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Michael Hermans Pierre-Louis : Sa guitare, sa canne blanche

21 août 2017, 00:30

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Michael Hermans Pierre-Louis : Sa guitare, sa canne blanche

L’Homme propose, Dieu dispose, dit l’adage populaire. Qui s’est avéré dans la vie de Michael Hermans Pierre-Louis. Lui rêvait d’être journaliste ou avocat. Une cécité partielle a chamboulé ses plans. Sa foi et la musique sont devenues ses bouées. Portrait d’un jeune à la vision éclairée.

À regarder ce jeune de 23 ans évoluer sans canne blanche dans sa maison de Poudre d’Or, on peine à croire qu’il est malvoyant. Aucun signe distinctif du côté des yeux non plus. «Je distingue un peu d’ombre et de lumière», dit-il. «J’ai fini par accepter ma cécité partielle à 99 %. Le 1 % restant a trait à la canne blanche que je refuse de porter. Le chanteur Ray Charles aussi a toujours refusé le port de la canne blanche. Je sais qu’il s’agit d’un complexe, mais j’en suis encore à construire ma carrière de musicien et mo pa ankor prêt pou lager kont enn complex.»

Son refus est lié au fait qu’il refuse que les gens entrevoient sa cécité partielle comme un handicap et aient pitié de lui. «Je veux que les gens me connaissent comme Hermans et découvrent ma musique. De toutes les façons, les personnes qui disent de moi que je suis handicapé souffrent eux d’un handicap s’ils pensent ainsi.»

Il a connu des épreuves très tôt dans la vie. Michael Hermans Pierre-Louis est le benjamin de Patricia et de Jacques. Si le jeune homme ne garde que de bons souvenirs de sa tendre enfance où «kouma tou ti zanfan mo ti kontan dansé, zoué ravann, tap djembé, fer piknik tousala», à partir de trois ans, il fait des allergies qui se manifestent par des paupières tellement gonflées au réveil qu’il ne peut presque pas ouvrir les yeux. Sa mère l’emmène à l’hôpital de Moka. On minimise son état en parlant d’allergies à la poussière ou aux fleurs de canne. Sauf que cette allergie est présente de plus en plus souvent.

À l’hôpital public, on finit par lui administrer des gouttes de cortisone qui lui procurent des périodes d’accalmie, mais sa vue baisse progressivement. Sa mère le fait consulter des ophtalmologues qui se disent incapables de diagnostiquer le mal affectant ses yeux. Ils en ont vu huit. Il fréquente tant bien que mal l’école primaire et peine à poursuivre sa scolarité tant ses yeux sont sources de gêne. «Je n’étais pas révolté de la situation. Je voulais juste comprendre ce qui m’arrivait. Je vivais avec l’espoir. Chaque matin au réveil, je me disais que j’allais enfin voir clair, mais je déchantais vite.»

Le dernier ophtalmologue qu’il voit prend des pincettes pour lui annoncer que la cortisone administrée a provoqué l’apparition d’un glaucome avec pour résultat que ses nerfs optiques sont abîmés et que sans intervention, il deviendra aveugle. Il en subit quatre. «Tous les mois et parfois, deux fois la semaine, j’ai dû me rendre chez ce médecin

La famille Pierre-Louis est habitée par une foi profonde qui l’aide à surmonter les coups du destin. Toutes ces interventions ont un coût. Ils sont obligés de solliciter l’aide de la paroisse, d’organiser des levées de fonds. Heureusement qu’ils peuvent compter sur le soutien du père Robert Dalais, curé de la paroisse. Jacques Pierre-Louis peut aussi compter sur l’assurance prise au bureau. Ils dépensent plus de Rs 500 000 en interventions et traitements qui permettent de sauver ce qui lui reste de vue.

Michael fréquente le centre Loïs Lagesse pendant un an, mais sent qu’il n’évolue pas de la même façon que les autres adhérents et arrête d’y aller. Son cousin, Jean-Paul, est guitariste dans le circuit hôtelier. Michael demande à apprendre à jouer de la guitare acoustique pour en faire son métier, car il ne peut plus penser au journalisme ou au droit. Une cousine de son père, Marilyn Lamy, lui offre une guitare et son cousin vient hebdomadairement lui donner des leçons. Au début, Michael trouve difficile de placer ses mains sur l’instrument pour en tirer des accords. «Il faut beaucoup d’implication et de patience. J’apprends toujours», dit-il.

La belle-sœur de Jacques Pierre-Louis, aujourd’hui disparue, est la cousine de feu José Thérèse, le fondateur de l’atelier Mo’zar. Elle habite Poudre d’Or et José Thérèse séjourne souvent chez elle. Il fait la connaissance de Michael et l’incite à aller au Conservatoire pour apprendre la guitare avec Patrick Desvaux. C’est ce que fait Michael. Son objectif est de devenir un «super bon guitariste». Le courant entre lui et Patrick Desvaux passe très bien. Ce dernier lui fait prendre part aux examens de grade III de la Royal School of Music en blues et rock. Il le fait et obtient distinction. Il y a trois ans, il réussit le grade V de cet examen, toujours dans la catégorie blues et rock.

José Thérèse le prend alors sous son aile et devient son mentor. Michael intègre le Big Band de l’atelier Mo’zar. Le fondateur de ce groupe caresse le projet d’ouvrir une école similaire à Mahébourg et souhaite que Michael y enseigne la guitare. Un projet qui ne se concrétise pas puisque José Thérèse meurt subitement.

Disparition qui abat totalement Michael, qui a du mal à se reprendre en main. En février, la nouvelle direction de l’atelier Mo’zar le recrute pour qu’il enseigne la guitare aux adhérents et les prépare aux examens de la Royal School of Music dans la catégorie jazz. Il accepte. Michael reprend le goût des choses. En parallèle, le samedi, il donne des cours de guitare chez lui à quatre jeunes.

Michael sait qu’il a encore du chemin à parcourir et se prépare désormais à passer les examens de grade VIII de la Royal School of Music prévus pour juin 2018. Il s’est mis en tête de décrocher une distinction. Avec le Big Band de l’atelier Mo’zar, il a pris l’avion pour la première fois en juin à destination de Madagascar. Outre les représentations, il a vécu «une expérience de vie» en allant faire des randonnées sur les falaises. «Après deux heures de marche, je me suis dit que rien n’est impossible, que je peux y arriver. Si demain vous me dites qu’on a trouvé une technique révolutionnaire qui me permettra de recouvrer la vue, je vous dirai : ‘merci bien, mais non merci’. Autrefois, j’avais mes études en tête. Lorsque je suis devenu malvoyant, Dieu a mis la musique sur mon chemin et cela m’a permis de voir mon potentiel

Il prépare un album avec ses compositions enrichies par l’apport du chanteur et musicien mauricien Yannick Nadette, qui évolue en Suisse dans la formation The Two. C’est par l’intermédiaire de son cousin Jean-Paul que Yannick Nadette lui rend visite et l’écoute jouer et chanter du blues. «Il m’a dit que j’irradiais la lumière», raconte Michael.

D’autres avenues s’ouvrent pour Michael. Le 11 janvier et si le Big Band de l’atelier Mo’Zar arrive à réunir le financement nécessaire, il ira faire montre de son talent en compagnie de cette formation musicale à Cuba. «J’espère que le gouvernement nous aidera financièrement pour ce déplacement et je lance aussi un appel à la solidarité de ceux qui peuvent nous aider à réaliser ce rêve», dit-il. Avec le recul, il voit les choses autrement. «Je réalise aujourd’hui que ma cécité partielle est un appel de Dieu. Il m’a choisi pour témoigner de son amour et m’a montré où se trouvait mon potentiel. La musique a donné une autre couleur à ma vie