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Les grévistes aux Mauriciens: «Donn nou zot lankourazman»

20 mai 2017, 12:00

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Les grévistes aux Mauriciens: «Donn nou zot lankourazman»

La lueur d’espoir s’amenuise. Ainsi que les forces des victimes des plans Super Cash Back Gold (SCBG) et Bramer Asset Management (BAM) installées au Jardin de la compagnie pour leur 12e jour de grève hier. Et elles avaient l’attention braquée sur le conseil des ministres. Attendant une solution qui n’est jamais venue. Mais elles n’abandonnent pas pour autant. Au contraire, cette fois, elles en appellent à toute la solidarité mauricienne.

«Mo adres mwa à la populasion […] mo dir zot vinn soutenir sa bann grevistes la. Vinn guet sa bann dimounn la. Vinn donn zot lankourazman», lâche un Salim Muthy visiblement épuisé. Dès ce samedi, leur mouvement gagne en intensité. Salim Muthy lance un appel aux jeunes, aux organisations non gouvernementales, aux politiciens et aux artistes pour qu’ils les rejoignent ce soir au jardin de la Compagnie. Ce, pour une veillée aux chandelles et pour qu’ils apportent leur soutien aux grévistes.

«Demain je donnerai le mot d’ordre en ce qui concerne la grève», explique Salim Muthy. Ce dernier ajoute que «depuis le lundi le 15 mai, aucun représentant du Prime Minister’s Office ne nous a contactés». Et les seuls ministres à s’être exprimés ont, eux-mêmes, été avares de commentaire à leur sortie du bureau du Premier ministre, hier matin. «Alors que le Premier ministre avait dit qu’il ouvrirait les discussions pour trouver des solutions. Ici, l’état de santé des gens se détériore de jour en jour.»

Déjà, hier, deux grévistes, Sardha Sukhram, 55 ans, et Jean-Éric, 44 ans, ont dû être transportés d’urgence à l’hôpital Jeetoo, Port-Louis. Ils avaient déjà été hospitalisés dimanche et lundi derniers. Face à l’état de santé inquiétant de Jean-Eric, ceux présents au jardin de la Compagnie l’ont transporté sur son matelas à l’hôpital. Plusieurs soutiennent, du reste, qu’il a échappé au coma de peu…

«Du côté du SAMU, la réponse était qu’il n’y avait qu’une seule ambulance présente pour toute la capitale. Le véhicule est arrivé pratiquement une heure plus tard», déplore le docteur Rajah Madhewoo du Regroupman Travayer Sosyal.

De véritables drames humains

Certains sont là depuis le début. D’autres ont rejoint le mouvement en cours de route. Au 12e jour de grève, l’épuisement physique et moral pèse. «Je suis mal en point. Quand je marche, j’ai des vertiges et des maux de tête. Nous sommes sur des matelas, mais nous n’arrivons pas à dormir», confie Berty Gérard, 52 ans, qui a rejoint les grévistes après que Salim Muthy a lancé un appel lundi. «Je ne vais pas lâcher», soutient pour sa part Nirmala Sharma, 67 ans, présente depuis le premier jour. Cela, malgré la fatigue. «Je suis là jusqu’à la fin. Et même si je dois aller à l’hôpital, je vais quand même revenir faire la grève ici.» D’autres grévistes témoignent de leur vécu ou de leur soutien. Des histoires les unes plus marquantes que les autres…

Roshi Bhadain : ce qu’il aurait fait

«He is still running away» Ainsi commente Roshi Bhadain, ancien ministre de la Bonne gouvernance en affirmant avoir sollicité un face-à-face avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Le but : évoquer des solutions face aux victimes des plans SCBG et BAM. «Il y a plein de façons de trouver de l’argent, mais le gouvernement n’a rien fait. En une semaine, c’est difficile de trouver des sous», commente-t-il. Quelles sont les solutions qu’il aurait envisagées ? Il cite la vente de l’ex-Bramer Bank, désormais la Maubank. «L’assurance British American Insurance elle-même n’a pas encore été vendue et en plus, il y a l’hôpital Apollo Bramwell qui n’est qu’en location.» Selon Roshi Bhadain, la vente de l’hôpital pourrait aider à payer l’argent aux victimes qui attendent toujours. Pourquoi la vente n’a-t-elle pas été l’option préférée ? «Il y a eu un mismanagement dans ce cas, avec les courtiers qui sont entrés en jeu», estime-t-il.

 

Anoushka : «L’argent, c’était pour notre fils de trois ans»

Son époux a été transporté à l’hôpital Jeetoo à la force des bras des personnes présentes au Jardin de la compagnie. «L’argent investi dans le plan Super Cash Back Gold était pour notre fils de trois ans», raconte Anoushka, l’épouse de Jean-Éric. «Notre fils ne comprend pas pourquoi son papa est ici. Pour lui, son papa est avec des personnes malades.» Elle raconte qu’elle n’a eu cesse de dissuader son mari de mener cette grève de la faim. En vain. Tout ce qu’elle peut faire, c’est essayer de ne pas craquer. «Quand je suis arrivée, il était déjà à l’hôpital» explique-t-elle en évoquant le malaise de son mari. «Je lui ai dit de ne pas continuer mais il le fait pour notre fils. Je sais qu’il va revenir dès qu’il quittera l’hôpital…»

Sardha Sukhram : «Je n’arrêterai pas» 

C’est la deuxième fois que Sardha Sukhram s’est retrouvée à l’hôpital. Et, à chaque fois qu’elle en est ressortie, elle a mis le cap sur le Jardin de la Compagnie. «Tous les jours mon fils et mon mari viennent me voir. Et tous les jours, mon fils me demande d’arrêter. Mon mari aussi en soutenant que la santé est primordiale.» Mais Sardha Sukhram ne compte pas baisser les bras. Tant qu’elle n’obtiendra pas réparation. Cela, même si de jour en jour, elle commence à s’affaiblir .

Marie-Christine Audibert : «Aller jusqu’au bout» 

Cette ancienne enseignante d’anglais au Lycée  Labourdonnais partage la douleur des grévistes de Super Cash Back Gold (SCBG). Et pour cause, «j’en suis moi-même une victime». En 35 ans de carrière, c’est à la British American Insurance (BAI) qu’elle a placé toutes ses économies. Avec la chute de la BAI, elle les a vu partir en fumée.  Marie-Christine Audibert, 63 ans, a aussi été l'enseignante d’une des filles de Pravind Jugnauth. Ce qui l’encourage à lui lancer un appel de «nous rassurer et nous prouver que vous avez un cœur et de l'humanité». L’habitante de Curepipe affirme désormais être troublée par la réaction du gouvernement concernant les grévistes du plan SCBG. Si elle n’a pas pensé «honnêtement» à faire la grève de la faim, elle affirme avoir tenu à être tous les jours présente aux côtés des grévistes. 

Belle Vue Maurel: trois nouveaux grévistes 

9e jour de grève à Belle Vue Maurel. Le ton n’est pas au désespoir même si la tristesse se lisait sur le visage de tous, grévistes comme supporteurs. Pour soutenir les quatre grévistes de Belle-Vue Maurel, trois autres manifestants se sont joints au mouvement le vendredi 20 mai. Outre Danielle Selvon, député de la circonscription n° 1, Doris Félix et Chandraootee Gobin sont venues pour apporteur à leur façon leur pierre à cette lutte. Sreekisson Gobin, le porte-parole du groupe, est anéanti par les événements. «Mo pa ti atann ki zordi gouvernma pou fer la sourde oreille et pou ress otan insensible a nou soufrans», déclare-t-il, presque les larmes aux yeux. Mais «lalit continié, nou pe atann gayn nou kas.» Jusqu’à quand ? Il indique que les autres grévistes et lui maintiendront cette grève tant que leur santé leur permettra de continuer. «Plis zour pe bouzé, plis la situation pe agravé.»  Mais les grévistes de Belle Vue Maurel sont plus que déterminés. 
 

Danielle Selvon : «Un gouvernement sans cœur» 

Danielle Selvon a été plus que ravie de voir qu’elle n’est pas seule dans ce combat. Depuis qu’elle est venue prêter main forte aux grévistes vendredi 20 mai, ses supporteurs ne cessent de défiler à Belle Vue Maurel. Des personnes de la circonscription n° 1. Danielle Selvon est d’avis qu’il ne faut en aucune façon céder face à ce «gouvernement sans cœur». « Mo pe fer sa la grève la car pa finn gayn okenn solution apres consey des minis», soutient-elle. D’ajouter que c’est vraiment déplorable qu’en tant que Premier ministre, Pravind Jugnauth n’a pas pu présenter de solution. Elle est attristée de voir que l’état de santé des grévistes se détériore de jour en jour.  Faisant référence au ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, elle tient également à lui rappeler que le 25 avril 2015 dans un communiqué, il avait pris l’engagement avec Roshi Bhadain de payer toutes les victimes du plan SCBG. «Il avait même annoncé qu’il allait payer l’intégralité de la somme d’argent aux personnes âgées de plus de 75 ans.» 

Doris Felix : «Rendez -leur leur argent»

Elle a débuté sa grève le vendredi 20 mai. Toutefois, Doris Félix n’a pas placé d’argent au sein du défunt groupe BAI. «Mo finn trouv sa bann dimunn la zot soufrans, ek mo envi fer zot cone ki mo la pou zot.» D’ajouter que les gens qui ont investi dans ce plan ne sont pas des voleurs. «Gouvernma zordi pé trait zot couma voler. Ena pe dir zot “greedy” zot finn rod plis l’interé. C’est faux. Ce sont des gens honnêtes. Rendez leur leur argent.»  

Chandraootee Gobin : «J’ai besoin de cet argent pour vivre»

«Je sais qu’une grève de la faim n’est pas chose facile mais je suis déterminée car de cette argent j’en ai besoin», insiste Chandraootee Gobin. Cette dernière explique qu’elle a placé son argent au sein de l’ex-BAI car «elle vit seule. J’ai vraiment besoin de cet argent pour vivre», lâche-t-elle en sanglots. Malgré ses nombreuses interventions chirurgicales au niveau du ventre, de la main et du pied, elle a ainsi décidé de prendre les devants et exiger qu’elle soit enfin payée. 

Sookwantee Gobin voulait une retraite aisée…

Agée de 74 ans, Sookwantee Gobin  a travaillé dans les champs de canne depuis l’âge de 12 ans. A élevé des vaches pendant presque toute une vie. Elle qui voulait vivre une retraite aisée est désormais forcée à faire la grève de la faim. A bout de force, ne pouvant à peine parler, elle nous confie qu’elle envisage sérieusement d’arrêter sa protestation. «Mes deux petits-enfants habitent avec moi depuis que leurs parents se sont rendus en France. Je vais devoir m’occuper d’eux», explique-t-elle dépitée. Elle espère ainsi que son combat n’aura pas été vain car l’argent lui fait défaut et elle a ainsi dû remettre à plus tard une opération à l’œil.