Publicité

Tour d’Italie: le Giro, la course «dell’arte»

2 mai 2017, 15:49

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Tour d’Italie: le Giro, la course «dell’arte»

 

Le mois de mai venu, le Giro propose chaque année une course incomparable dans le théâtre à ciel ouvert qu’est l’Italie, pays historique du cyclisme qui fête à partir de vendredi la centième édition de son grand tour national.

Du théâtre, le Giro possède le décor, superbe à l’exemple des rocheuses Dolomites enneigées à cette période de l’année ou des «piazzetta» aux façades ocre, mais aussi les intrigues. Son histoire fourmille d’envolées, d’embuscades, de jeux d’alliances. La course qui symbolise le romantisme du cyclisme a souvent mis à nu la comédie humaine, ses troubles, ses ardeurs, ses intérêts.

«Je me suis fait voler!», a jadis confirmé à l’AFP Laurent Fignon, dépossédé du Giro 1984 au profit de Francesco Moser qui était alors auréolé de son futuriste record de l’heure. Fâché, le Parisien s’abstint durant cinq ans. Quand il y revint en 1989, ce fut pour le gagner (et signer la dernière victoire française). Tant il est vrai qu’un champion doit aussi vaincre le Tour d’Italie, voire s’attaquer au défi du doublé Giro-Tour qui reste l’un des exploits majeurs du cyclisme.

Créé précipitamment en 1909 par la Gazzetta dello Sport -le principal journal sportif italien toujours maître d’oeuvre au XXIe siècle par le biais de la société RCS- afin d’éviter qu’un autre journal s’empare de l’opportunité, six ans après le lancement du Tour de France, le Tour d’Italie a dépassé le seul cadre sportif. Il touche à l’histoire du pays, un «fil rose qui nous unit en tant que peuple depuis plus de cent ans», selon l’expression d’Andrea Monti, directeur du quotidien sportif dont les pages sont de la même couleur.

Un style volontairement sexy

Dans l’Italie de l’après-guerre, l’opposition entre Gino Bartali, le fervent catholique dont on apprendra plus tard qu’il a sauvé des Juifs pendant la guerre, et Fausto Coppi, l’archétype de la modernité, fascine et divise le pays, jusqu’à éclipser le troisième homme, Fiorenzo Magni, compromis avec le fascisme.

Plus tard, ce sera l’époque ambigüe de Felice Gimondi, opposé au plus grand champion de l’histoire (Eddy Merckx), puis les duels entre Beppe Saronni et Francesco Moser dans des éditions dénaturées, à la haute montagne rabotée pour favoriser les coureurs de la péninsule.

Puis vint Marco Pantani dans la décade trouble des années 1990 sur fond de dopage sanguin massif. Le Giro retrouve ses sommets, innove en dénichant des cols devenus mythiques. Le Mortirolo, que l’édition 2017 escaladera le 23 mai dans l’étape rejoignant Bormio, la Fauniera, une ancienne route militaire en très haute altitude, le Fenestre, dont la partie finale est non goudronnée, les pentes effrayantes du Monte Zoncolan...

Le Giro frôle l’excès, tombe parfois dans la démesure (multitude de transferts, longueur des étapes, etc...) mais impose son style, accrocheur, spectaculaire, volontairement sexy.

Malgré la concurrence du Tour de France, sans conteste l’événement majeur de la saison, il s’est voulu ces dernières années, dans un pur langage marketing, «la course la plus dure dans le plus beau pays du monde». Quitte à céder à la mode des départs organisés à l’étranger. Nombre de coureurs, séduits par la qualité de la cuisine et de l’hébergement proposés aux équipes, partagent cet avis. Ils sont sensibles aussi à la chaleur des «tifosi», souvent des passionnés qui rejoignent les sommets des cols à vélo.

Auprès de tous, le maillot rose exerce une fascination intacte. La tenue a été portée pour la première fois le 10 mai 1931, à Mantoue, par Learco Guerra, alias «la Locomotive humaine». Elle fait fantasmer les favoris de la 100e édition qui se présentent vendredi au départ d’Alghero avec l’ambition de conquête. Vincenzo Nibali, le seul coureur du Sud à l’avoir ramené à bon port à deux reprises, a trouvé la bonne formule: «Le Giro est une longue passion.»