Publicité

Dr Surenaidoo Naiken: la médecine dans le sang

23 avril 2017, 15:19

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Dr Surenaidoo Naiken: la médecine dans le sang

Surenaidoo Naiken a un parcours éducatif atypique mais cela ne l’a pas empêché de réussir. Il est né il y a 38 ans en Ukraine de la Sri-Lankaise Sama, qui y étudiait la médecine générale et du Mauricien Bedee Naiken, qui s’y spécialisait en gynécologie. Lorsque le couple termine ses études supé- rieures et vient s’installer à Maurice, Surenaidoo n’a qu’un an. Bien que ses parents soient pris par leurs professions – son père est aujourd’hui consultant à l’hôpital de Flacq et sa mère exerce au libéral – cette dernière trouve tout de même le temps pour lui et son jeune frère Deeren.

Ils grandissent à Rose-Hill, également entourés de leurs grands-parents et oncles. Notre interlocuteur se classe parmi les 1400 premiers au Certificate of Primary Education et c’est au SSS de Quartier Militaire qu’il entame sa scolarité secondaire jusqu’en Form III. Parmi les amis de ses parents, il y a surtout des médecins. Ce qui fait qu’il baigne en quasi-permanence dans une ambiance où il est question de pathologies, de soins et de médecine.

Son père ayant fait ses classes au collège St Mary’s et son fils cadet ayant été admis au collège du St Esprit (CSE), il tient à ce que son aîné fasse aussi son entrée dans ce collège. Surenaidoo passe donc l’examen d’entrée de Form IV et intègre le CSE. Il est agréablement surpris par son nouvel environnement scolaire qui «tient compte du développement intégral de l’élève et qui fait que son regard change et ses aspirations aussi.» C’est tout naturellement qu’il se tourne vers les matières scientifiques.

Mais Surenaidoo est pressé. Il veut aller vite. De sorte qu’en première année de Form VI, il décide de prendre part à l’examen de General Certificate of Education. Il le réussit mais pas avec d’aussi bonnes notes qu’il aurait souhaité. Qu’à cela ne tienne, il est prêt à aller étudier la médecine. Étant curieux de connaître le pays dans lequel il est né, c’est au Donetsk Medical University en Ukraine qu’il est admis. Bien que certains des manuels d’études datent de la fin des années 70, les professeurs encouragent leurs élèves à bûcher par eux-mêmes sur les différentes pathologies avant d’être entraînés en milieu hospitalier et interrogés après qu’ils aient établi le statut clinique d’un malade souffrant de la pathologie étudiée.

Diplômes et spécialisations

C’est là qu’il rencontre sa future épouse Kateryna, qui donne naissance à leur fils aîné. Il complète ses études de médecine au bout de six ans et lui et sa petite famille regagnent Maurice. Il se fait inscrire au conseil de l’ordre des médecins et démarre son année d’internat à l’hôpital A.G. Jeetoo. Au contact du chirurgien Anwar Fakim, il est fasciné par la chirurgie et se dit qu’il a peut-être trouvé sa voie. Il boucle son internat et complète une autre année dans cet hôpital avant d’être envoyé pendant un peu plus de deux ans à l’hôpital Queen Elisabeth à Rodrigues. C’est au contact des Rodriguais qu’il apprend à aimer son métier. Il y découvre un milieu «différent de Maurice, où la gratuité engendre souvent des abus, où le système de santé est chaotique, où en deux heures, il faut ausculter plus de 100 patients, engendrant une frustration parmi aussi bien le personnel hospitalier que les patients. Par contre, les Rodriguais, ayant une autre mentalité, savent valoriser le médecin. Rodrigues m’est resté dans le cœur», confie-t-il.

Son affectation se termine en 2009 et il retrouve l’hôpital Jeetoo. Après un passage au centre cardiaque de Pamplemousses, où le Dr Sunil Guness développe en lui le goût de l’excellence dans le métier et la soif de réactualiser ses connaissances en permanence, il sent qu’il stagne et est frustré. Il aurait bien voulu obtenir une bourse de spécialisation mais est «persuadé que les dés sont pipés et que l’allocation des bourses ne se fait pas dans la transparence.»

Il décide de faire une demande pour une formation postuniversitaire dans les pays européens et en Australie où vit sa tante maternelle. Il écrit aussi à la Commission d’engagement de chirurgie de Genève, qui examine son dossier et lui demande de venir passer un entretien. Bien qu’il ne connaisse personne en Suisse, il est aidé par des Mauriciens Rajen Narsinghen et Alain Fong, amis de ses proches.

On lui donne la possibilité de passer deux semaines dans les Hôpitaux Universitaires de Genève où il observe la pratique et ses réactions sont observées. Au bout de deux semaines, Surenaidoo est accepté.

«C’est là que j’ai découvert le vrai concept de la formation qui se résume à see one do, do one and teach one. On vous envoie au bloc opératoire et on vous explique tout de A à Z et le chef de clinique commence l’opération et vous laisse continuer sous sa supervision. S’il voit que vous avez des difficultés, il reprend la main. Le lendemain, vous revenez pour une mise à plat de ce qui s’est passé la veille avec les chefs de clinique et cela recommence au bloc opératoire et ensuite, il y a les formations.»

Il apprécie le fait que le système médical helvète trois possibilités aux médecins dont la formation universitaire de base n’est pas reconnue dans leur pays. «Ils vous offrent soit la possibilité de recommencer les études de médecine in toto et de passer l’examen final, soit de travailler trois ans et de repasser l’examen final écrit et oral, soit de travailler cinq ans et de passer l’examen final écrit.» Surenaidoo choisit la dernière option.

Après trois ans aux HUG, il est envoyé à Yverdon-les-Bains comme chef de clinique adjoint à l’hôpital régional. Là, il opère des cas simples, assiste les chefs lors de chirurgies compliquées, apprend lors des formations. Il fait des gardes combinées de chirurgie générale et d’orthopédie. En 2015, il s’inscrit à l’examen pour obtenir un Masters of Advance Studies en chirurgie viscérale, sous la tutelle du Professeur P. Morel, auprès de l’université de Genève avec soutenance d’une thèse sur le cancer du rectum. «Ce diplôme est reconnu internationalement mais en Suisse, pour évoluer, il faut être conforme au système fédéral», explique-t-il.

Le voilà reparti pour deux ans de pratique au Groupement Hospitalier de l’Ouest Lémanique, plus particulièrement à l’Hôpital de Nyon. Là, il se spécialise en laparoscopie. Il est ensuite le premier Mauricien et le quatrième étranger en Suisse à prendre l’examen du Board européen de chirurgie générale. Examen qui repose sur 25 critères et sur un certain nombre de publications scientifiques et le réussit. Tout comme il repasse l’examen final de médecine générale et le succès est aussi au rendez-vous. Ce qui lui donne droit à son diplôme de la fédération helvétique des médecins mais aussi le diplôme Fédération des médecins helvétiques en chirurgie générale. Avec tous ces diplômes, il peut exercer où il veut.

Ce qui explique qu’il s’insurge contre le nouveau système d’examen d’internat en vigueur à Maurice. «Mettons de côté le dénigrement envers les universités des pays que l’on nommait autrefois les pays de l’Est. Mais le jeune diplômé de médecine qui regagne l’île doit passer trois examens : celui lui donnant le droit de faire son internat, un examen final pour évaluer ses compétences après son internat et l’examen de la Public Service Commission pour intégrer la fonction publique. C’est être plus royaliste que le roi.»

S’il est une forte tête, il a un sens prononcé de la redevance. Ainsi, actuellement, il met en place un projet humanitaire de chirurgie coelioscopique en oncologie avec le concours d’un médecin en Ukraine. Tout comme il regagne la Suisse aujourd’hui pour y travailler une dizaine d’années avant de venir se poser à Maurice. «Ce sera ma façon de rendre à ces pays ce qu’ils m’ont offert…»