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Milieu Scolaire: remèdes de profs face à des élèves incontrôlables

20 mai 2017, 22:30

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Milieu Scolaire: remèdes de profs face à des élèves incontrôlables

Un cas d’attouchements sexuels dans une école… primaire. Un cas de bullying dans un collège du Sud. La semaine a été marquée par ces deux cas d’indiscipline dans les établissements scolaires. Les deux cas ont été rapportés à la police et au ministère de l’Éducation. Mais dans les milieux éducatifs, on est d’avis que ces comportements s’accentuent en milieu scolaire. À qui la faute?

«Les gestes déplacés qui se faisaient auparavant par les élèves de 14 ans dans les collèges se font à présent dans le primaire. Je reçois énormément de plaintes, surtout de jeunes enseignantes. Elles ont honte d’en parler. Nous sommes désespérés. La situation est hors contrôle», confie Vinod Seegum, président de la Government Teachers' Union. Selon lui, l’indiscipline augmente dans les écoles primaires. Pourquoi ? «Depuis que les enseignants n’ont plus les mêmes pouvoirs et la même autorité, les élèves en sont conscients et n’en font qu’à leur tête.» 

Vikash Ramdonee, qui représente les enseignants du secondaire, est du même avis. «De toute façon, ce qui se passe dans le primaire ne peut qu’avoir un effet domino dans le secondaire.» Il ajoute qu’il est grand temps que le ministère prenne les devants sur le dossier d’indiscipline. 

Que pourrait-on faire pour reprendre le contrôle sur les écoles ? Nous avons posé la question aux deux représentants des deux catégories d’enseignants. Voici leurs propositions… 

Dans le primaire 

L’on est d’avis qu’il est impératif de faire l’éducation des parents. Tandis qu’au niveau des écoles, il faudrait des sanctions telles que des amendes. Exemple : faire payer le parent lorsqu’il est établi que son enfant a fauté. 

Autre proposition : l’installation de caméras de surveillance pour que le parent ne puisse pas contester l’acte d’indiscipline dont est coupable son enfant. Puis, il y a aussi ceux qui pensent qu’«un coup de rotin n’a jamais tué personne». Ainsi, il faut donner aux enseignants les moyens nécessaires pour se faire respecter, sans pour autant introduire la punition corporelle. 

La formation des enseignants et des maîtres d’école compte également. Car il faudrait les préparer à mieux réagir quand ils font face à un enfant qui s’exhibe, par exemple… 

Dans le secondaire 

D’abord établir et uniformiser une liste de délits et de sanctions. Ce qui permettra d’amender l’Education Act en travaillant de concert avec le Parquet. En cas d’infraction, il faudrait également que les parents aient la responsabilité de payer l’amende. Une mesure qui devrait avoir un effet dissuasif. 

Les enseignants sont également d’avis qu’il leur faut plus de pouvoir pour que chaque école puisse agir en toute autonomie. Et prendre les sanctions qu’elles jugent justes. 

L’idée de nommer un Discipline Master, qui aura pour unique tâche de se pencher sur les cas d’indiscipline, est également évoquée. Une requête a déjà été faite au Pay Research Bureau pour la création de ce poste, mais cette proposition n’a pas été retenue. Toujours dans l’idée de surveiller les cas d’indiscipline, la creation d’un Special Desk pour analyser et prendre des sanctions adéquates a aussi été évoquée.


Les cas de la semaine

Bullying : une des victimes transférée

«Je n’aurai pas pris la décision de le transférer si la direction du collège avait pris des mesures appropriées. Or, lorsque mon fils a dénoncé le bullying dont il était victim à plusieurs reprises, on ne l’a pas pris au sérieux», affirme Raj*, père de Vicky*, 12 ans. Mardi, l’express a révélé l’agression de ce dernier et d’un autre élève, Sanjay*, tous deux en Grade 7 (NdlR, anciennement Form 1), par deux de leurs camarades de classe dans un college d’État du Sud. Toute la scène a été filmée par l’une des victimes. À la suite de cet épisode traumatisant, les parents de Vicky l’ont transféré dans un collège privé. L’adolescent reprend l’école la semaine prochaine. 

Cet incident, Vicky l’a caché à ses parents. Le jeune garçon affirme que ses agresseurs lui ont forcé à ne rien dire à qui que ce soit. «Au cas contraire, ils vont tout me mettre sur le dos», relate-t-il. Sa mère, perplexe, se demande comment se fait-il qu’il n’y avait aucun enseignant dans la classe à cette heure-là. «Il aurait dû y avoir un remplaçant au moins», s’insurge-t elle. 

C’est la même question qui taraude l’esprit de Nanda*, père de Sanjay. Par contre, il ne compte pas transférer son fils. «Il n’a rien fait de mal», affirme ce receveur d’autobus. Toutefois, il avoue craindre pour la sécurité de son enfant. 

Avec l’autorisation de son père, Sanjay nous confie que la vidéo en question n’est pas la seule qu’il a tournée en secret. «J’ai fait des vidéos lorsque mon ami se faisait agresser les autres fois. Mais on m’a brutalisé pour me forcer à les effacer… La fois dernière, j’ai eu peur certes, mais j’ai pu filmer sans que l’on ne me voie.» Il n’est pas retourné au collège depuis l’incident et devrait le faire lundi.

*prénoms fictifs

Attouchements dans une école

La victime : une fillette de six ans. Elle a été examinée par le médecin légiste de la police. Ce dernier a indiqué qu’elle a subi des attouchements. Le suspect n’est nul autre qu’un autre élève de Grade 5 fréquentant le même établissement scolaire. 

Les faits se seraient déroulés dans les toilettes de l’école pendant les heures de classe. L’écolier de 10 ans n’en serait pas à son premier acte indécent. Peu de temps avant, il a été surpris en plein numéro d’exhibitionnisme dans la salle de classe…


Faizal Jeeroburkhan, pédagogue, ancien «Senior Lecturer» du Mauritius Institute of Education

Quel est votre constat par rapport aux cas d’indiscipline dans les écoles?
L’indiscipline est en hausse. Ce qu’on lit dans les journaux n’est que le sommet de l’iceberg.

Comment expliquez-vous cette situation?
Cela montre que le système éducatif ne va pas bien. Tout simplement parce qu’on se focalise sur la scolarité et pas sur l’éducation. On néglige les valeurs, le savoir-vivre en société… On a aussi un programme scolaire rigide, déterminé par les examens uniquement. Le bullying est devenu plus sérieux avec les dernières technologies…

Que suggérez-vous pour redresser la situation?
Il faudrait revoir le protocole au niveau des quatre zones éducationnelles. Créer une école spécialisée et bien équipée où on placerait les enfants incontrôlables.

Les parents devraient également être sensibilisés. Un comportement inapproprié ne peut être banalisé. Le problème de bullying n’existe pas qu’à Maurice. Des études en Europe ont démontré qu’entre 10 % et 15 %, des élèves y font face régulièrement. Il faut aussi instaurer une politique claire de prevention et de sanctions au niveau du ministère et de chaque école. 

Je pense aussi à la surveillance de la cour de récré. Il serait utile d’apprendre aux parents à identifier les signes qui peuvent suggérer que leurs enfants font face au bullying. Une perte d’appétit, la dépression, des absences fréquentes de l’école…

Des enseignants ont suggéré un retour du «rotin»…
Je suis tout à fait contre. Ce n’est pas un rotin qui permettrait à un enseignant d’être respecté. J’ai l’impression que les profs ont perdu leur vocation d’antan. Quand j’étais à l’école, il y avait un respect inconditionnel pour l’enseignant. Cela ne m’étonne pas que certains élèves ont ce genre de réaction. Par leurs agissements, des profs ont perdu de leur aura et de leur prestige établis par les anciens enseignants.