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Avinash Venkama: «Le secteur touristique doit se réinventer»

10 avril 2017, 13:18

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Avinash Venkama: «Le secteur touristique doit se réinventer»

Regrouper les petits et moyens hôtels sous un label d’Écohôtel. Telle est la finalité du projet «Greening the Mauritian Tourism Industry», financé par l’Union européenne et les Nations unies sous l’initiative «Switch Africa Green». L’association des hôtels de charme en est bénéficiaire. Le chef de projet nous parle des défis auxquels fait face le secteur.

Où en êtes-vous avec le projet «Greening the Mauritian Tourism Industry», qui a débuté il y a plusieurs mois avec l’association des petits et moyens hôtels ?

C’est un projet étalé sur deux ans et demi. Et nous en sommes déjà à 18 mois. Les bailleurs de fonds sont l’Union européenne et les Nations unies, à travers le programme Switch Africa Green. La subvention du projet est de USD 250 000 (environ Rs 9 millions). Le bénéficiaire est l’association des hôtels de charme, qui regroupe les petits et moyens hôtels de l’île. Nous travaillons également avec le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC) et l’université de Maurice (UoM).

Le projet se décline en trois phases : le gap analysis, qu’on a complété en août 2016, avec le NPCC. L’analyse a identifié les bonnes et les mauvaises pratiques dans les hôtels, notamment au niveau du traitement de déchets, de la gestion de l’eau et de l’électricité, entre autres. Le NPCC a généré 30 rapports pour 30 hôtels bénéficiaires du projet. Ce sont des hôtels en dessous de 3-étoiles. Il y a deux rapports nationaux qu’on a générés pour Maurice et Rodrigues.

Nous sommes dans la deuxième phase, qui concerne le renforcement de la capacité. Une série de formations aura lieu dans ce sens la semaine prochaine. Nous comptons générer un Environmental Management System Manual tout en offrant une assistance technique à ces 30 hôtels pour la mise en application des mesures préconisées. Il ne s’agit pas uniquement de faire des rapports qui dormiront dans des placards. Le document comprend des actions, avec des coûts financiers, comme l’installation de systèmes de récupération d’eau pluviale ou encore les plaques photovoltaïques. Des ajustements que l’UoM a recommandés peuvent être faits rapidement sans engendrer de coûts supplémentaires. La troisième phase consistera à réunir ces 30 hôtels sur une plateforme commune et les référencer comme des Éco-hôtels.

Le projet vise-t-il uniquement les hôteliers ?

Non. Il est important de souligner que le projet ne vise pas uniquement les hôteliers mais également les différentes parties prenantes qui gravitent autour, tels que les clients et les fournisseurs de services comme les taxis, les maraîchers, ainsi que le public en général. Nous avons prévu de former cinq fournisseurs de services par hôtel sur tout ce qui a trait aux pratiques de consommation durable. L’ambition est aussi de donner aux hôteliers bénéficiaires une certification ISO. Ce n’est pas un projet qui offre du financement en amont, mais les hôteliers pourraient s’en servir comme appui pour faire des demandes de prêts pour l’acquisition de plaques photovoltaïques, par exemple, avec le support du NPCC et de l’UoM. Nous travaillons également avec des consultants en freelance, notamment dans l’ingénierie.

Que pensez-vous de la politique de Maurice en matière de développement durable jusqu’ici, avec le retrait de Maurice île durable (MID) et des initiatives du privé qui se font de manière un peu disparate?

Le problème, c’est que les différentes initiatives sont faites de manière individuelle. Il n’y a pas encore de véritable élan national par rapport au développement durable. Nous n’avons pas encore pensé à l’avenir du pays sur le long terme. Les projets comme MID étaient bien. Mais celui-ci n’a pas réussi à créer cette cohérence, à fédérer toutes les parties prenantes. C’est bien d’avoir lancé le couloir aérien, de vouloir créer de l’emploi. Mais tout projet a des implications multiples, que ce soit sur l’environnement, sur l’économie ou sur la société. D’un point de vue touristique, Maurice n’est pas le seul pays à avoir des atouts au niveau du sea, sun and sand, la compétition est féroce sur le plan régional et à travers le monde. Quelle serait donc notre valeur ajoutée ? Les hôtels ne doivent pas se limiter à la rénovation des chambres. Le secteur a besoin de se réinventer.

«Il n’y a pas encore d’élan national par rapport au développement durable.»

D’où vient le blocage?

Si on prend le cas des petits hôtels, leur principale préoccupation, c’est de se battre pour maintenir un cashflow positif. Ce qui est tout à fait compréhensible. 

Du coup, ils ne comprennent pas comment des pratiques écologiques peuvent permettre de faire des économies, comme la récupération de l’eau et les jardins potagers. Au début du projet, il a fallu rencontrer chaque hôtelier, leur expliquer et leur faire comprendre quel serait leur avantage compétitif en adoptant des pratiques écologiques.

Que faudrait-il faire pour qu’il y ait des actions concrètes?

Les ministères concernés doivent arriver à travailler ensemble, de concert avec toutes les institutions et associations telles que la Mauritius Tourism Promotion Authority, l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice, la Tourism Authority ou encore la Beach Authority. Il faut que tout le monde se mette à la même table et qu’il y ait un véritable partenariat public-privé pour voir comment appliquer les principes du développement durable dans les faits. 

Au niveau des hôteliers, il faudrait que sur chaque yield per customer, un pourcentage aille dans la protection de l’environnement. À l’horizon 2040, Maurice devrait accueillir deux millions de touristes. Où vont-ils vivre ? Quelle eau vont-ils consommer ? Avons-nous assez de ressources naturelles pour soutenir cette masse touristique? Ce sont là des éléments qui devraient être anticipés et discutés par les différentes instances autour d’une même table.