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Jocelyne Beesoon: être utile aux enfants ayant une déficience intellectuelle

10 septembre 2017, 00:15

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Jocelyne Beesoon: être utile aux enfants ayant une déficience intellectuelle

À 55 ans, cette femme n’est pas une néophyte dans le domaine du handicap intellectuel. Elle compte 25 ans à l’APEIM dont les trois dernières années comme adjointe à la directrice et avant cela, presque dix ans à la Mauritius Mental Health Association.

Jocelyne Beesoon vient d’une famille très pieuse. Son père était peintre en carrosserie et sa mère femme au foyer. Ils habitaient Grande-Rivière. Comme Jocelyne est scolarisée au Lorette de Port-Louis, elle est confiée à ses grands-parents pour qu’elle n’ait pas à faire de long trajet. «Comme j’étais la première petite-enfant de la famille, j’étais la princesse de mes grands-parents. Ils m’ont tellement aimée que cela m’a donné mes assises, m’a sécurisée», raconte-t-elle.

Après ses études secondaires, elle suit un cours de secrétariat. Mais au fond, ce qui l’intéresse, c’est de travailler avec les enfants. Elle va alors suivre une formation sur la puériculture. Ce qui lui donne les bases pour l’encadrement des enfants de zéro à sept ans. Son premier stage, elle l’effectue auprès de la Mauritius Mental Health Association (MMHA). «J’ai été immédiatement séduite. Je sentais que ces enfants avaient besoin d’éducateurs. Je me sentais utile à quelque chose. Cela m’émerveillait quand ils arrivaient à comprendre ne serait-ce qu’un mot. Et eux étaient ravis. Je voulais leur donner un moment de bonheur.»

Peu de temps après, un éducateur de la MMHA part en vacances pour trois mois. La direction fait appel à elle pour un remplacement bénévole. «Je me rendais utile et le simple fait de voir ces enfants sourire était out of this world, ma richesse.» Jocelyne Beesoon sent toutefois qu’elle a besoin de se former davantage. Elle se tourne vers le Mauritius Institute of Education pour suivre une formation sur les besoins spéciaux, animée par des experts de l’Unicef.

Par la suite, elle est recrutée comme éducatrice à la MMHA et s’occupe d’une classe de dix élèves aux handicaps différents. Elle y reste neuf ans. «C’était des années formatrices qui m’ont donné la confirmation d’être sur la bonne voie.»

Déjà mère d’une fille, Kathleen, elle tombe enceinte de son fils Christopher. Cette deuxième grossesse n’est pas de tout repos. Si bien qu’elle doit prendre un long congé. Lorsqu’elle retrouve le secteur un an plus tard, c’est à l’APEIM qu’elle continue sa mission d’éducatrice. Elle est envoyée à l’atelier de St Paul. Elle apprend beaucoup au contact de la fondatrice de l’organisation, feu Nancy Piat, et d’Irène Alessandri.

À l’APEIM, son besoin constant de formation est comblé. Elle suit notamment une formation d’aide médico-psychologique qui l’amène à effectuer des stages à La Réunion. Elle suit un autre cours en counselling et écoute active, animé par le Bureau de l’éducation catholique, devenu depuis le Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC). Elle est mutée à Port-Louis où elle est responsable de l’atelier des adolescents et ensuite transférée à Beau-Bassin pour être chef de service. Avec le psychologue Joffrey Baudet, elle fait aussi le tour des écoles de l’APEIM.

Elle fait partie des cadres qui collaborent avec le ministère de l’Éducation pour mettre en place les normes et les curriculum guidelines pour le secteur. Elle enchaîne collaborations et formations dont celle qui débouche sur la fédération du réseau Inclusion Mauritius, sur la façon de travailler différentes matières avec les bénéficiaires de l’APEIM et comment former les jeunes ayant une déficience intellectuelle pour qu’ils deviennent auto-représentants.

Il y a trois ans, Irène Alessandri lui demande de la seconder comme adjointe à la direction en vue de la remplacer le moment venu. Cette passation de pouvoir s’est faite fin juillet.

C’est de haute lutte que l’APEIM a pu faire l’État accepter la gestion de ses neuf écoles. Et l’an dernier, le gouvernement a décidé de confier cette responsabilité au SeDEC, avec qui l’APEIM a signé un protocole d’accord. «Le SeDEC a fusionné deux écoles et nous cheminons avec cette instance pour une transition en douceur.»

Si le ministre des Finances a augmenté le grant-in-aid pour les enfants à besoins spéciaux, la parité avec les autres enfants scolarisés n’est pas encore atteinte. «C’est un manque à gagner pour les organisations dans le secteur des besoins spéciaux.»

Jocelyne Beesoon a tout de même d’autres motifs de satisfaction. En effet, le ministère de l’Éducation a commencé à considérer les éducateurs des écoles de l’APEIM comme des salariés et à les écouter en vue d’élaborer une grille salariale à leur intention. «C’est une reconnaissance de notre travail», dit-elle. Il lui faut désormais faire du lobbying pour que les éducateurs des ateliers aient une reconnaissance identique.

Quelques importants défis l’attendent au tournant. Par exemple faire en sorte que l’APEIM puisse s’autofinancer. «Nous mettons en place un comité de levée de fonds et nous miserons davantage sur la vente des cartes réalisées par nos bénéficiaires, de même que les objets qu’ils fabriquent à l’atelier.»

Elle pense aussi que le secteur a besoin d’un Disability Bill. «Les sourds ont une loi qui les régit, les aveugles aussi mais pas les personnes porteuses d’une déficience intellectuelle.»

Jocelyne Beesoon souhaite aussi qu’il y ait une étude sur l’attitude des Mauriciens vis-à-vis des déficients intellectuels. «Il y a une méconnaissance de ce type de handicaps et si on travaille dessus, cela va améliorer la perception que les gens ont d’eux et les rendre employables. Les personnes ayant un handicap intellectuel doivent pouvoir travailler et gagner leur vie. Eux aussi ont des droits comme tout le monde».

Elle voudrait aussi plus de dialogue avec les fonctionnaires. «Nous devons collaborer avec les fonctionnaires des ministères de l’Éducation et de la Sécurité sociale car ce sont eux qui font tourner la banque.» Autant dire qu’elle a du pain sur la planche.