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Suicide: quel est ce mal-être qui ronge les jeunes ?

27 août 2017, 21:52

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Suicide: quel est ce mal-être qui ronge les jeunes ?

Oui, cela s’est passé à Maurice, durant la semaine écoulée. Une ado de 13 ans s’est donné la mort parce qu’elle avait été victime de bizutage à l’école… Au début du mois d’août, deux autres collégiens ont quitté leur domicile en laissant derrière eux des notes de suicide. Mais qu’arrive-t-il donc à nos jeunes ?

Demandons aux experts d’abord. Selon José Milien, président de Befrienders Mauritius, qui œuvre pour la prévention du suicide, il est vrai de dire qu’il y a un «rajeunissement» des victimes. Toutefois, cette «tendance» ne date pas d’hier. Elle a commencé à se dessiner il y a quelques années déjà.

«Il est indéniable que les ados sont de plus en plus vulnérables», fait-il valoir. Et de préciser que l’anonymat est un de leurs piliers chez Befrienders et que de ce fait, l’ONG n’a pas les moyens de définir précisément l’âge de ceux qui appellent le standard. Ainsi, comme toutes les autres institutions, Befrienders se base sur les statistiques publiques pour dresser un constat.

Comment expliquer cette «mode» macabre ? «Notre société compte de plus en plus de familles recomposées. Le manque d’adaptation à ce système peut perturber n’importe qui.» Sur le banc des accusés : le manque de dialogue au sein de la famille. Aujourd’hui, poursuit José Millien, les enfants obtiennent rapidement ce qu’ils demandent au niveau matériel. Mais il y a une carence affective flagrante dans ce monde où tout va très, trop vite, où tout le monde est occupé à travailler, à gagner de l’argent, à se préoccuper de soi-même. En proie au mal-être, certains ados perdent leurs repères. Et finissent par commettre l’irréparable.

Génération de dépressifs…

Justement, qu’en disent les principaux concernés ? Bryan Pathapermal a 17 ans. Et le jeune homme affirme qu’il a, à maintes reprises, empêché ses amis de passer à l’acte. «J’ai tellement essayé de faire entendre raison à mes amis que je commence à penser que je suis issu d’une génération de dépressifs…»

Non, ce n’est pas une blague, loin de là. Bryan souligne que le problème est bien réel. En cause, selon lui, «le manque de communication avec les proches, les profs, entre ados. Tout le monde en parle, mais personne ne propose de solutions !» L’analyse de Bryan Pathapermal : ses amis sont tellement focalisés sur l’argent et la célébrité qu’ils délaissent tout le reste et finissent par se retrouver seuls et complètement perdus. «Il y en a qui se réfugient alors dans l’alcool ou le tabagisme ou la drogue…»

Pour ne rien arranger, il y a les tabous. Tenaces. Parmi les garçons, les «mâles», la dépression n’a pas sa place. «On vous considère sinon comme étant faible et personne n’ose alors se confier.» Pour Bryan, les tentatives de suicide ne sont autres que des appels à l’aide. Et si personne n’entend… Bryan Pathapermal insiste encore sur le mot tentative. «J’ai vu des amis qui ont avalé des tonnes de cachets. D’autres ont essayé de s’ouvrir les veines. Mais personne n’a essayé de se pendre. Cela en dit long, non ?»

Jaal Kurt a lui aussi 17 ans. Des tentatives de suicide, il en a également été témoin. «Il y a tous les problèmes familiaux et personnels qui peuvent pousser un jeune à s’ôter la vie. Si les adultes essayaient de les comprendre ne serait-ce qu’un minimum, ce fléau n’existerait pas», fait-il valoir, sur un ton de reproche. La plupart des cas dont il a eu vent concernaient des relations amoureuses entre ados qui n’étaient pas vues d’un bon œil par la famille. «Des broutilles qui peuvent finir mal si les adultes ne font pas d’effort !» estime le jeune homme.

«Nous avons des choses qui nous ‘fatiguent’ à l’intérieur…»

Kurt Cupidon vient, pour sa part, de fêter ses 18 ans. Des «suicides ratés», il en a entendu parler aussi. Les raisons ? Poète dans l’âme, il explique que cette situation est imputable au vague à l’âme. Les jeunes d’aujourd’hui étant «fatigués d’être fatigués par des choses fatigantes qui ne changent pas»…

Ses propos rejoignent ceux des autres jeunes. «Des fois, nous avons des choses qui nous ‘fatiguent’ à l’intérieur sans pouvoir en parler. Mais nous sommes souvent incompris, ou alors il n’y a personne pour nous écouter. Il n’y a personne pour nous remonter le moral et nous encourager. C’est tout le temps des critiques, des reproches…»

Du coup, les ados d’aujourd’hui sont fragilisés psychologiquement. À tel point que même une «banale» histoire peut prendre d’énormes proportions dans leur tête. Ils ne voient plus rien, ils perdent le sens de la logique, se déconnectent de la réalité, broient du noir. Résultat des courses : le côté négatif prend le dessus sur le positif et le rationnel. Ce qui peut conduire à la mort…

Quid de l’intimidation à l’école, du «bullying» sur les réseaux sociaux, des pressions exercées par les pairs? Ce sont des phénomènes qui prennent de l’ampleur dans les collèges, lâche Kurt. «Il faut y faire vraiment gaffe. Sinon…»