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Amérique du Sud: comment expliquer les coulées de boue meurtrières?

4 avril 2017, 09:45

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Amérique du Sud: comment expliquer les coulées de boue meurtrières?

De fortes pluies en altitude, de torrents de boues qui descendent des montagnes, emportant biens et personnes, l'histoire se répète en Amérique du Sud, avec de récentes tragédies au Pérou puis en Colombie. Comment expliquer ce phénomène? 

Mocoa, ville du sud de la Colombie, a été dévastée par le tourbillon de terre et de rochers qui a déferlé sur la commune, après le débordement de trois rivières dans la nuit de vendredi, faisant 262 morts dont au moins 43 enfants.

Au nord et au centre du Pérou, les «huaicos», comme on appelle en quechua les coulées de boue, les rivières en crue et les inondations, ont tué plus de 100 personnes depuis le début de l'année et fait plus de 900.000 sinistrés.

«La Nature a toujours été ainsi. Nos ancêtres la comprenaient mieux que l'homme moderne. J'en veux pour preuve les sites archéologiques qui se conservent toujours, protégés des chutes d'eau», explique à l'AFP l'architecte péruvien Augusto Ortiz de Zevallos.

Le développement urbain a notamment remplacé les forêts par des champs consacrés à l'agriculture et à l'élevage, enlevant toute barrière naturelle en cas de pluies torrentielles.

«Dans les bois protégés par la Réserve forestière, on avait atteint une relation harmonieuse entre la ville et le paysage environnant», soulignait récemment l'écologiste colombien Rodrigo Botero dans le magazine Semana.

«Cependant, ces dernières années, on a accentué le processus de déforestation», regrette-t-il.

Et les conséquences peuvent être désastreuses : «Durant (le phénomène météorologique) de La Niña 2010-2011 (...), 71% des inondations ont eu lieu dans des zones de pâturage qui avaient justement perdu leurs arbres», a expliqué au journal El Tiempo le chef de pronostics et alerte de l'Institut de météorologie colombien (Ideam), Christian Euscategui.

En Colombie, la déforestation a pourtant diminué de 12% en 2015, selon les derniers chiffres officiels disponibles mais cela représente tout de même 124.035 hectares de bois en moins, selon l'Ideam.

La Nature ne pardonne pas

Le dégel des glaciers, sous l'effet du réchauffement de la planète, aggrave le problème.

«Le changement climatique génère certaines dynamiques et nous en voyons les terribles résultats au niveau de l'intensité, de la fréquence et de la magnitude des phénomènes naturels», souligne auprès de l'AFP le chef de l'ONU en Colombie, Martin Santiago, appelant à se mettre «en alerte totale» pour renforcer la prévention et la capacité de réponse, après la tragédie de Mocoa.

La pauvreté, le déplacement forcé de populations menacées par la violence et les migrations en quête de meilleures opportunités ont par ailleurs mené à une croissance désordonnée des villes, soulignent les experts.

«Le centralisme fait que les gens cherchent à s'installer près des villes, où que ce soit, sans s'inquiéter si auparavant, une rivière passait là, où s'il s'agit d'un ravin par où passe l'eau accumulée par les pluies», note Augusto Ortiz de Zevallos. «Il faut une révision globale» de ces lieux d'habitation, préconise-t-il.

Dans le cas de Mocoa, «la ville a été victime du manque de planification urbaine, habituel dans presque toutes les régions de Colombie», explique Rodrigo Botero.

José Antonio Castro, maire de la commune fondée en 1563, a lui-même reconnu auprès du journal El Espectador qu'«environ dix rivières coulent à proximité de la localité et cela signifie qu'une ville ne devrait pas se trouver à cet endroit».

Pour German Vargas, géologue de l'Université nationale de Colombie, Mocoa est située au mauvais endroit, sur le lit naturel du fleuve Mocoa et à la confluence des rivières torrentielles de montagne.

A Lima, pour justifier la chute d'un pont après la crue du fleuve Rimac, le maire Luis Castañeda a estimé que «la Nature a dépassé l'ingénierie». Mais l'architecte Ortiz de Zevallos rétorque que, justement, «l'ingénierie consiste à comprendre la Nature», comme le faisaient les Incas.

«Dieu pardonne toujours, l'homme parfois, mais la Nature ne pardonne pas», a quant à lui estimé l'évêque de Mocoa, Luis Maldonado, quand on lui a demandé si Dieu avait abandonné les fidèles de la ville.