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La présidentielle sud-coréenne, une affaire presque exclusivement masculine

7 mai 2017, 09:52

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La présidentielle sud-coréenne, une affaire presque exclusivement masculine

Park Geun-Hye était devenue la première présidente de Corée du Sud, avec le plus beau score d'un candidat de l'ère démocratique. Mais cette conservatrice n'a pas fait grand-chose pour les droits des femmes et son humiliante chute plombe encore leur cause.

Une seule femme figure parmi les 13 candidats qui brigueront mardi la succession de Mme Park, reflétant le caractère profondément patriarcal de la société sud-coréenne, d'après les analystes.

Sim Sang-Jeung, une ancienne syndicaliste, est la candidate du Parti de la Justice, formation de gauche.

Mme Park, fille du dictateur défunt Park Chung-Hee, a été destituée en mars, emportée par un retentissant scandale de corruption et d'abus de pouvoir centré sur sa confidente secrète. 

Placée en détention provisoire, elle attend désormais d'être jugée et des torrents de remarques sexistes se sont déversés sur les réseaux sociaux, tels que celle-ci: «Ne rêvez même pas d'avoir une femme présidente pendant les 100 prochaines années».

Mme Sim condamne un système du «deux poids, deux mesures», relevant que personne ne s'était préoccupé du genre des deux présidents détenus dans les années 1990 pour leur rôle dans l'écrasement du Soulèvement de Gwangju contre la dictature militaire. 

«Personne n'a dit: plus d'homme président», a-t-elle souligné pendant la campagne.

L'ex-présidente conservatrice n'a guère fait avancer la cause des femmes lorsqu'elle était au pouvoir et sa dégringolade aggrave la situation, expliquent les femmes politiques, qui luttent contre le plafond de verre.

Plafond de verre

«J'ai entendu récemment des électeurs hommes, et même des hommes politiques, dire Voilà pourquoi les femmes ne devraient jamais faire de politique», explique Han Jeoung-Ae, députée du Parti démocratique, formation de centre-gauche.

«On ne manque pas d'hommes politiques tombés pour corruption ou autre, mais personne ne parle de l'échec des hommes politiques en général, comme ils le font pour les femmes», dit-elle à l'AFP.

Les femmes sont encore relativement rares en politique. Elles représentent 17% des députés, ce qui classe la Corée du Sud au 30e rang des 35 pays développés membres de l'OCDE.

C'est mieux que les 6% de l'an 2000, mais il est «toujours très difficile» pour une femme d'obtenir l'investiture de son parti, note Nam In-Soon, députée du Parti démocratique, qui veut contraindre les partis à présenter au moins 30% de candidates.

«On a fait quelques progrès ces dernières années, mais le réseautage à la tête des partis se passe toujours dans les bons vieux clubs réservés aux hommes», déclare-t-elle à l'AFP. «On a toujours cet épais plafond de verre au-dessus de nos têtes».

Mme Park avait elle-même accédé au pouvoir en partie grâce à la popularité de son père, figure toujours révérée parmi les électeurs les plus âgés qui ont bénéficié de la croissance économique rapide de la Corée du Sud pendant son règne (1961-1979).

Sous bien des aspects, la société sud-coréenne reste très conservatrice et avec le Japon, elle est vue comme l'un des pires endroits parmi les pays riches pour les femmes qui travaillent. Les deux voisins sont classés cette année bons derniers de «l'Indice du plafond de verre» du journal The Economist, qui mesure l'égalité au travail dans 29 pays avancés.

Anti Superwomen

Créditée de la quatrième place par les sondeurs (entre 7 et 8% des voix), loin derrière le favori Moon Jae-In, Mme Sim, 58 ans, n'a aucune chance de l'emporter mardi.

Ce qui ne l'a pas empêchée de se faire remarquer durant les débats. Elle s'est montrée la plus coriace contre Hong Joon-Pyo, le candidat du Parti Liberté Corée, la formation conservatrice de Mme Park. 

Classé à la troisième place par les sondages, M. Hong, 62 ans, a été appelé le «Trump de Corée» pour sa rhétorique sans filet et ses remarques sexistes. Il ainsi estimé dans une interview que «a vaisselle, c'est le travail des femmes». Dans ses mémoires, il se vante d'avoir aidé un ami à tenter de violer une femme en la droguant.

Lors d'un débat télévisé, Mme Sim l'a harcelé jusqu'à ce qu'il présente ses excuses. 

Elle milite pour l'allègement du double-fardeau des femmes qui travaillent, un programme baptisé «Lois anti-Superwomen». 

Si l'avenir des femmes politiques semble toujours bien sombre en Corée du Sud, Mme Sim offre une lueur d'espoir, estime Lee Jing-Ock, du cabinet Korea Women Politics Solidarity. Elle symbolise «la femme politique nouvelle qui gravit les échelons comme elle l'entend, à la différence de Mme Park, qui symbolisait la politique patriarcale du passé».