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Geerish Bucktowonsing: «Professionnaliser le travail social»

8 août 2017, 07:40

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Geerish Bucktowonsing: «Professionnaliser le travail social»

Celui qui a présidé le MACOSS de 2013 à 2017 pense que les organisations non gouvernementales (ONG) ont un rôle, formalisé, à jouer afin d’éviter des dérives au sein de la société.

La situation sociale actuelle vous interpelle-t-elle ?
Différents cas de violence perpétrés par des personnes se trouvant à divers échelons de la société ont été rapportés récemment. Les Mauriciens sont choqués par les crimes commis. On tue des nourrissons, des personnes âgées, des femmes… Il semblerait que cette situation soit le résultat d’une certaine frustration, voire d’un désarroi. Ces sentiments découlent d’un système de plus en plus centré sur la croissance économique, le profit et l’intérêt personnel.

Comment expliquez-vous qu’on en soit arrivé là ?
Ce phénomène n’est pas exclusif à Maurice. Mais notre pays est une petite île. Tout le monde se connaît. Maurice a connu un fulgurant développement économique qui a débuté dans les années 80. La libéralisation économique et l’industrialisation se sont étendues dans les zones urbaines et rurales. Cela a conduit à une transformation de la psychologie du Mauricien. Désormais, le succès se mesure aux signes extérieurs de richesse, peu importe la manière dont ces biens ont été acquis. Nous sommes à la fin d’un cycle et nous devons trouver un nouvel équilibre qui tienne compte de nos valeurs et de nos ambitions. La diversité de notre population est un atout pour le pays. L’attachement de nos compatriotes à la démocratie en est un également.

Les ONG sont-elles en train de jouer leur rôle sérieusement ?
On ne peut ignorer le rôle joué par les ONG depuis la période précédant l’Indépendance. Elles s’occupent des handicapés, apportent un soutien aux plus démunis et se penchent sur des fléaux tels que l’alcoolisme, le SIDA et la toxicomanie qui affectent nos jeunes. Les ONG ne peuvent être marginalisées. Elles sont toujours présentes pour soutenir ceux qui ont besoin d’aide et qui, pour une raison ou une autre, n’ont pu trouver leur place au soleil.

Mais le contexte actuel est différent de celui d’antan…
Avec la transformation de notre environnement économique, on accorde plus d’attention à la productivité et tout le monde passe plus de temps au travail. Ceux qui s’engagent dans le volontariat doivent être formés afin de mieux s’acquitter de leurs tâches. Donc, il est nécessaire qu’une loi soit votée pour renforcer les ONG. Actuellement, il n’y a aucune législation pour les encadrer. Il existe une loi pour les associations, mais c’est un encadrement légal pour les organisations de la société civile qu’il nous faut.

N’y a–t-il pas trop d’ONG qui travaillent dans le désordre ?
Une loi sur les ONG peut nous aider à développer un véritable secteur d’activités civiques, tout comme nous avons un secteur public et un secteur privé. Cela aidera à la création d’emplois et à évaluer la performance des ONG. Nous pourrons alors harmoniser avec plus d’efficacité les actions du secteur public et celles de la société civile.

Quel est l’état des relations entre le MACOSS et les autorités gouvernementales ?
Le Mauritius Council of Social Service (MACOSS) est le point focal officiel des ONG. Le dialogue entre le gouvernement et la société civile devient un facteur important dans le développement de Maurice. Durant ma présidence au sein du MACOSS, il y avait des consultations régulières avec les autorités. Nous avons pu faire valoir notre point de vue sur divers sujets, dont l’accès aux financements. Nous avons également plaidé pour l’avènement d’une Public Information Act et de la mise en oeuvre de l’African Peer Review Mechanism. Il faut une évolution de la situation, d’autant plus que l’Union européenne et les Nations unies rappellent toujours l’importance de recueillir l’opinion de la population sur les grands enjeux et les projets majeurs.

Nous réclamons par ailleurs que la MACOSS Act de 1970 soit revue. Cela permettra à la plateforme de s’adapter aux mutations intervenues au cours de ces dernières décennies et ainsi être plus performante.

Des ONG ont évoqué des difficultés de financement depuis les changements des règlements du National Corporate Social Responsibility (NCSR). Vos commentaires.
Le nouveau CSR vise à être transparent, juste et plus équitable. Auparavant, de nombreuses ONG, dont des organisations pionnières dans leurs champs d’activités, disaient ne pas recevoir assez de fonds ou ne pouvaient bénéficier de financement à long terme. Certains de leurs projets n’étaient pas inclus dans la liste prioritaire du CSR. Depuis la création de la NCSR Foundation, les procédures sont en cours pour octroyer des fonds à 82 ONG. Cela se fera sur la base du mérite et de l’évaluation des projets. Ce sera un processus continu, dépendant de la disponibilité de fonds. Les ONG ne frapperont qu’à une seule porte. Ce qui facilitera leurs recherches de financement.

Quel avenir prévoyez-vous pour les ONG ?
Il faut professionnaliser le travail social. Les défis à relever nous obligent à renforcer le secteur des ONG et à développer un véritable secteur de service social. Les législations appropriées doivent être introduites pour créer le cadre dans lequel les organisations de la société civile peuvent opérer. Les ONG relèveront les défis et participeront à l’édification d’un secteur d’activités civiques qui favorisera la création d’emplois et contribuera au produit intérieur brut de Maurice.

Mais des personnes estiment que le travail social doit rester bénévole…
Je suis d’accord avec la professionnalisation du travail social. Mais il faudrait aussi permettre aux bénévoles de pouvoir oeuvrer. Il serait intéressant de donner l’occasion aux élèves du secondaire et aux étudiants de l’université d’être en contact avec des ONG. Cela peut se faire en incluant dans leurs programmes d’études des cours qui leur permettraient d’engranger des points à être comptabilisés pour l’obtention de leurs diplômes. On devrait organiser des stages au sein des ONG pour eux. Notre jeunesse affrontera des défis comme le changement climatique. Autant qu’elle y soit sensibilisée.

Bio Express

<p>Geerish Bucktowonsing, citoyen engagé depuis son adolescence, tient son penchant pour le social de son père, Beekha Bucktowonsing, ancien rédacteur en chef de <em>&laquo;Zamana&raquo;</em>, une publication de soutien au mouvement des frères Bissoondoyal. Ce natif du Ward IV portlouisien a été secrétaire général de la Port-Louis Youth Federation en 1987. Il a aussi été président du <em>Rotary Club</em> de Rose-Hill en 2005. Geerish Bucktowonsing a par ailleurs servi à l&rsquo;international en agissant comme personne référente de la zone Afrique de l&rsquo;Est pour le réseau GEF-NGO Network de 2008 à 2012.</p>