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Kenya: Odinga ne cède pas et appelle ses partisans à rester chez eux lundi

14 août 2017, 02:03

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 Kenya: Odinga ne cède pas et appelle ses partisans à rester chez eux lundi

Le leader de l’opposition kényane Raila Odinga a promis dimanche qu’il ne renoncerait pas à contester la réélection du président sortant Uhuru Kenyatta, et a appelé ses partisans à rester chez eux dans l’attente de l’annonce de sa stratégie mardi.

Dans l’après-midi, M. Odinga, muet depuis vendredi soir, s’est adressé à des milliers de supporteurs enthousiastes dans les bidonvilles de Kibera et Mathare, leur demandant de rester chez eux lundi en signe de deuil pour les victimes des violences électorales qui ont fait au moins 16 morts depuis vendredi.

«Nous n’avons pas encore perdu. Nous n’abandonnerons pas. Attendez que j’annonce la marche à suivre après-demain (mardi)», a déclaré M. Odinga. «Parce que Jubilee (le parti au pouvoir, ndlr) a ses policiers et soldats partout, ne quittez pas vos maisons demain. N’allez pas au travail demain», a-t-il ajouté, dénonçant une nouvelle fois une élection «volée».

Après son départ de Mathare, de violents affrontements ont éclaté entre des membres de son ethnie luo et des partisans kikuyu du président Kenyatta, a constaté un photographe de l’AFP.

Une bataille rangée entre plusieurs centaines de personnes a éclaté, à coups de pierres, bâtons et flèches. Les corps de deux hommes, l’un luo, l’autre kikuyu, ont été vus gisant inertes sur la chaussée et ensanglantés, par deux photographes de l’AFP.

A 20H00 locales (17H00 GMT), la police s’était déployée et les violences étaient terminées, le bidonville étant plongé dans le noir en raison de coupures d’électricité.

Cet affrontement est venu ternir une journée par ailleurs dénuée de violences à Nairobi, où l’activité avait en partie repris et où des habitants s’étaient rendus normalement dans les nombreuses églises.

Des 'criminels'

En attendant mardi, M. Odinga fait face à des pressions internationales croissantes. L’ONU, l’Union européenne et Londres l’ont appelée à canaliser la colère de ses partisans et à faire valoir ses récriminations devant la justice. Une option qu’il a pour le moment écartée après avoir saisi en vain la Cour suprême en 2013.

Au moins 16 personnes ont été tuées entre vendredi soir et samedi soir - neuf dans les bidonvilles de Nairobi, dont une fille de 9 ans, et sept dans l’ouest du pays - selon un nouveau bilan établi par l’AFP de sources policières et hospitalières.

Dans un communiqué, la direction de la police kényane a fait état de six «criminels» tués depuis vendredi par les forces de l’ordre (cinq à Nairobi, un à Kisumu), en état de légitime défense selon elle.

La colère des partisans de l’opposition avait éclaté dès l’annonce vendredi de la victoire de M. Kenyatta, avec 54,27% des voix, contre 44,74% à M. Odinga, au terme d’un scrutin pourtant annoncé serré par les instituts de sondage.

La coalition d’opposition Nasa affirme que le score de M. Kenyatta est le fruit d’une manipulation du système électronique de transmission et de décompte des voix utilisé par la Commission électorale, et censé précisément prévenir les irrégularités.

Conclusions 'cohérentes' 

La parole de M. Odinga, qui, à 72 ans, livre probablement sa dernière grande bataille après ses trois précédents échecs à la présidentielle (1997, 2007, 2013), était très attendue dimanche dans les rangs de ses sympathisants.

«Nous étions préoccupés car nous ne connaissions pas la marche à suivre», a admis Duncan Nyamo, casquette anthracite et chemise bordeaux, après la harangue de M. Odinga à Kibera. «Maintenant, nous sommes prêts, quoi qu’il arrive. Nous sommes prêts à mourir.»

Vendredi soir, M. Kenyatta, au pouvoir depuis 2013, avait tendu la main à Raila Odinga, dans une adresse à la Nation. «Nous devons travailler ensemble (...) nous devons ensemble faire grandir ce pays», avait-il lancé, appelant l’opposition à ne pas «recourir à la violence».

Il y a dix ans, plus de 1.100 personnes avaient été tuées et 600.000 déplacées en deux mois de violences post-électorales, après la réélection fin décembre 2007 de Mwai Kibaki, déjà contestée par M. Odinga.

Mais le contexte des élections de mardi diffère de celui d’il y a dix ans. Même si elles remettent en lumière de vieilles rancœurs entre communautés, les violences sont pour l’instant limitées aux bastions de l’opposition et seule l’ethnie Luo semble par ailleurs se mobiliser.

Les autres composantes de Nasa, les Kamba et Luhya notamment, restent pour l’heure à l’écart des violences et leurs leaders, numéros 2 et 3 de la coalition, n’étaient pas présents à Kibera dimanche.

Les missions d’observation internationales ont globalement salué la bonne tenue des élections. Le groupe d’observateurs indépendants kényans ELOG, qui avait déployé 8.300 personnes sur le terrain, a publié samedi des conclusions «cohérentes» avec les résultats officialisés par l’IEBC.