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«Il aurait été plus honorable pour Raouf Gulbul de démissionner»

9 juillet 2017, 16:30

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«Il aurait été plus honorable pour Raouf Gulbul de démissionner»

Les noms de Samad Goolamaully et Ashley Hurhangee ont été mentionnés lors de la déposition fracassante de Me Tisha Shamloll devant la commission d’enquête sur la drogue. Les deux avocats ont accepté de répondre à nos questions sur leurs relations avec l’avocate, leurs liens avec Raouf Gulbul et le MSM.

Vos noms ont été cités devant la commission cette semaine…

Ashley Hurhangee (A.H.) : Nos noms ont été mentionnés, pas cités. La nuance est de taille.

Soit. Quelles sont vos relations avec Raouf Gulbul ?

Samad Goolamaully (S.G.) : Nous connaissons Raouf Gulbul depuis très longtemps. Le fait qu’il nous ait confié la responsabilité de sa campagne témoigne de l’amitié que nous avons.

En tant que responsable, vous devez être en mesure de nous parler du financement de sa campagne ?

S.G. : Soyons clairs sur ce point. Notre rôle ne se limitait qu’à l’aider pour ses discours, assurer la relation avec la presse et les autres responsables de campagne et se charger de la logistique. Nous ne sommes au courant de rien en ce qui concerne ses finances.

Pourtant, Me Tisha Shamloll, elle, est au courant. Vous n’avez vraiment rien vu du tout ?

S.G. : Il n’y a pas eu d’argent de provenance douteuse qui a changé de mains pendant la campagne à notre connaissance. Nous avons été mis au courant de tout cela après la déposition de Tisha devant la commission.

Et êtes-vous au courant de la nouvelle rumeur qui parle de Saint-Pierre, une rencontre nocturne et une forte somme d’argent ?

S.G. : Nous avons visité plusieurs endroits en cette période. Il y a effectivement eu une rencontre à Saint-Pierre, à la demande de Raouf  Gulbul. Il nous a demandé de venir l’attendre à proximité d’une station-service. On nous a dit qu’il était allé voir un homme religieux.

A. H. : Peu après, Noor Hussanee est arrivé sur place et Mamad Bocus l’a suivi de près. Raouf Gulbul est arrivé et a décidé que ce sont ces deux-là qui devaient l’accompagner pour une rencontre avec des religieux. Samad et moi-même avons eu la consigne d’attendre sur la route principale. Il y avait deux autres personnes qui attendaient avec nous dehors.

Les deux responsables de campagne vont à Saint-Pierre pour ne pas assister à une rencontre ? Cela sonne bizarre, non ?

A.H. : Bon, en ce qui me concerne, je pense que son choix a dû être motivé pour des questions de sensibilités ethniques, ce qui se comprend. Je n’étais pas bien placé pour assister à une réunion nocturne privée avec des religieux.

Vous pourriez quand même reconnaître la maison où ils se sont rendus!

A.H. : Non. On a attendu sur la route principale. À un moment, ils ont tourné dans une rue. Nous n’avons vraiment aucune idée où ils sont entrés. Nous n’avons vu ni argent, ni échange d’argent…

Un sac ? Une valise ?

S.G. : Rien. De toute façon, la personne la mieux placée pour mettre un terme aux palabres est le principal concerné lui-même. Je suis sûr qu’il confirmera que nous ne savons pas qui il a rencontré.

Revenons à Me Tisha Shamloll. Elle a dit que c’est vous qui lui avez ouvert les yeux sur certaines pratiques. Cela s’est passé comment exactement ?

S.G. : Tout le monde savait qu’il y avait une relation de confiance entre Tisha et Raouf. Elle faisait partie de l’équipe de campagne aussi, comme d’autres juniors de Raouf Gulbul…

Attendez. Définissons le terme ‘junior’ avant d’aller plus loin…

A.H. : Il n’y a pas de débats autour de ce terme. Ils allaient à la cour avec lui et préparaient les cas ensemble. Après, chacun fait ce qu’il veut avec l’interprétation des mots.

Vos conseils à Tisha, donc ?

S.G. : Ce n’est que vers le milieu de l’année dernière qu’elle nous a mis au courant de certaines «choses». En tant qu’amis, nous l’avons conseillée. Mais comme la commission n’a pas fini son travail, divulguer le contenu de ces échanges irait contre l’éthique de la profession.

A.H. : Nous lui avons prodigué des conseils, pas uniquement en tant qu’amis, mais en tant que Seniors aussi.

Après vos conseils à Tisha, comment se portent vos relations avec Raouf Gulbul ?

S.G. : Comme avant, professionnelles et amicales. Par contre, nous nous sommes rarement vus ensemble ces derniers temps. Il était pris par ses fonctions, j’ai dû subir une opération et Ashley s’occupait de ses affaires personnelles. Bon, il arrive qu’on se croise comme ça, mais ça n’a pas été plus loin.

Mais vous ne pensez pas qu’il doit quand même démissionner ?

S.G. : Raouf Gulbul a avancé des raisons légitimes pour rester à son poste à la Gambling Regulatory Authority. Cependant, j’aurais démissionné si j’étais à sa place, surtout en ce moment. Avec tous les amalgames qu’il y a entre le Champ-de-Mars et le blanchiment d’argent provenant de la drogue, j’aurais été embarrassé de tenir cette position et de devoir répondre devant la commission. Je ne dis pas qu’il est coupable, pas tu tout, je dis simplement qu’il aurait été plus honorable de le faire.

A.H. : Sa nomination a été faite par un gouvernement élu par le peuple. C’est à la population qu’il doit répondre. Comme Samad, je pense qu’il aurait été plus honorable de démissionner.

Votre ami est aussi président de la Law Reform Commission…

S.G. : C’est un poste pour lequel il a toutes les compétences. Cependant, il aurait dû démissionner pour les mêmes raisons. La perception du public.

Si vous êtes amis, pourquoi passer par la presse pour le lui dire ?

S.G. : S’il me demande mon avis, je le lui donnerai.

Revenons à la commission. Que pensez-vous de l’injonction de Sanjeev Teeluckdharry ?

S.G. : Sanjeev Teeluckdharry est un citoyen avant tout. Il a le droit de saisir la Cour suprême s’il estime que ses droits ne sont pas respectés. Mais personnellement, j’aurais demandé à la commission de me rafraîchir la mémoire en me fournissant les détails des affaires qui remontent. Un peu la même démarche, mais sans passer par la cour.

A.H. : Je pense qu’il aurait été plus correct de faire la demande d’injonction au moment où il a reçu sa lettre de convocation au lieu d’attendre la veille. L’injonction est une méthode qui demande plus de temps. Mais il a eu le temps qu’il demandait pour se préparer.

Il a accusé Paul Lam Shang Leen de faire du “mud-slinging”. Vous partagez son avis ?

S.G. : Ce n’est pas exact d’utiliser ce terme. Le juge est au courant de ses «terms of reference». La commission a le devoir de mener ses enquêtes comme il se doit, et elle fait un travail formidable.

A.H. : Personne ne peut empêcher son prochain de s’exprimer. Mais d’un autre côté, il faut se demander comment la population perçoit le travail de la commission. A-t-elle une opinion positive de son travail ? Car le but est de poser les questions légitimes à un individu qui, lui seul, peut apporter des réponses. S’il est au courant des faits, il répond. Sinon, il dit qu’il n’est pas au courant. C’est simple.

Raouf Gulbul soutient que tout ce qui a été dit sur lui n’est que des allégations. Vous qui avez parlé à Tisha, qu’en dites-vous ?

S.G. : Raouf est un ami, Tisha aussi. Tout ce qui a été dit devant la commission devra être mis à l’épreuve. Pour l’instant, oui, en effet tout ce qui se dit n’est qu’allégation. Si la commission trouve que l’enquête initiale sur une affaire a été mal faite, elle peut le dire dans ses recommandations. Toutes les parties concernées auront le droit de tester ses preuves.

La profession légale a beaucoup souffert de toutes ces allégations, surtout depuis qu’on sait qu’il y a une liste d’avocats qui seront appelés…

S.G. : Cette perception me rend triste. Mais vous savez, il est très facile pour unavocat, surtout un jeune, de se faire piéger. Ce n’est pas simple de deviner les motivations d’une personne qui vient solliciter nos services. Il y a certains de mes confrères qui ont été naïfs et ont peut-être pris des risques. La majorité des avocats des affaires criminelles peuvent un jour se retrouver dans une situation délicate, même si leurs intentions n’ont jamais dévié de l’objectif principal, qui est de défendre leurs clients.

A.H. : Un avocat qui traite des affaires criminelles doit faire attention, car il a toujours un pied à l’intérieur de la prison. Un jeune avocat peut effectivement commettre des erreurs, dont il ne réalise la portée que par la suite. Il faut avoir toute une méthodologie de travail quant à la rencontre avec des détenus.

Un avocat qui se laisse piéger, c’est un peu facile comme explication, non ?

S.G. : Pas du tout ! Laissez-moi vous donner un exemple. Une personne est arrêtée. Une autre vient se présenter comme un proche parent de l’accusé et me règle mes honoraires. Pourquoi je mettrai sa parole en doute ? Puis, après cinq ans, je réalise que les deux ne sont pas parentés et qu’ils étaient unis dans un trafic quelconque, je fais quoi ? Je pense que la commission fera aussi les recommandations sur le paiement d’honoraires des avocats.

Et vous pensez que la convocation des avocats va affaiblir le MSM ?

S.G. : Absolument pas. La commission appelle tout le monde, pas uniquement les avocats du MSM. De toute façon, cela donnera au parti l’occasion de mettre de l’ordre dans ses rangs, si besoin il y a.

A.H : La commission n’accuse personne. Jusqu’à présent, nous n’avons vu que les questions et les réponses appropriées. De toute façon, cette commission a été instaurée par ce gouvernement. Elle n’aurait pas été mise sur pied s’ils pensaient que cela allait les affaiblir.

Êtes-vous toujours proche du MSM ?

S.G. : Mon admiration pour SAJ est connue de tous. De plus, j’ai toujours soutenu l’idée d’avoir Pravind Jugnauth comme Premier ministre, car il a l’étoffe et la conviction de mener le pays vers des jours meilleurs. Mais il faudrait qu’il sache s’entourer.

A.H. : J’ai quitté la politique active il y a quatre ou cinq ans, même si je conserve de très bonnes relations avec tous les politiciens. En 2014, lorsque Raouf Gulbul a fait appel à moi pour lui donner un coup de main, j’ai accepté en tant qu’ami. Mais actuellement, je ne suis membre d’aucun parti.