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Adi Teelock:«Le je-m’en-foutisme de nombreux compatriotes est sidérant»

13 juillet 2017, 13:09

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Adi Teelock:«Le je-m’en-foutisme de nombreux compatriotes est sidérant»

Platform Moris Lanvironnman (PML), en sus de prendre position publiquement sur des questions liées au développement durable, est aussi une interlocutrice écoutée lors de consultations officielles. Son porte-parole, Adi Teelock, s’exprime en son nom personnel sur les enjeux environnementaux du moment.

  1. Parlez-nous de Platform Moris Lanvironnman (PML).

Je souhaite préciser, avant d’entrer dans le vif du sujet, qu’outre les réponses qui portent sur Platform Moris Lanvironnman, je m’exprime en mon nom personnel. PML est un réseau informel d’associations, majoritairement, et de citoyens créé en mars 2010, dans le but de promouvoir la prise en compte d’enjeux environnementaux et sociaux dans le processus de développement, pour le bien commun. Chacun de la dizaine de membres qui composent la plateforme dispose d’une autonomie de pensée et d’action, aussi longtemps que celles-ci respectent la Charte autour de laquelle nous nous sommes assemblés.

  1. Quelles sont les attaques à l’environnement qui interpellent PML ?

Peut-être sont-elles trop nombreuses pour être énumérées ! Ceux qui font partie du réseau PML ont des champs d’intérêts et sont actifs dans des domaines divers : environnement marin, gestion des déchets, changement climatique, énergie, action sociale et communautaire, sensibilisation, biodiversité, pollution, environnement en général. Ils accomplissent un travail de fond et de longue haleine.

  1. Quelles actions doit-on entreprendre pour améliorer la situation sur le front de la protection de l’environnement ?

Il faut avancer dans tous ces champs et sur plusieurs axes à la fois. On doit faire respecter des lois et des règlements aussi bien qu’en changer certains. Les décideurs économiques et politiques, ainsi que les institutions, doivent être convaincus de la justesse de ce qui est avancé. Les dossiers présentés doivent être solides, avec des arguments étayés dans le respect de la méthode scientifique, pour avoir la meilleure chance possible de convaincre. Les campagnes de sensibilisation doivent être constantes.

«Les victoires durables se gagnent dans la durée au prix d'un travail constant»

  1. N’y a-t-il pas un risque que les ressources soient éparpillées ?

Tout est lié ! C’est pour cela que nous sensibilisons sans cesse sur la nécessité de voir les choses de manière holistique et non en isolation. Par exemple, une utilisation mal maîtrisée d’engrais et de pesticides est non seulement néfaste pour la terre et la santé humaine, mais aussi pour celle du lagon et de tout ce qui y vit ! Les victoires durables se gagnent dans la durée, petit à petit, au prix d’un travail constant, souvent long et minutieux. Les feux de paille ne rayonnent pas loin, ni longtemps.

  1. Platform Moris Lanvironnman avait manifesté contre la centrale à charbon à Albion, mais on ne l’entend pas sur le Petroleum Hub dans la même région. Pourquoi ?

Nuance importante : elle s’était manifestée, oui ; mais avait manifesté, non ! Elle avait questionné le bien-fondé de l’implantation de cette centrale à charbon de grande ampleur – 110 MW – qui, les aspects purement environnementaux et de santé publique liés à la pollution mis à part, aurait signifié un coup d’arrêt à l’intégration de l’électricité renouvelable sur le réseau. Le pays aurait été mis dans une situation de surcapacité. PML s’est déjà exprimée sur la transformation de la côte entre Albion et Montagne-Jacquot en port pour dire qu’il faut une évaluation environnementale stratégique du Port Master Plan. Elle y reviendra surement en temps et lieu. Elle avait aussi pris position à propos de la raffinerie flottante à Albion.

  1. Quel constat faites-vous de la sensibilité des Mauriciens face aux enjeux écologiques ?

Les Mauriciens sont de plus en plus conscients qu’il y a un problème. Cependant, en connaissent-ils suffisamment les causes pour agir en conséquence ? Ou sont-ils dans une situation qui ne leur permet pas d’avoir un autre comportement ? Nous, acteurs agissants, avons encore du travail à faire pour bien transmettre les messages afin de leur expliquer comment ces enjeux les touchent directement et les affecteront dans leur vie quotidienne. Cependant, le je-m’en-foutisme de nombreux compatriotes est sidérant ! Le constat vaut pour d’autres domaines. Cette situation est sans doute le résultat du mauvais exemple, du laxisme généralisé à tous les échelons, et de l’installation dans les consciences du «moi avant tout et tant pis pour les autres.» Il faudrait avoir, à l’échelle nationale et dès l’enfance, une sorte d’éveil des consciences généralisé.

  1. Quels sont les sujets relatifs à l’écologie qui doivent préoccuper les Mauriciens ?

Il faut porter une attention particulière à l’aménagement du territoire, car la plupart des enjeux écologiques et environnementaux auxquels le pays est confronté y sont liés. La protection de la biodiversité, par exemple, est tributaire de la protection d’aires géographiques, comme les marécages, les forêts et le littoral. Ces aires sont connectées, et si les terrains en pente proches de la côte sont déboisés, pour des constructions, et sont laissés à nu, la terre qui part avec la pluie se retrouve dans le lagon. Nous avons aussi vu comment des constructions mal situées occasionnent des inondations. Ces problèmes vont s’accentuer avec le changement climatique.

  1. Nos compatriotes ne donnent pas le sentiment d’être concernés par le changement climatique. Pourquoi ?

Vous savez, si c’est le cas, je ne critiquerai pas mes compatriotes ; car même au sommet des ministères clés directement concernés par la question, les enjeux ne sont pas compris. Les décideurs politiques eux-mêmes ne semblent pas conscients que des mesures d’adaptation audacieuses, face à la hausse du niveau de la mer, à l’érosion de plages, aux pluies intenses qui deviendront de plus en plus fréquentes, doivent être prises en urgence et avec cohérence. Les autorités semblent ne pas avoir encore entendu la sonnette d’alarme. Il faudrait par exemple être très ferme sur la distance de retrait de la ligne de marée haute lors d’octrois de baux sur le littoral, mais ceux dont la fonction est d’octroyer ces baux ne semblent pas y voir l’importance.

  1. Ne faudrait-il pas avoir davantage de concertations entre toutes les ONG qui travaillent pour la protection de l’environnement ?

Certainement. Mais il est parfois difficile d’arriver à un consensus autour d’enjeux, et aussi sur les stratégies et les moyens à mettre en œuvre pour faire avancer les causes. C’est une situation que l’on retrouve dans d’autres sphères. Ceci étant, il y a pas mal d’initiatives menées en commun. Il existe par exemple un réseau autour de la gestion durable des déchets et un autre autour de la sensibilisation à la protection de l’environnement marin ; il arrive que ces réseaux mènent, dans ces deux domaines liés, des actions ensemble. C’est très encourageant !

BIO EXPRESS

<p>Adi Teelock a, depuis quelques années, mis fin à une longue parenthèse pour renouer avec l&rsquo;engagement citoyen actif de son adolescence quand elle était élève au Queen Elizabeth College. Rentrée au pays dans les années 80, après une maîtrise en sciences historiques à l&rsquo;université de Strasbourg, en France (1983), Adi Teelock a été enseignante d&rsquo;histoire-géo avant de travailler en free-lance sur des études et projets de nature socio-économique et historique. Porte-parole de PML depuis 2010, elle contribue aux débats dans la presse sur l&rsquo;écologie et le développement durable, mais aussi sur d&rsquo;autres sujets, comme la carte d&rsquo;identité biométrique.</p>

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