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Guyane: les délégués des manifestants occupent le Centre spatial

5 avril 2017, 09:49

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Guyane: les délégués des manifestants occupent le Centre spatial

La situation paraissait bloquée mardi en Guyane, objet d’une grogne sociale sans précédent depuis deux semaines, après la décision d’une trentaine de délégués de manifestants à Kourou d’occuper le Centre spatial guyanais (CSG).

«Nous ne bougerons pas d’ici. La situation est figée, la Guyane est bloquée. Vous êtes bloqués. Nous voulons les milliards que nous avons demandés», a affirmé Manuel Jean-Baptiste, un membre du collectif Pou La Gwiyann dékolé, s’adressant a Didier Faivre, directeur du CSG, d’où décollent les fusées européennes Ariane.

M. Faivre avait accepté de recevoir la délégation alors que plusieurs milliers de manifestants, se dirigeant vers le CSG pour affirmer leur «détermination», ont été bloqués à l’entrée du centre par un cordon de gendarmes.

Après plusieurs heures d’attente, il leur a annoncé une probable vidéo-conférence mercredi avec le directeur du Centre national d’études spatiales (Cnes) Jean-Yves Le Gall, qui viendra jeudi sur le site de Kourou, mais aucun retour du gouvernement. «Et bien on restera là jusqu’à jeudi», a instantanément lancé Olivier Goudet, le porte-parole des «500 frères», un groupe très populaire dont les membres défilent encagoulés.

Alors que les élus guyanais ont longtemps semblé absents de la mobilisation, plusieurs d’entre eux, dont le sénateur Antoine Karam (PS), l’ancien ministre Léon Bertrand (LR) et le député Gabriel Serville (PSG) font partie des occupants du centre spatial. «C’est important d’être là, c’est la solidarité», a réagi M. Bertrand.

Les manifestants, dont les revendications sont de nature sociale, économique et sécuritaire, entendent aussi protester contre les propos de Bernard Cazeneuve qui a refusé lundi les exigences financières «irréalistes» de ceux qui, à Paris comme à Cayenne, «réclament des milliards».

Les protestataires sont arrivés à 09H00 (14H00 à Paris) dans cette ville symbole de la «fracture» guyanaise, où l’État, via le centre spatial, investit d’importantes sommes pour ce projet industriel, alors que très peu d’infrastructures «sont faites en Guyane pour la population», a expliqué Youri Antoinette, un membre du collectif organisateur.

Ils étaient encore des centaines à 22H00 devant les grilles du centre spatial, dans une ambiance musicale et festive, selon le collectif.

3,1 milliards d’euros

Lundi, le Premier ministre avait appelé à «poursuivre le dialogue» en Guyane, à l’issue d’une réunion rassemblant une bonne partie du gouvernement sur la situation dans cette collectivité. Au niveau financier, «je ne m’engagerai que sur ce quoi je sais pouvoir tenir», avait-il expliqué, 12 membres du gouvernement à ses côtés, dont la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, et le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, de retour de Guyane.

M. Cazeneuve s’exprimait au lendemain de l’ultimatum des responsables du mouvement, qui avaient exigé dimanche 2,5 milliards d’euros «tout de suite». Cette somme, qui tenait compte de plus d’un milliard d’euros proposé par le gouvernement, dont les engagements doivent être «actés» mercredi en Conseil des ministres, a depuis lors été revue à la hausse. Au total, le collectif demande désormais 3,1 milliards d’euros.

Le collectif «Pou La Gwiyann dékolé» (Pour que la Guyane décolle), qui regroupe l’ensemble des mouvements protestataires, avait annoncé dimanche un durcissement de la mobilisation, expliquant entrer «dans un rapport de force avec l’État».

Ericka Bareigts, peu avant de quitter la Guyane dimanche soir, avait exhorté les représentants du collectif à rapidement «graver dans le marbre le travail» engrangé «ensemble» après la présentation d’un document en cinq points.

Des accords sectoriels ont également été conclus notamment sur «l’économie», «l’agriculture», «le BTP», «les activités minières» ou encore «les communautés amérindiennes et bushinengue», d’après ce texte.

«C’est pas mal, mais ce n’est pas encore assez», avait commenté Mickaël Mansé, porte-parole des «500 frères». Et d’affirmer que la fusée Ariane 5 «restera au sol tant que la Guyane ne décollera pas».

Le mouvement social d’ampleur inédite que connaît ce vaste territoire d’Amérique du sud (83.000 km2), situé à 7.000 km de Paris, est basé sur des revendications sécuritaires, économiques et sociales, ainsi que sur la méfiance face à l’État, accusé de sous-investissement depuis des décennies. «Pou La Gwiyann dékolé» avait aussi demandé samedi «un statut particulier pour la Guyane».