décombres: il est un «topo» (une taupe), sauveteur volontaire intervenant dans le chaos des édifices détruits par le séisme au Mexique, à la recherche de survivants.

Il n'a pas pris de douche depuis une semaine et dormi seulement quelques heures. Tout le reste du temps il travaille dans les débris d'un immeuble effondré lors du tremblement de terre.

«Je ne suis pas marié et je n'ai pas d'enfants. Je pense que c'est dû au fait que je pars toujours à l'improviste pour sauver des vies», confie-t-il.

La tradition des «topos» remonte à un autre séisme, celui de 1985, qui a fait plus de 10 000 morts, et détruit des centaines d'édifices dans la capitale.

A l'époque, devant la passivité des autorités, la population avaient dû s'organiser pour entamer elle-même les recherches.

Ismael, âgé de 14 ans à l'époque, se souvient de sa fascination en voyant des jeunes déblayer à mains nues les monticules de décombres pour tenter d'en extirper des survivants.

Ces sauveteurs mexicains ont développé une nouvelle technique efficace, qui leur est propre.

Il s'agit de ramper dans les cavités formées lors de l'effondrement des édifices pour ensuite y creuser des tunnels horizontaux, étage par étage, afin d'atteindre des poches d'air où pourraient se trouver des survivants.

C'est plus rapide et moins coûteux - mais beaucoup plus dangereux - que les techniques standard internationales, consistant à perforer des tunnels verticaux, qui obligent également à s'arrêter régulièrement pour vérifier que la structure reste stable.

Club de striptease

Lorsque un séisme a frappé Mexico le 19 septembre, Ismael était à 700 kilomètres de là, dans l'Etat d'Oaxaca (sud), pour aider les victimes du précédent tremblement de terre qui a frappé le pays le 7 septembre.

Dès que le sol a cessé de trembler, il a bondi dans sa voiture et foncé vers la capitale, où plusieurs effondrements d'immeubles avaient déjà été signalés.

«Il y avait des vies à sauver. Alors j'ai conduit aussi vite que j'ai pu. J'en avais pour 10 heures. Je suis arrivé à deux heures du matin et aussitôt je me suis mis à fouiller les gravats. Mon équipe et moi avons réussi à extraire sept survivants», dit-il.

Depuis, il ne s'est pas éloigné de ce qui reste d'un immeuble de bureaux de sept étages dans le quartier branché de Roma, l'un des plus touchés par la catastrophe qui a fait plus de 330 morts.

Il se repose de temps à autre dans un club de striptease mis à la disposition des sauveteurs où ils dorment à même le sol. «Il y a une barre et tout le matériel qu'utilisent ces filles» raconte-t-il, amusé, à l'AFP.

Désespéré

Villegas estime qu'il y a environ 200 «taupes» à Mexico.

Dès qu'un séisme est signalé au Mexique ou dans le monde, ces volontaires posent des jours de vacances et foncent vers le lieu du désastre.

Dans le civil, Villegas, 46 ans, est électricien dans le métro de la mégapole. Mais être un sauveteur comme lui est une activité très prenante et dangereuse: une seule erreur et vous pouvez finir au fond d'un abîme, écrasé.

«C'est comme une cave à plusieurs étages», décrit Luis Garcia, 43 ans, sauveteur et avocat. Un chaos de ciment, de ferrailles, de résidus en tous genres et de liquides. «Tu te sens désespéré à l'intérieur», dit-il.

Pola Diaz Moffitt, une femme de 53 ans, qui a commencé cette activité en 1985, se souvient de la peur qui l'a saisie lorsqu'elle s'est glissée pour la première fois dans les décombres. Depuis, cette sensation ne l'a jamais quittée.

«Au début vos jambes tremblent, et puis tu arrives à te contrôler. C'est un endroit où tout bouge», explique-t-elle.

Elle estime avoir aidé à sauver environ 25 vies au cours de sa «carrière».

Quand l'immeuble de bureaux du quartier Roma s'est écroulé, il y avait 132 personnes à l'intérieur.

Vingt-neuf ont été secourues dans les premiers jours et 69 dans l'ensemble de la ville.

Mais depuis vendredi dernier, seuls des corps sont extirpés des gravats.

Les «taupes», cependant, refusent d'abandonner.

«Nous avons sorti des survivants des décombres parfois plus d'une semaine après», se souvient Ismael.