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Sabita: «Les os de ma fille se trouvent au musée»

9 avril 2017, 16:31

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Sabita: «Les os de ma fille se trouvent au musée»

«Mo pa koné koumma mo tifi inn al fini dans enn vitrinn.» C’est ce que s’évertue à répéter Sabita Koomakikooa. Cette dame de 67 ans est persuadée que les ossements de sa fille sont exposés dans un musée de l’île. Du moins, c’est ce que l’enseignante de son petit-fils lui a rapporté après une excursion. Toujours est-il que, depuis que le corps de sa fille a été retrouvé, Sabita n’a pas pu organiser ses funérailles. Car la police, dit-elle, ne lui fournit pas les renseignements qu’elle demande.

Ce dimanche 9 avril 2017, cela fait exactement 14 ans depuis que Sabita Koomanikooa a vu Cindy pour la dernière fois. Elle s’en souvient comme si c’était hier. «Ce jour-là, elle portait un pantalon rose et une blouse bleue. Elle a quitté la maison vers 11 heures.» A l’époque, mère et fille habitaient à Pointe-aux-Piments. Mais Cindy n’est jamais rentrée à la maison. «Monn mars boukou pou mo rod li. Partou monn alé.»

Cindy Koomanikooa était retournée vivre avec sa mère après des problèmes conjugaux. Mais il lui arrivait de revoir son mari de temps en temps. «Je lui disais de ne pas y aller à chaque fois. Sirtou ki li ti pe retourn tar sak fwa», martèle Sabita.

Ossements retrouvés à Balaclava

Ce n’est que cinq mois après la disparition de la jeune femme que «l’affaire Cindy» a connu des développements. Des ossements humains avaient été retrouvés à Balaclava. Sabita a appris la nouvelle à travers la presse. «Ti lé 4 septam sa.» Ces dates-là, elle ne risque pas de les oublier.

La mère s’était alors rendue au poste de police d’Abercrombie, puis à celui de Trou-aux-Biches. «J’ai identifié les vêtements de ma fille. Puis, il y avait la bague et les boucles d’oreilles que je lui avait offertes», se rappelle Sabita d’une voix tremblante.

«Il y avait la dent en or que je lui avais fait faire»

Ensuite, elle a dû se rendre à Réduit pour «voir» les ossements. Mais elle n’a pas pu aller jusqu’au bout. «Les policiers m’ont montré ses dents. Il y avait la dent en or que je lui avais fait faire.» Ses larmes se mettent à couler malgré elle.

«Mo ti tousel sa zour-la. Pa ti ena personne are mwa. Mo pann kapav guet skelet-la.» Si elle a bien reçu un document stipulant que les ossements sont ceux de sa fille, elle n’a pu les récupérer, la raison étant que l’enquête était en cours.

«Péna enn zour kot mo pa pans li. Péna enn zour mo pa koz ar li, mo dir li mo pou fer so lanterman…»

Depuis, Sabita Koomanikooa n’a plus eu de nouvelles. Les années passent, le silence est le même. Malgré ses démarches, affirme-t-elle, elle n’a jamais pu savoir où en est l’enquête, qui a été arrêté et ce qu’il est advenu des ossements de sa fille. «Péna enn zour kot mo pa pans li. Péna enn zour mo pa koz ar li, mo dir li mo pou fer so lanterman…»

La dernière fois qu’elle a «entendu parler» de sa fille, c’était après l’excursion scolaire de son petit-fils. L’enseignante de l’enfant lui a assuré que les os de sa fille étaient exposés dans un musée, avec le nom affiché en dessous. Mais Sabita Koomanikoa n’a jamais pu vérifier, sa santé et sa solitude ne lui permettant pas de faire le déplacement. D’ailleurs, par la force des choses, elle a dû abandonner sa quête.

Après Cindy, Sabita a perdu sa fille aînée, son mari et son fils

C’est que le malheur a encore frappé. Trois ans après avoir la disparition de Cindy, Sabita a perdu sa fille aînée et son mari, durant la même année. Quelques mois après, son fils rendait l’âme à la suite d’un accident de la route. Depuis, elle est seule, obligée de bouger de maison louée en maison louée…

Sans parler de la maladie qui l’a rendue pratiquement aveugle. Sa vie se résume désormais à ses souvenirs, à l’amour qu’elle porte à ses proches disparus et à sa vie simple, dans la maisonnée composée d’une pièce qu’elle loue à Roche-Bois. «Si je paie un gros loyer, je n’arrive pas à m’acheter à manger.» Une garde-malade s’occupe d’elle de temps en temps. Sinon, elle doit compter sur ses voisines. Qui connaissent toutes la tragique histoire de cette courageuse dame.

Pas de squelette dans le placard

<p>Une visite au musée mentionné par Sabita n&rsquo;a rien donné. Aucun ossement humain n&rsquo;y est exposé. <em>&laquo;Nous avions un crâne maori dans les collections, mais nous l&rsquo;avons remis à qui de droit&raquo;</em>, confie un ancien président du Museum Council. L&rsquo;institutrice a-t-elle induit la vieille dame en erreur ? Nous avons essayé de la joindre, mais en vain. Du côté de la police, un haut gradé ne se souvenait pas de ce cas, le confondant avec un autre.</p>