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Philippe Houbert : «Qu’on ne vienne pas me dire que j’ai toujours le premier rôle» 

9 mai 2017, 15:31

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Philippe Houbert : «Qu’on ne vienne pas me dire que j’ai toujours le premier rôle» 

Bientôt 50 ans, que Philippe Houbert fait du théâtre. Avec le metteur en scène Daniel Mourgues, il raconte leur nouvelle aventure théâtrale : Stationnement Alterné de Ray Cooney. À l’affiche à partir du 13 mai au théâtre Serge Constantin à Vacoas.

 

Vous allez les fêter, vos 50 ans de théâtre ?

Pas du tout.

 

Vous n’êtes pas du style commémoration ?

Je n’ai pas cette prétention-là. Ce sont les hasards du calendrier, c’est tout. Je suis tombé dedans quand j’étais petit, j’ai démarré à 15, 16 ans. À l’époque, il n’y avait qu’une seule chaîne de télé. J’étais une espèce d’ovni, j’ai eu de la chance. Cela fait 50 ans que cela dure, c’est tant mieux. Je veux surtout remercier le public. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai encore rencontré des gens qui ne me reconnaissent pas physiquement, mais qui au son de ma voix, se retournent et disent, vous êtes Philippe Houbert.

Daniel Mourgues : Ça arrive même à Paris.

Philippe Houbert : c’est vrai, c’était à la terrasse d’un café.

Daniel Mourgues : À Auchan aussi.

 

Vous faisiez l’annonce ?

Philippe Houbert : (sourire) Oh, même pas.

 

Cela fait quoi ?

Ca me touche. Parfois les gens me ressortent des pubs : Telefunken, savon National. Je me dis merde. J’ai chanté Barbara, j’ai fait connaître Brel, mais on se souvient davantage de ça. C’est la culture populaire.

Daniel Mourgues : C’est la meilleure. Je n’ai pas honte du tout de faire de la comédie. D’année en année, on nous dit, «ah bon, encore de la comédie, vous n’avez pas envie de faire autre chose ?» Si, bien sûr. Mais on est à l’aise avec la comédie. Elle a une utilité, c’est de faire rire les gens, leur faire oublier leurs tracas. Les gens qui critiquent devraient savoir que c’est beaucoup plus facile de faire pleurer que de faire rire.

Philippe Houbert : Mon vieil oncle Roland, mon mentor, disait que Molière a été le premier boulevardier. Je ne vais pas comparer n’importe quelle comédie à Molière, mais je n’oublie pas la base : il était là pour faire rire. On va continuer à en faire, mais vous connaissez le problème.

Côté sponsors, les portes s’ouvrent-elles enfin ?

Depuis La cage aux folles (NdlR : en 2011), Stationnement Alterné est la première pièce à bénéficier d’une aide financière, celle de la Mauritius Commercial Bank. C’est suite à un coup de gueule que j’ai poussé le soir de la première de Espèces menacées (NdlR : jouée l’an dernier). J’avais dit que nous étions une espèce menacée. Je le redis, jusque-là, c’est Daniel Mourgues et moi qui avons tout financé.

 

De vos deniers personnels ?

De nos deniers personnels. En prenant tous les risques. Il n’y a pas un comédien qui a joué pour du pain, du beurre, alors que ni Daniel, ni moi n’avons pris une roupie. Nous n’avons jamais pu nous payer.

 

Quel est le budget de Stationnement Alterné ?

Je préfère ne pas citer de chiffres.

Daniel Mourgues : parler du budget au public, cela ne lui dit rien. On va annoncer quelque chose, le public va trouver cela faramineux.

 

C’est montrer la valeur de ce que vous faites, non ?

Daniel Mourgues : Certains diront, jouez avec trois meubles derrière un rideau noir, cela coûtera moins cher. Mais ce serait moins drôle. Il faudrait dire au public pourquoi tel poste coûte tant et comment on arrive à une somme qui peut paraître énorme. Ce serait trop long pour un magazine. C’est aussi à double tranchant. On est des artisans du théâtre. On engage nos moyens. On arrive à ne pas en perdre, sauf l’année dernière un peu, mais c’était raisonnable. Le jour où on perd vraiment de l’argent, on arrête. On n’est pas millionnaires.

 

Qu’est-ce qui fait que vous revenez tous les ans depuis six ans ?

Daniel Mourgues : On n’a jamais fait ça pour gagner de l’argent, contrairement à d’autres.

 

Certains diront que vous y gagnez forcément quelque chose ?

Daniel Mourgues : Oui, c’est la passion. On est retraité en France, on a la chance de résider sept mois par an à Maurice, qu’est-ce qu’on ferait ici ?

 

Vous dorer au soleil ?

Daniel Mourgues : Ca va une journée, après on est grillé, c’est mort. Le théâtre, c’est notre passion. C’est aussi des rencontres très importantes. De pièce en pièce on fait venir des jeunes.

On peut aujourd’hui parler d’une troupe Houbert-Mourgues ?

Philippe Houbert : On n’aime pas trop ça parce que cela voudrait dire que l’on s’enferme dans un clan. Or, notre idée c’est d’avoir un roulement. Que ceux qui ont travaillé avec nous puissent partager cet acquis avec d’autres.

Daniel Mourgues : Depuis La cage aux folles, nous avons formé environ 30 comédiens.

 

Y-a-t-il des poulains dont vous êtes particulièrement fiers ?

Philippe Houbert : On est fiers de l’éclosion de tous.

Daniel Mourgues : Dans l’ordre, Jean-Luc Ahnee dans La cage aux folles, il n’y a rien à dire, fabuleux. Si c’était à refaire aujourd’hui, on aurait du mal. Dans Nuit d’ivresse, il y a eu Marie-Ange Lagesse, dans un contre-emploi total. Dans A gauche en sortant de l’ascenseur, Virginie Talbotier a explosé.

Philippe Houbert :Elle n’avait jamais fait de théâtre. Il y a aussi Prem Sewpaul. Quand on l’a vu après dans son quotidien professionnel, il était évident qu’il en avait profité. Dans les jeunes, il y a Alessandro Chiara et Sandrine Raghoonauth qui ont trouvé chez nous autre chose que ce qu’ils avaient fait jusque-là.

Daniel Mourgues : L’année dernière, il y avait trois jeunes : Vincent Pellegrin, Christophe Saint-Lambert et Guillaume Silavant. Cette année, on a Romain Blanchet qui a une agence de mannequins ici et Laurent Laroche.

Philippe Houbert : Prenez Vincent Pellegrin. L’année dernière, il était hyper stressé parce que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fait de théâtre. Pour ne rien vous cacher, il y a eu un moment où on s’est demandé si on continuait avec lui, tellement il était angoissé. Finalement, au fil des représentations, Vincent s’est révélé. À tel point que cette année, il a le premier rôle. Qu’on ne vienne pas me dire que c’est tout le temps moi la tête d’affiche.

 

C’est en réponse à ça que Vincent Pellegrin tient le premier rôle ?

Non, c’est parce que je le trouve parfaitement justifié dans ce rôle. Je n’ai plus 20 ans non plus. J’ai pris un contre-emploi, un traîne-savate, un chômeur professionnel.

 

C’est un passage de témoin que Stationnement alterné ?

C’est vraiment le hasard de la distribution.

Daniel Mourgues : C’est bien de changer. Cela permet de travailler autrement. Vincent est sur l’affiche, pas Philippe. C’est facile de critiquer, mais il y a quelque chose que nous ne vendons pas assez, c’est la formation. On nous parle de master class ceci, cela. Je ne dis pas que cela ne sert à rien, mais elles ne durent qu’une semaine en général. Avec nous, la master class dure trois mois. On ne cache rien aux comédiens. Ils suivent la pièce du début à la fin. Alessandro Chiara qui a écrit une pièce, je pense que cela lui a servi. Il s’est rendu compte de tout ce qu’il y avait à faire. Nous appliquons des méthodes de travail à la française. Il y en a qui viennent en se disant, «chouette, on va se marrer». Eh, non. Je suis là, l’emmerdeur de service.

 

C’est comme cela qu’on vous appelle ?

Entre autres. Direct aussi, trop, c’est le défaut des Français.

Philippe Houbert : Je me suis personnellement occupé des master class avec Francis Perrin (NdlR : metteur en scène, acteur et comédien français) quand Pascal Legros ( NdlR : producteur du festival Les théâtrales) a proposé cela. Je me suis dit que j’allais entendre dire pourquoi j’ai pris untel plutôt que tel autre. J’ai fait abstraction de tout cela. Il y avait des gens d’horizons tellement différents. Théatralis, par exemple, pour qui j’ai la plus profonde sympathie, car c’est une équipe qui depuis des années se bat et qui va chercher trois sous pour monter des pièces au programme. Je trouve cela formidable. Les premières choses que Francis Perrin leur a dites étaient exactement ce que nous leur disons par rapport à la méthode de travail. Francis Perrin a été tellement proche de nous. Il est venu voir la dernière d’Espèces menacées. J’étais dans mes petits souliers parce qu’il a joué cela 800 fois. Il est sorti de là époustouflé, en disant qu’il ne s’attendait pas à ce niveau-là. Ensuite, il nous a accompagnés, on s’est vu plusieurs fois à Paris.

Daniel Mourgues : Il faut choisir avec discernement ce qui va marcher ici. Quand c’est trop franco-français, ce n’est pas bon, l’humour vulgaire non plus. Je gomme systématiquement tous les, «merde», «putain» des scénarios parce que ce n’est pas très utile. On essaie toujours de ne pas choquer les gens. Ce n’est pas nécessaire. Il ne faut pas sous-estimer le spectateur mauricien. Il est très attentif.

 

 

<p><strong>Stationnement alterné* : Les complications de la bigamie </strong></p>

<p>La trame de <em>Stationnement Alterné</em>, c&rsquo;est un chauffeur de taxi bigame (joué par Vincent Pellegrin). Il a deux ménages, l&rsquo;un à Montreux, l&rsquo;autre à Ivry. Les deux épouses sont jouées par Virginie Talbotier et Vinaya Sungkur. Tout marche jusqu&rsquo;à l&rsquo;incident de parcours, quand la police- le duo Romain Blanchet et Guillaume Silavant - s&rsquo;intéresse à sa vie. Pour sortir de la situation délicate, le chauffeur de taxi enchaîne les mensonges. La pièce se déroule simultanément dans deux appartements.</p>

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*Stationnement Alterné à l’affiche au théâtre Serge Constantin à Vacoas le 13 mai à 20h. Reprises du 17 au 20 mai, du 24 au 27 mai, à 20h. Places en première à Rs 700, seconde Rs 600. Billets disponibles sur le rezo Otayo.