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Neelkanth Dulloo, avocat de Navind Kistnah: «Rs 1,5 million en cash dans un bureau d’avocat, cela ne me choque pas»

7 août 2017, 09:51

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Neelkanth Dulloo, avocat de Navind Kistnah: «Rs 1,5 million en cash dans un bureau d’avocat, cela ne me choque pas»

«La prison est devenue un centre de commande de la drogue. Le problème, c’est que des mafieux étrangers qui sont incarcérés dans nos prisons, rencontrent et sont en communication au quotidien avec des malins mauriciens.»

Une date a-t-elle déjà été fixée pour l’audition de Navind Kistnah devant la commission d’enquête sur la drogue ?

Non, pas encore. Je sais que Me Rama Valayden a reçu une lettre le vendredi 4 août qui dit que la commission ne peut pas trop tarder avec ça.

Qu’est-ce qu’un suspect principal dans une saisie record d’héroïne a à dénoncer devant la commission ?

Ce qu’il a à dire dépendra des questions du président de la commission et de ses assesseurs. Vu l’envergure de cette affaire, sa déposition sera in camera (à huis clos). Il a d’ailleurs le choix d’être accompagné ou pas de ses avocats.

Navind Kistnah a-t-il déjà obtenu le statut de témoin vedette ?

Non, seul le Directeur des poursuites publiques décidera quand il donnera ce statut. Me Valayden fera la demande officielle bientôt. Il attend la conclusion de l’enquête.

Lorsqu’il a été arrêté à Maputo, Navind Kistnah a demandé à ses proches de retenir les services des meilleurs avocats à Maurice. Considérez-vous être parmi les meilleurs en la matière ?

Je me considère chanceux d’être le junior de Me Valayden avec qui je travaille depuis 2010. Il a été à l’école de sir Gaëtan Duval. Navind Kistnah l’a choisi puisqu’il sait que l’avocat n’est pas du genre à laisser qui que ce soit à terre. Il l’a démontré dans le cas Marcelin Azie, alors que ce dernier avait déjà avoué l’assassinat de Nadine Dantier, ou celui de Michaela Harte ou encore Sanjeev Nunkoo dans le cadre de l’assassinat d’Hélène Lam Po Tang. Mais, il y a aussi beaucoup d’autres avocats qui font leur travail consciencieusement comme Mes Gavind Glover, Yousuf Mohamed et Siddhartha Hawoldar.

Pourquoi Paul Lam Shang Leen a-t-il dit souhaiter que de jeunes avocats puissent être comme vous ?

Il a affirmé que je ne me laisse pas tenter par l’argent. Comme partout ailleurs, c’est la plus grande des tentations. Il ne faut aussi pas oublier que ma formation chez deux anciens Attorney General et ex-parlementaires (NdlR, Mes Rama Valayden et Madan Dulloo), qui recevaient des appels et des visites de mandants au quotidien, a fait que je devienne travailleur social.

Vous êtes sûr de ne rien avoir à vous reprocher ?

Absolument.

Si je vous disais que votre dossier à la MRA n’est pas «clean» ?

C’est vrai, je suis un retardataire pour le paiement des impôts. Je compte régler la note en septembre. Mais, je ne suis pas quelqu’un qui est tout excité à l’idée de devoir payer la MRA, à voir tous les gaspillages de fonds publics au quotidien.

En passant, je pense que je vais envoyer mes réclamations à l’État dans les cas où j’ai été sollicité pour une legal aid. Depuis que j’ai prêté serment en 2010, je n’ai pas réclamé un sou pour ces services. Même si c’est facturé entre Rs 700 et Rs 1 500 par cas, je pourrai payer ce que je dois à la MRA avec cet argent.

L’évasion fiscale parmi les membres du barreau, ça vous parle ?

Je ne parlerai pas d’évasion fiscale mais de retard plutôt. Aujourd’hui, la MRA a un système très sophistiqué. À travers les Cause Lists et les jugements rendus, elle sait pertinemment quel avocat a paru pour quelle affaire. C’est quasiment impossible pour les avocats de s’adonner à l’évasion fiscale. Avec le numérique, Big Brother is really watching.

Rs 1,5 million en cash dans un bureau d’avocat, ça vous choque ?

(Longue réflexion) Si ce n’était pas dans un bureau, où cet argent aurait dû être ? À la banque, à la maison, tout dépend de la personne, comment elle range son argent et pendant combien de temps cet argent a été accumulé.

Je vous parle d’une enveloppe de Rs 1,5 million reçue d’un seul coup (il s’agit du montant saisi dans le bureau de Me Rex Stephen)...

Comme il y a une enquête en cours, je préfère qu’on passe à la prochaine question pour ne gêner personne.

Selon vous, est-ce normal de garder une telle somme dans un bureau ?

Oui, tout à fait normal. Ça ne me choque pas. Rs 1,5 million, ça ne veut rien dire aujourd’hui lorsqu’on voit trois voitures qui coûtent chacune au minimum Rs 1 million dans la cour d’une personne. Par contre, ça veut dire beaucoup pour les personnes qui luttent pour un salaire minimum. Moi, si j’avais Rs 1,5 million, j’aurais pu faire beaucoup de choses.

Donc un avocat comme vous ne mène pas une vie aisée ?

Loin de là. Mo kapav met lamé dan difé. J’habite au premier étage de la maison de ma grand-mère. Comme biens, j’ai ce laptop (il nous montre un ordinateur portable sur un rangement en bois), puis j’en ai deux autres dans mon sac ainsi que quelques affaires que vous voyez ici (il nous montre des livres de droit et des cadres à photos de lui aux côtés de son oncle Madan Dulloo ou de quelques clients ici et là). Tout le reste est mis à ma disposition. Même la voiture que je roule, appartient à ma tante.

Vous est-il arrivé de recevoir des cadeaux de vos clients ? Une voiture, un terrain…

Une seule fois. Un client que j’ai aidé pour un problème personnel, sans toutefois que je le facture, m’a apporté un chien de race pour me remercier. Comme à la maison, on n’en a pas voulu, le client a pris son toutou et est reparti. Il m’a dit qu’il valait Rs 50 000.

Il y a toujours eu une omerta sur les honoraires des avocats. Combien facturez-vous un client ?

Contrairement à l’Angleterre, les avocats mauriciens n’ont pas le droit de faire de la publicité. Mais je pense qu’à un moment donné on doit arrêter avec cela parce que nous sommes dans le domaine du service. À propos de mes honoraires, je préfère ne pas m’y aventurer tant que le système n’est pas régularisé. Sinon, je risque d’avoir enn sakré lamerdman avec le Bar Council.

Vous ne semblez pas avoir de smartphone...

Si si, j’en ai un. Celui-là (Il nous montre le téléphone de la taille d’une paume de la main posé sur la table à côté de lui), est très pratique pour composer les numéros.

Parlons-en des appels que vous avez reçus de numéros de portable depuis la prison. Le président de la commission a dit que vous avez commis un acte illégal en recevant ces appels...

J’ai expliqué les circonstances dans lesquelles cela a pu arriver. Ce n’était pas intentionnel. Depuis le temps que j’utilise mon numéro de téléphone, soit depuis que j’ai prêté serment en 2010, une seule fois, j’ai reçu un appel de la prison. Avec le nombre d’appels que je reçois, des fois on croit que c’est le Chaperon Rouge ou le Père Noël. Mais non, en fait c’est Al Capone ou Pablo Escobar qui appelle (Rires).

Avez-vous déjà accédé à la prison sans que vous ne fassiez l’objet d’une fouille ?

À Melrose, à Beau-Bassin et à la prison des femmes, je ne suis pas fouillé parce qu’on n’a pas de contact avec le prisonnier. Il y a une vitre qui nous sépare. À Grande- Rivière où je ne me suis pas rendu depuis longtemps, j’ai été fouillé.

Que pouvez-vous nous dire sur le trafic de drogue en prison ?

La prison est devenue un centre de commande (ordering centre) de la drogue. Le problème, c’est que des mafieux étrangers qui ont été arrêtés à Maurice et incarcérés dans nos prisons, rencontrent et sont en communication au quotidien avec des malins mauriciens. C’est un phénomène international. La drogue rentre au pays à travers des gens qui ont des connexions.