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Bill Cosby, la chute d'une idole qui a marqué la culture populaire américaine

3 juin 2017, 09:15

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Bill Cosby, la chute d'une idole qui a marqué la culture populaire américaine

Pionnier des afro-américains à la télévision, humoriste adulé, incarnation du père idéal, philanthrope... Bill Cosby fut tout cela avant de devenir un paria accusé de dizaines d'agressions sexuelles et de risquer de finir ses jours en prison.

Depuis son inculpation le 30 décembre 2015, celui qui fut une légende pour des millions de téléspectateurs et d'aspirants comédiens, et l'une des grandes figures de la culture populaire américaine de la seconde moitié du XXe siècle, est resté essentiellement silencieux.

Agé de 79 ans, désormais aveugle, il a donné une seule interview, à la radio Sirius XM mi-mai, indiquant qu'il n'entendait pas témoigner à son procès de peur «d'ouvrir une boîte de quelque chose qui mettrait en difficulté mes avocats». Et de laisser planer la possibilité que le racisme ait contribué aux accusations portées contre lui.

Jusqu'à sa chute brutale fin 2015, Cosby avait gagné sa place au panthéon de la télévision américaine pour y avoir notamment fait tomber les barrières raciales: il fut le premier acteur noir à tenir un rôle principal dans une série à succès, «I spy», et à décrocher un Emmy Award du meilleur premier rôle dramatique.

Il l'a gagné trois années de suite entre 1966 et 1968, alors que faisait rage le mouvement pour les droits civiques des noirs aux Etats-Unis.

Sa carrière a ensuite oscillé entre le cinéma («Uptown Saturday night» avec Sidney Poitier en 1974, «Bob et Carole et Ted et Alice», ...) et petit écran, jusqu'au «Cosby Show», qu'il a créé et qui a été diffusé entre 1984 et 1992.

Cette série sur une famille bourgeoise aisée et unie autour de la figure patriarcale de Cliff Huxtable, un gynécologue respecté et plein d'humour, a valu au comédien deux Golden Globes, entre autres récompenses, devenant l'un des plus grands succès de l'histoire de la télévision.

Père idéal

Cosby a ensuite produit «Campus Show» entre 1987 et 1993, sur la vie d'étudiants, continuant à chroniquer sous un jour favorable la vie de la communauté afro-américaine.

«Avant le ‘Cosby Show’ on n'avait jamais vu (à la télévision) des familles noires aisées», faisait remarquer fin 2015 Shanice Joseph, jeune journaliste qui chronique la vie de son quartier de Los Angeles, Watts. «Quand j'ai grandi, mes amis et moi avions autour de nous des familles brisées, alors il était important de voir qu'il y avait des exceptions à cette norme», ajoutait-elle.

Avec son image de père idéal qui hors écran faisait l'apologie de valeurs familiales et enjoignait les jeunes noirs à rester scolarisés, Bill Cosby avait atteint un statut de modèle dans la communauté afro-américaine.

Sa chute n'en a été que plus traumatique, et beaucoup de ses admirateurs se sont sentis trahis. D'autant qu'avant d'être accusé par une cinquantaine de femmes d'agressions sexuelles et parfois de viol sous l'emprise de drogues ingérées à leur insu, il incarnait une ascension sociale exemplaire.

Né en 1937 à Philadelphie, l'acteur a grandi entre une mère femme de chambre, un père cuisinier dans la marine, et trois frères, et s'est vite gagné une réputation de clown de la classe.

Après un passage lui aussi dans la marine à la fin des années 1950, il a décroché, grâce à ses performances athlétiques, une bourse à l'université Temple de Philadelphie, en 1961, avant de débuter comme comédien sur les scènes des théâtre d'improvisation.

Longtemps administrateur d'honneur de Temple, il sera limogé du conseil d'administration en 2014 au moment où les accusations d'agressions sexuelle commencent à pleuvoir. Il perdra aussi beaucoup d'autres titres honorifiques, et presque tous ses soutiens médiatiques, comme la chanteuse Jill Scott ou la comédienne Whoopi Goldberg.

Sa femme Camille, avec qui il a eu cinq enfants dont l'un, Ennis, a été tué par balles en 1997, continue à le défendre.

Sa carrière, aujourd'hui à l'arrêt, pourrait-elle reprendre si le jury populaire de Pennsylvanie le jugeait non coupable ? «J'ai toujours le sentiment d'avoir beaucoup à offrir en termes d'écritures et de spectacle», assurait-il à la radio mi-mai, le ton enjoué, riant volontiers.

Il sait néanmoins que, même acquitté, son retour sous les projecteurs serait compliqué. «Le jury décide», a-t-il reconnu, «mais après, il y a toujours l'opinion publique».