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[Vidéo] Nos récifs perdent-ils de leur couleur ?

26 avril 2017, 00:30

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[Vidéo] Nos récifs perdent-ils de leur couleur ?

L’ état de nos coraux est d’une importance capitale. Que ce soit pour la pêche ou le tourisme. Le blanchissement des dernières années inquiète.


 

Blancs et morts ! C’est le constat dans plusieurs régions de l’île par rapport aux coraux, comme pour Virjinie Orange, skipper dans la région de Blue-Bay. «J’ai grandi ici, je vois la différence», lance-t-elle. Brice Cohadon, qui plonge dans le nord de l’île depuis 2012, nuance ses dires. «On voit progressivement les coraux blanchir. Il y a des endroits où nous plongeons souvent et où la différence est quand même flagrante.» Il n’y pas que la Grande Barrière de corail, en Australie, qui souffre de blanchissement. Maurice n’a pas été épargné.

Les récifs coralliens y jouent un rôle capital. Habitat pour les poissons, barrière protectrice pour le littoral et attrait touristique, ce sont ce que nous offrent les barrières de corail – uniquement si elles sont en bon état. Environ 150 km de récifs coralliens entourent Maurice et on y trouve plus de 150 d’espèces de polypes qui y vivent. Pourtant, depuis quelques années, ces barrières de corail blanchissent à vue d’oeil. C’est toute l’île qui est affectée. Selon un expert local, les régions de Flicen- Flac et de Belle-Mare ont été les plus sévèrement touchées mais l’étendue totale des dégâts n’est pas encore connue. En raison majoritairement de la température trop élevée de l’eau pour les coraux. Le réchauffement climatique et El Niño étant les catalyseurs principaux de cette situation.

 

«Les coraux ont besoin de conditions favorables pour se développer. Parmi elles, il y a des normes de température, la lumière et les nutriments. Si l’un de ces paramètres est affecté, cela peut mener au blanchissement du récif corallien», explique Said Ahamada, expert en biodiversité marine à la Commission de l’océan Indien (COI).

Entre 2014 et 2016, un évènement mondial de blanchissement des coraux a eu lieu (voir hors texte). «Si une telle situation continue pendant plusieurs semaines, le corail va mourir», continue Said Ahamada. Et si le polype meurt, alors l’écosystème est déstabilisé et la barrière arrête de se développer.

Cela ne signifie pas pour autant que tout est perdu, fait comprendre l’expert en biodiversité marine. Si, après le blanchissement, les conditions redeviennent favorables, les polypes peuvent reprendre des couleurs.

«Après la mort des années 1997/1998, le corail s’est régénéré un peu mais n’a pu revenir à son niveau précedent», affirme Said Ahamada. Mais la situation à Maurice est encore réversible selon plusieurs experts. La Reef Conservation fait comprendre que sur les zones qu’elle surveille, seulement 3 % des coraux ont blanchi à plus de 50 %. De façon générale, 44 % des coraux ont blanchi dans une fouchette de 10 % à 50 % aux cours des derniers mois. Ce qui laisse entrevoir un espoir.

La reserve de Blue-Bay/Mahebourg est l’un des
meilleurs endroits pour proteger les coraux.

Sauver nos recifs

Les coraux morts durant le blanchiment sont perdus, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas être remplacés et que ceux vivants ne peuvent être protégés. Plusieurs programmes et mesures ont été mis en place par le ministère de l’Economie océanique et de la pêche pour préserver nos coraux et nos récifs.

«Nous faisons un suivi régulier de l’état de nos coraux», lance Ronnie François, du Centre de recherches d’Albion. «Nous avons un programme de pouponnière et de ferme à coraux pour permettre la réhabilitation des zones où les coraux ont été abîmés.»

Ces deux programmes du ministre de la Pêche et du Centre de recherches d’Albion sont réalisés en mer sur des constructions solides placées sur le fond pour permettre aux coraux de se développer. Ces coraux pourront ensuite être utilisés pour faire du bouturage, comme avec des plantes, sur d’autres supports solides autour de l’île. Cela permettra au corail de repartir dans les endroits considérés comme dégradés. Les autres réalisations du ministère sont les parcs marins et les réserves comme à Balaclava et à Blue-Bay.

«Toutes les activités dans les parcs sont soumises à de stricts règlements», explique Ronnie François. «À l’intérieur des parcs, il y a aussi des endroits dits de conservation stricte où le public n’a pas accès.»

Pramod Chumun, coordinateur de projets à Ecosud, une organisation non-gouvernementale travaillant essentiellement dans la région de Blue-Bay et de Mahébourg, soutient, de son côté, que «dans le parc marin (NdlR : où toute activité est strictement limitée par les réglementations), des dégradations sont notées, mais les coraux se portent mieux dans la réserve (NdlR : où la pêche est réglementée mais moins stricte) de Mahébourg».

La COI ne lâche pas le morceau sur la protection et la surveillance des récifs coralliens. Depuis 1997, elle participe au Réseau Surveillance Récif océan Indien, qui permet de garder un oeil sur 227 sites d’observation dans notre zone.

Les coraux sont soumis à la destruction naturelle, mauvais temps et prédation mais aussi aux destructions causées par l’Homme. C’est l’opinion et la perception du public qu’il faut changer, les coraux et les récifs ont souvent connu des dégâts du fait de l’Homme.

«Nous avons différents projets, dont un programme éducatif, A Nou Al decouver Nou Fond Marin», explique Pramod Chumun. «Nous avons aussi travaillé avec les guides et les skippers pour que soient adoptées toutes les bonnes méthodes, comme avec les touristes pour éviter les dégâts

Le changement climatique  et le phénomène El Niño sont des résultats indirects de l’influence de l’Homme sur son environnement mais rapidement catalysés par l’émission de gaz à effet de serre. Plus que par le blanchiment, les coraux sont avant tout menacés par la pollution directe provenant des activités humaines : eaux usées, déchets solides, produits chimiques et manque de respect volontaire ou non, entre autres, qui dégradent l’écosystème marin.

Vivant, le corail n’est pas blanc

Les barrières de corail grandissent sur des fonds solides, roches ou autres coraux. Il faut faire la différence dans le corail, regroupant l’organique et l’inorganique. Les structures calcaires que l’on appelle communément «corail» sont inertes et inorganiques tandis que le polype compose la partie vivante du corail. Ce sont les polypes qui construisent les barrières de corail. Ces animaux, souvent microscopiques, vivent en symbiose avec une micro-algue : les zooxanthelles, qui leur donnent aussi leur couleur. Le polype conserve les zooxanthelles à l’intérieur de son corps, lui prodiguant une protection et aussi du dioxyde de carbone (CO2), l’algue elle produit des nutriments et de l’oxygène par photosynthèse, l’excédent de production nourrissant les polypes. Lorsque la température de l’eau augmente, les polypes expulsent les zooxanthelles de leur corps afin de se protéger. Les polypes deviennent alors blancs. Si les conditions restent mauvaises pour les polypes, ces derniers meurent, laissant derrière eux les structures de calcaire, le plus souvent blancs que l’on retrouve près des plages.

Les espèces invasives


 

La «couronne d’épines» (Acanthaster planci), une étoile de mer est aussi un danger majeur pour les coraux. «Elle commence à proliférer dans le nord de l’ile», affirme Brice Cohadon, moniteur de plongée. Cette espèce invasive peut rapidement submerger les coraux, elle ne fait pas la diffèrence et se nourrit de toutes les espèces de polypes. Dans le passé, la «couronne d’épines» a décimé une partie de la Grande Barrière de corail d’Australie.

Blanchissement mondial

Les Australiens ont tiré la sonnette d’alarme. Les scientifiques ont qualifié le blanchissement entre 2014 et 2016 comme étant sans précédent. Depuis le début de 2017, un nouvel évènement est en cours, imputable directement au réchauffement climatique. Ce qui a condamné les coraux, qui ont blanchi deux fois au cours des dernières années sur la Grande Barrière de corail. Dans notre région, selon le rapport du Climate Council, ce sont les Maldives qui ont le plus souffert du blanchissement. Durant le blanchissement de 1997 à 1998, plus de 50 % de la population des coraux dans la région de l’océan Indien est morte.

 

Impact économique conséquent

Pour Maurice, la perte des récifs coralliens porterait un coup sévère à l’économie. L’effondrement de l’écosystème des récifs causé par la perte des polypes signifierait, en quelques années, l’arrêt de la pêche et de la plongée sous-marine. Près d’une cinquantaine de centres de plongée ont été recensés auprès de la Mauritius Scuba Diving Association (MSDA). «Une plongée coûte entre Rs 1 400 et Rs 2 000 par personne, dépendant de la taille du centre de plongée», explique Hugues Vitry, président du comité technique de la MSDA. «À raison d’une moyenne de 35 plongeurs par sortie, sur environ 300 jours l’an, cela fait entre Rs 5 millions et Rs 15 millions par an en chiffre d’affaires

À ce nombre, il faut enlever les frais d’entretien et les salaires mais y ajouter les gains indirects, taxis et restaurants, etc. Selon les professionnels de la pêche, la mort d’un des sites de plongée autour de l’île verra la chute drastique de l’intérêt des touristes en moins d’un an. Ce qui contraindra des clubs à mettre la clé sous le paillasson. Entre 200 et 1 000 personnes travaillant dans le secteur de la plongée sous-marine seront alors au chômage.