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Laval Soopramanien: que les Agaléens soient partie prenante du développement de leurs îles

27 août 2017, 02:30

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Laval Soopramanien: que les Agaléens soient partie prenante du développement de leurs îles

Une enfance de misère. C’est ce qu’a vécu Laval Soopramanien après la déportation de son père Joseph vers Maurice. «Mes deux grands frères sont nés à Agaléga. Mon petit frère et moi sommes malheureusement nés à Maurice», raconte notre interlocuteur. Il explique qu’à cette époque, Agaléga était gérée par des Seychellois. Joseph Soopramanien et son épouse Florida, Agaléens de souche, sont tous deux laboureurs. Les contrats de travail d’antan «étaient archaïques. Par exemple, un laboureur qui travaillait dans la cocoteraie n’avait pas le droit de boire une eau de coco sans autorisation préalable. S’il passait outre et était découvert, il devait s’acquitter d’une amende sous peine de faire deux à trois jours de prison».

C’est pour avoir frappé un contremaître que Joseph Soopramanien, une forte tête, est emprisonné et déporté à Maurice. Sa famille l’y suit. Ils atterrissent chez des parents à Camp-Yoloff. Joseph Soopramanien obtient un emploi de débardeur dans les docks où ce sont essentiellement des Rodriguais, des Chagossiens et des Agaléens qui «lev bal dans docks.»

De Camp-Yoloff, les Soopramanien viennent s’installer à Roche-Bois. Laval Soopramanien fréquente l’école primaire Villiers René et ensuite le collège Bhujoharry jusqu’à la Form IV. Il aurait bien voulu compléter son cycle secondaire mais les moyens font défaut. «C’est resté un énorme regret.» À 15 ans, il fait des petits boulots, à commencer par «lev bal dan la boutik». Ses parents meurent alors qu’il est encore jeune. Laval Soopramanien trouve de l’embauche à Romisco International. Il y apprend à travailler la maroquinerie. C’est là qu’il rencontre Linda qu’il épouse par la suite et qui lui donne trois enfants : Ludmilla, Lyndon et Lensley. Après une dizaine d’années au sein de cette entreprise, lui et sa femme se mettent à leur compte en ouvrant une petite boutique à Roche-Bois.

Avec un groupe d’amis, ils se constituent en association appelée Les Amis d’Agaléga. Leur objectif est de faire avancer les droits des Agaléens. C’est avec eux qu’il se rend dans l’île natale de ses parents en 2003. «Je m’attendais à trouver un banc de sable. Lorsque j’ai vu la taille de l’île du Sud, du Village 25 et de La Fourche, mes larmes ont coulé.» Pendant trois jours, il fait le tour des îles, observe et écoute.

Il note qu’à l’arrivée, les visiteurs sont débarqués sans gilet de sauvetage. Le décalage entre le bateau et la barge est si grand qu’ils doivent sauter dans la pirogue. Les personnes âgées sont descendues dans des sortes de panier en métal. Dans l’île, les maisons ne sont pas entretenues et les locataires n’ont pas de contrat. Le réseau électrique est dépassé, les fils sont accrochés à des branches et constituent un danger. Les contrats de travail sont quasi-inchangés depuis l’époque de son père.

Conditions de vie indignes

À leur retour à Maurice, Les Amis d’Agaléga dénoncent ces conditions de vie indignes des citoyens de la République de Maurice. Ils luttent pour des conditions correctes d’emploi, la délivrance d’un contrat de terre et de maison et pour l’application d’un plan de société global pour tous les Agaléens. S’ils réussissent à faire aboutir leurs deux premières revendications, ils en sont encore à lutter pour la dernière.

Entre 2003 et 2012, Laval Soopramanien et ses amis approuvent le choix des enseignants envoyés à Agaléga. Ils sont «chevronnés et ont de l’expérience», même s’ils auraient voulu que les élèves d’Agaléga puissent compléter leur scolarité secondaire dans leurs îles car venir à Maurice pose des problèmes d’hébergement. Au final, Les Amis d’Agaléga ouvrent un centre d’accueil à Roche-Bois. Après 2013, la situation éducative a changé avec l’envoi à Agaléga de Supply Teachers qui «n’ont pas d’expérience de l’enseignement ni de patience. Habituellement, nous avons trois à quatre Agaléens qui prennent part à l’examen de Form V chaque année. En 2017, aucun Agaléen n’a réussi à se hisser à ce niveau. Pour moi, cela indique que la qualité de l’éducation est en train de baisser.»

Entretemps, l’essor des supermarchés et des hypermarchés a obligé les Soopramanien à fermer boutique. Laval a dû recommencer à zéro comme laboureur contractuel. De la Tourism Authority, il a été muté aux Collectivités locales et en 2015 au ministère de l’Environnement. Et cela, sans que son contrat d’un an renouvelable ne soit modifié.

Il est retourné à Agaléga à plusieurs reprises depuis. Ce qui fait sa femme Linda dire qu’Agaléga «sé so dézièm madam sa». Ce qui n’est pas sans causer quelques frictions dans leur couple. S’il trouve normal que les Agaléennes enceintes sont envoyées à Maurice pour qu’elles accouchent en toute quiétude, il milite pour que l’enregistrement des naissances se fasse à Agaléga à leur retour dans l’île. «Depi 2005 pena okenn nésans dan lil.» Selon lui, le fonctionnaire qui agit comme l’état civil à Agaléga devrait aussi pouvoir enregistrer les naissances.

De même, il ne comprend pas pourquoi des Agaléens souffrant de maux mineurs ne peuvent être traités sur place. Lui et ses amis militent aussi pour qu’Agaléga ait son député, de même que des représentants au sein des collectivités locales.

Laval Soopramanien refuse d’extrapoler à propos de l’aide indienne par rapport à Agaléga. «Les Amis d’Agaléga n’ont aucune crainte par rapport à la présence indienne dans les îles. Nous voulons juste savoir ce que contient le protocole d’accord signé entre Maurice et l’Inde au sujet de nos îles et nous voulons être consultés avant tout développement à Agaléga. Zamé nou koné ki pé pasé. Nou nek tann rimer ek sa fer boukou dézord.»

Il faut arrêter de faire des Agaléens des assistés, explique Laval Soopramanien. «À Maurice, il y a des Agaléens qui sont diplômés en lettres, pompiers, sergents de police, enseignants et dans bien d’autres secteurs. Il faut leur offrir un emploi dans leur île natale. The real issue est que les Agaléens soient consultés sur le développement de leur île et qu’ils y participent pleinement…»