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Graham Sheward: «Le gouvernement doit retarder la signature du Multilateral Agreement avec l’OCDE»

12 juin 2017, 16:58

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Graham Sheward: «Le gouvernement doit retarder la signature du Multilateral Agreement avec l’OCDE»

Alors que l’acquisition de CIM Global par le groupe européen SGG a été avalisée le 1er juin, son Managing Director nous parle des implications de la signature par Maurice du «Multilateral Agreement» à la fin du mois.

Que pensez-vous des mesures proposées dans le Budget pour le secteur financier ?

Deux mesures en particulier m’ont interpellé. D’abord, la décision de créer un Blueprint pour 10 ans destiné au secteur des services financiers, une initiative qui est la bienvenue. C’est d’ailleurs une mesure que je demande depuis les trois dernières années, l’idée étant que Maurice soit moins réactif face aux pressions extérieures, tout en forgeant son propre destin. Si ce projet va de l’avant, il faudra impérativement prendre un consultant externe, qui a une expérience et une expertise pointue sur d’autres centres financiers et qui pourra apporter de nouvelles idées. Maurice doit rester compétitif tout en adhérant aux nouvelles normes de conformité. Un point de vue extérieur est donc important à ce propos. Le secteur privé ainsi que les différentes institutions du secteur, tout particulièrement Global Finance Mauritius, seront plus qu’enthousiastes à apporter leur soutien à cette initiative.

De plus, les compagnies de type GBC 1 devront désormais répondre à un minimum de deux critères sur six afin de prouver qu’elles ont de la substance alors qu’avant elles ne devaient répondre qu’à un seul. Cette mesure est bonne pour la perception externe de Maurice et c’est une démarche positive pour l’industrie car nous accompagnons justement nos clients pour qu’ils répondent à ces critères. Ce qui fait que nous avons une opportunité commerciale avec cette mesure.

L’instauration de la taxe à un taux préférentiel de 3 % sur les profits tirés par les exportations est également fort louable. C’est le début d’un alignement entre le business au niveau local et international, une mesure très encourageante pour les sociétés locales tournées vers l’exportation, notamment sur le marché africain.

Venons-en au rachat de CIM Global Business par le groupe SGG. Qu’est-ce qui a motivé cette décision?

Le raisonnement est clair. Que ce soit à Maurice ou à l’étranger, il y a une augmentation rapide de la consolidation du secteur des services à l’investissement. En réalité, nous suivons un schéma de consolidation similaire à celui entrepris par les firmes d’audit comptables il y a 10 à 15 ans. Nous nous attendons à avoir trois ou quatre top investors service firms au niveau mondial au cours des 10 prochaines années et nous voulons faire partie de cela. L’International Financial Services a été racheté par le groupe Sanne. Et, à présent, c’est au tour de CIM Global. Dans ce contexte de consolidation, CIM Global s’est retrouvé avec quelques options: soit se consolider lui-même, dans lequel cas il faudrait un capital important ou être consolidé dans un plus grand groupe, chose que nous avons faite.

De plus en plus de clients sur le marché international veulent travailler avec un pourvoyeur de services international qui opère sur plusieurs marchés. CIM Global a déjà une stratégie d’expansion géographique en ce sens, étant implanté à Singapour et en Afrique du Sud. Mais, évidemment, le rythme d’expansion doit être suivi par l’investissement qui va avec. C’était donc une bonne décision de la part de CIM Global de trouver un acheteur qui puisse lui donner cette impulsion, l’expertise et l’investissement pour se développer. Les employés ont à présent une exposition à l’international et cela garantie également la sécurité d’emploi.

Par ailleurs, nous pensons étendre nos activités vers plusieurs segments. Ce qui sous-entend qu’il y aura de nouvelles opportunités d’embauche au sein du groupe. Nos clients ont à présent l’opportunité d’opérer sur plus de 20 pays avec une plus large gamme de services.

Ce rachat n’est-il pas, au contraire, symptomatique des difficultés auxquelles font face les opérateurs suivant les amendements au traité fiscal avec l’Inde ?

C’est tout le contraire. J’ai lu le raisonnement derrière le rachat de l’IFS et il est très similaire au nôtre. SGG voit Maurice comme la plateforme idéale pour la promotion des services et produits sur les marchés émergents comme l’Asie du Sud Est, l’Inde et l’Afrique. En tant que firme, nous n’avons pas observé une baisse de notre clientèle depuis les amendements au traité fiscal entre l’Inde et Maurice.

En fait, nous avons noté la création de nouveaux fonds pour profiter des quelques avantages du protocole. Le groupe SGG connaît bien le marché indien, ayant déjà un gros portfolio de clients sur ce marché. Il était parfaitement au courant des changements au traité de non-double imposition avec la Grande péninsule. De plus le groupe a également fait cette acquisition pour avoir une entrée sur le continent africain, Maurice faisant partie de l’Afrique. Mieux : nous y avons déjà une base de clientèle. Que ce soit pour IFS ou CIM Global, le rachat répond à la même logique, c’est la consolidation du secteur, bien qu’IFS ait peut-être eu d’autres motifs que ceux de CIM Global, cette dernière étant une société listée.

Le gouvernement a décidé de déférer la signature du «Multilateral Agreement» avec l’OCDE au 30 juin au lieu du 7 juin comme prévu. Vos observations ?

Je pense que le gouvernement a écouté les commentaires du secteur privé par rapport à cela, car le Multilateral Agreement est un instrument qui aura de lourdes conséquences sur de petites économies comme Maurice. Nous voulons du temps pour bien mesurer l’impact de cette signature sur le secteur des services financiers. J’estime toutefois que le délai de trois semaines pour bien cerner les implications demeure très court. J’aurai préféré que la signature de l’accord soit reportée aussi longtemps qu’il le faut afin que l’on puisse avoir une idée complète des conséquences qui en découlent. Idéalement, cela devrait faire partie du Blueprint. Bien entendu, nous allons devoir signer cette année, mais prenons encore quelques mois pour mieux cerner l’impact de cette signature et trouver les alternatives pour remplacer les affaires (business) qui peuvent disparaître avec la signature du Multilateral Agreement.

Certains ont même parlé de la «mort» du secteur dans les années à venir avec ces changements. Comment vous y préparez-vous, notamment après l’acquisition ?

 Déjà, le groupe SGG est basé en Europe, son siège social est au Luxembourg. Il connaît parfaitement tous les défis auxquels Maurice fait face. Et malgré cela, il a tout de même vu une opportunité avec l’acquisition de CIM Global. Les centres financiers internationaux pour lesquels j’ai travaillé ces 20 dernières années ont toujours fait face à des défis à différentes périodes de leur existence. Les défis externes peuvent avoir des effets disproportionnés sur de petites économies. Mais durant ces deux décennies, j’ai vu tous ces centres financiers s’adapter et continuer à prospérer. Le renvoi de la signature du Multilateral Agreement devrait donner le temps nécessaire à Maurice pour lui permettre d’examiner d’autres options. Mais maintenir la signature au 30 juin ne nous laissera pas assez de temps pour faire une analyse qualitative des implications. J’aurais aimé que cela soit étendu et je sais qu’à présent, le secteur privé va rencontrer le gouvernement sur une base régulière et urgente pour en discuter.

Un accord censé contrer l’évasion fiscale

Le «Multilateral Agreement» ou la «Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices» est un projet de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui vise à contrer l’évasion fiscale et les pratiques y relatives. Selon l’OCDE, il offre des «solutions concrètes» aux gouvernements pour combler les manquements existants aux différentes réglementations fiscales internationales. Et pour cause, le «Multilateral Agreement»

modifie la mise en application de plusieurs milliers de traités fiscaux bilatéraux, notamment les traités de non-double imposition. Le 7 juin dernier, plus de 70 ministres et hauts représentants ont pris part à la cérémonie de signature du Multilateral Agreement. S’il était prévu que Maurice en fasse de même à cette date, le gouvernement a déféré la signature au 30 juin. L’adhésion à cet accord devrait apporter de profonds bouleversements au centre financier mauricien, le pays étant signataire de plusieurs traités de non-double imposition.