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Suresh Hurry: «Très difficile pour les énergies renouvelables de satisfaire la demande à 100 %»

5 mai 2017, 14:57

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Suresh Hurry: «Très difficile pour les énergies renouvelables de satisfaire la demande à 100 %»

Expatrié, Suresh Hurry porte un intérêt particulier au développement du pays dans le domaine qu’il maîtrise. Il est directeur d’IT Power US, Inc. en Floride, une société spécialisée en service-conseil en énergies renouvelables. Il fait le point sur les possibilités dont dispose Maurice dans ce secteur.

Les dernières données fournies par Statistics Mauritius sur la consommation d’énergie indiquent que 84 % de nos besoins, soit 1, 283 kilotonnes d’équivalent pétrole (une unité de mesure de l’énergie), provenaient de l’énergie produite à partir des carburants fossiles, contre 86 % en 2014. Notre dépendance à l’énergie fossile vous étonne-t-elle?

Cela ne m’étonne pas du tout. Je crois comprendre que Maurice est en train de faire son maximum en ce qui concerne la biomasse, surtout les déchets de l’industrie cannière. Il y a deux ans, quand j’étais le chef d’équipe pour l’élaboration de la contribution prévue déterminée au niveau national pour Maurice, on évoquait la possibilité d’utiliser le fatak ou Arundo Donax, comme combustible. Je ne sais pas si le fatak est toujours d’actualité. 

Pour ce qui est de l’énergie photovoltaïque (PV) et éolienne, encore une fois je crois comprendre que des projets ont été réalisés et d’autres pourraient voir le jour prochainement. Quant à l’utilisation de l’énergie thermique des mers et celle des vagues, il y a eu des essais dans plusieurs pays alors que d’autres sont en cours.

Force est de constater que ces technologies ne sont pas encore disponibles commercialement. Donc, pour Maurice en ce qui concerne les énergies renouvelables, il n’y a que la biomasse cannière et l’hydraulique en plus du solaire PV et de l’éolien. Il n’existe peut-être pas d’autres possibilités exploitables pour l’hydraulique à Maurice.

Nous dépendons de l’importation pour produire de l’énergie électrique. Est-ce une raison pour ne pas réduire sensiblement cette dépendance?

Il faut le faire en amont en maximisant l’utilisation des ressources renouvelables et en aval en continuant advantage avec l’efficacité énergétiquegestion de l’énergie.

Le CEB a lancé le «Small-Scale Distributed Generation» destiné aux coopératives pour fournir une centaine de kilowatts d’électricité au réseau national. Quelles sont les autres initiatives de production que le pays peut encore exploiter?

Il reste toujours la biomasse, le solaire PV et l’éolien. Pour ce qui est de la première, elle pourrait produire de l’énergie ou la charge dite de base (base load), mais ce n’est que pour quelques mois de l’année. Par contre, le PV et l’éolien sont des sources dites intermittentes, donc pas aptes à fournir la charge de base, sauf si on augmente de façon significative la puissance installée et qu’on a recours à de grandes banques d’accumulateurs.

Tout doit se faire sur la base d’un coût actualisé de l’énergie plus connu comme le levelised cost of electricity et en fonction de la pénétration des énergies intermittentes. Les études dans plusieurs pays démontrent que cette penetration est pour l’heure limitée à 30 % afin de ne pas créer de perturbations dans le réseau.

Les sources de production de l’électricité se sont diversifiées ces dernières années alors que le CEB détient le monopole en termes de distribution. Une liberalisation est-elle nécessaire?

Il n’y a aucun mal à avoir un monopole mais il faut un bon régulateur. Ce qui n’est pas le cas à Maurice, si je comprends bien. Certains pays en développement qui ont libéralisé leur sous-secteur électrique n’auraient pas récolté les résultats escomptés. 

Même dans mon pays et État d’adoption que sont les États-Unis et New York, la libéralisation des services d’électricité et du réseau de gaz ménager n’a pas été une grande réussite.

Quel pourrait être l’impact de la liberalisation de la distribution sur le budget de la ménagère?

Cela n’est pas évident. Suivant une libéralisation, des sociétés font des offres alléchantes pour appâter les consommateurs et quelques mois après la signature de contrats de longue durée, augmentent les tarifs. Finalement, les consommateurs sortent perdants. Je suis dans le domaine et je n’ai jamais voulu faire le saut après mûre réflexion. Des amis qui n’ont pas suivi mon conseil se sont retrouvés avec des factures plus élevées qu’auparavant. Donc, les consommateurs doivent être sur leurs gardes.

Comme vous êtes très impliqué dans des programmes liés à la gestion de la problématique énergétique en Afrique, vos services ont été retenus pour le lancement d’un projet de géothermie avec, entre autres objectifs, de produire de l’électricité à Moroni, aux Comores. Quelles sont les alternatives auxquelles vous avez eu recours?

La Grande Comore a un volcan actif et la dernière coulée de lave remonte à janvier 2007. Les études entreprises par les Néo-zélandais démontrent que le potential géothermique est d’environ 40 MW, nécessitant un investissement de $ 110 millions, qui était initialement prévu pour 10 MW.

Bien sûr que cet énorme investissement a fait tiquer les Comoriens et le solaire est cité avec persistance comme une alternative. Donc, avant de poursuivre sur la voie de la géothermie, le Programme des Nations unies pour le développement a entrepris une étude afin de déterminer le coût actualisé de l’énergie pour comparer (i) la géothermie ; (ii) le solaire ; (iii) la biomasse qui est une option très difficile car l’île serait déboisée à l’instar d’autres pays ; (iv) l’éolien dont le gisement est très peu connu et dont les études satellitaires démontrent que le potentiel est réduit dans les pays qui sont presque sous l’équateur et (v) l’hydraulique qui est inexistante dans la Grande Comore, mais disponible à Anjouan et à Mohéli. 

Cette étude démontre que pour une énergie de base, je précise bien énergie de base, la géothermie est gagnante. Par contre, le solaire n’est pas exclu pour une énergie de pointe afin de satisfaire les «crêtes» dans la demande.

Quels sont les besoins en électricité que les sources renouvelables peuvent satisfaire mais qui restent sous l’emprise des énergies fossiles ?

Il est très difficile pour les énergies renouvelables de satisfaire la demande de base à 100 %, sauf dans les pays au climat désert ou avec un gros potentiel éolien et qui disposent de beaucoup d’accumulateurs pour le stockage. Il faudrait privilégier le gaz au profit du gazole. Les émissions à partir du gaz sont moins élevées.

Par exemple, si la Grande Comore devait produire toute son énergie de base à partir du PV solaire, le pays serait placardé à presque 25 % de sa superficie de panneaux solaires. Ce ne sera pas une vue de la Grande Comore qui plairait à ses habitants.

Si Maurice devait accélérer le processus de diversification de son système de production d’énergie, quelle pourrait être l’équation en termes de l’utilisation des carburants utilisés jusqu’ici?

Maurice devrait considerer l’option gaz pour remplacer le gazole. De toutes les façons, les deux combustibles doivent être importés. Par contre, le gaz est une énergie plus propre, comprenons un combustible qui émet moins de gaz à effet de serre. Il faudra toutefois investir, entre autres, dans des infrastructures et leur acheminement. 

Il est intéressant de noter que du jeudi 20 avril à 23 heures au vendredi 21 avril 2017 à minuit, la Grande- Bretagne a utilisé 0 % de charbon. Toute l’électricité a été produite à partir du gaz (55 %), du nucléaire (25 %) et l’éolien en haute mer (20 %).

Le service des transports et l’industrie manufacturière consomment le plus d’électricité (50,7 % et 23,7 % respectivement) selon les données officielles. Comment renverser la tendance avec l’énergie renouvelable?

Pour le transport, une option sérieuse est les voitures hybrides ou à 100 % électriques. Pour les industries et peut-être le font-elles déjà, utiliser le gazole sur place au lieu de l’électricité pour produire de la chaleur.

Mais, mon opinion est que l’avenir réside dans les piles à combustibles. Le coût de production de l’hydrogène est en baisse de par le monde et la sortie du pot d’échappement est dépourvue de CO2. C’est uniquement de l’eau qui en sort. L’hydrogène est déjà disponible à petite echelle commerciale, très restreinte dans les pays développés.