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Anäis Jonson: dans la peau d’une trans

26 mars 2017, 12:05

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Anäis Jonson: dans la peau d’une trans

La Journée internationale de la visibilité trans est observée le 31 mars. Anaïs, qui est une transgenre, assume son identité pleinement aujourd’hui. Mais le regard des autres n’a pas toujours été tendre envers elle.

Anaïs Jonson, comment vous définiriez-vous ?
J’ai 29 ans et j’habite à Cap-Malheureux. Je suis transgenre et fière de l’être parce que je suis née ainsi. Je n’ai pas choisi cette identité. Malgré les difficultés que je rencontre et le regard des autres – pas toujours bienveillants à mon égard – je suis en paix avec moi-même et bien dans ma tête.

Je vis comme tout le monde. J’aime manger, boire, danser et rencontrer de nouvelles personnes. J’adore faire des blagues et rigoler. Je suis extravertie et je m’apprécie telle que je suis. Je suis une fashionista.

J’ai un job de fleuriste et j’aime réaliser des décorations de mariage. Je fais aussi de la coiffure et du maquillage. J’agis également comme éducateur des pairs auprès du Collectif Arc-en-Ciel. J’ai réussi à obtenir ma fiche de paie et pour la première fois, je peux m’acheter des choses à crédit.

Comment assumez-vous votre identité dans la société mauricienne et quel est votre message à l’occasion de cette Journée internationale ?
Aujourd’hui, j’ai grandi. Mes parents m’ont acceptée grâce à ma belle-soeur et à ma soeur aînée Manuella. Un ami d’enfance qui est gay et qui est également un ami de la famille, a aussi contribué à décanter la situation et à me faire accepter par mes proches.

Autrefois, je m’habillais en garçon dans la journée et en fille la nuit car autrement, les gens ne me comprenaient pas. Aujourd’hui, je suis tellement bien dans ma tête que je m’assume pleinement. Mon environnement familial me comprend et me soutient, sauf ma grand-mère qui n’a toujours pas accepté que je sois Anaïs. À présent, je quitte la maison habillée en fille. Je me comporte correctement et je n’ai aucun problème car je ne suis pas timide.

Le message que j’ai envie de transmettre aujourd’hui aux transgenres est qu’ils doivent vivre leur vie et ne pas avoir honte de ce qu’ils sont. Vivez votre vie comme vous en avez envie, en assumant ce que vous êtes. Et aux parents, je leur dis de comprendre leur enfant transgenre et de l’accepter tel qu’il est. C’est en ayant le soutien de ses parents qu’un enfant se sentira fort. Les parents font des enfants mais ne font pas leur coeur. Nous sommes nés ainsi. Nous n’avons pas choisi d’être transgenres.

Que faites-vous durant votre temps libre et durant les week-ends? 
Je vais au marché acheter mes légumes pour la semaine. Ensuite, je fais le ménage. Comme j’aime danser, je me rends régulièrement au bal, aux anniversaires de proches ou en discothèque avec mes soeurs, frères, cousins et cousines.

Parlez-nous de votre famille.
Avant d’être acceptée telle que je suis, on m’a mené la vie dure. Mon père est un pêcheur professionnel très connu à Maurice. Il avait honte de moi car les gens se moquaient de lui. Il buvait beaucoup à cause de cela. Il me répétait que je lui faisais honte, qu’il fallait que j’arrête de me vêtir en femme, que j’étais fou et que je n’étais pas normal. Il m’a emmené chez un psychologue en compagnie de ma mère. Le praticien a voulu savoir si j’avais été violé ou abusé dans le passé. J’ai répliqué que tel n’était pas le cas, que mon coeur battait la chamade pour les garçons et qu’au fond de moi, je me sentais fille.

D’ailleurs, lorsque j’ai fait ma première communion, je ne voulais pas porter de costume. Je voulais porter une robe et je l’ai demandé à ma mère. Depuis que je suis enfant, je suis mal dans ma peau.

Quand j’étais petite, je jouais avec mes soeurs aînées et j’adorais jouer le rôle de la maman. J’étais fascinée par mes soeurs lorsqu’elles se maquillaient et je leur piquais des robes. Je profitais de l’absence des parents pour piquer la robe de mariée de ma mère et je l’enfilais avant de défiler dans la maison.

Un jour, ma mère m’a découverte avec sa robe de mariée sur le dos. J’ai été battue. Lorsque je fréquentais le collège, je gardais mon argent de poche et j’achetais des boucles d’oreilles et du maquillage. Je mentais en disant à ma mère que c’était pour une amie. Un jour, elle a tout confisqué et a tout mis à la poubelle.

Je conservais tous les magazines qui parlaient des transgenres et ce, depuis 1999. Je me disais qu’un jour, moi aussi je serais ainsi. Un après-midi en rentrant de l’école, j’ai croisé deux transgenres dans un autobus et elles parlaient entre elles. Je les entendais dire qu’elles allaient s’acheter du maquillage. Elles m’ont regardé et m’ont dit que j’étais une «jolie soeur» et m’ont proposé de venir chez elles et de me maquiller un jour. C’est ce que j’ai fait et nous avons été en boîte.

Lorsque ma mère l’a appris, elle a été voir la mère d’une des deux et lui a parlé brutalement en ces termes : «Votre fils encourage le mien et le transforme en pédé.» La mère du transgenre lui a alors expliqué qu’il est né ainsi. Les gens ne se rendent pas compte mais avant d’être acceptés, du moins quand nous le sommes, nous faisons face à toutes sortes de réactions adverses et blessantes.

Cuisinez-vous?
Oui ! (grand sourire) Je sais faire du briyani, du halim, un curry et un salmi de poulet. À chaque fois que mes amis viennent à la maison, ils me demandent de cuisiner car ils trouvent que je cuisine très bien.

Gourmande ou gourmet ? Vos plats préférés ?
(Rires) Les deux ! J’aime grignoter des friandises mais aussi des repas complets. Un plat mauricien que j’apprécie énormément, c’est le mine frit spécial.

Un peché mignon ?
La glace à la vanille !

Pratiquez-vous du sport ?
Je fais du vélo, de la natation, de la zumba. J’aime être en mouvements.

Quels livres lisez-vous actuellement ? De quoi traitent-ils ?
Je lis seulement les informations qui paraissent sur Facebook.

Qu’écoutez-vous à la radio ?
Les bulletins d’information. J’écoute Enquête en direct sur Radio One parce que cette émission de Finlay Salesse s’adresse aux personnes qui ont des problèmes et qui ont besoin d’aide. Lorsque j’entends certains témoignages, cela me fend le coeur. J’aime aider les gens en difficulté.

Et la télévision ? Vos émissions préférées ?
J’adore une série brésilienne car je trouve l’acteur très beau. J’aime les films romantiques.

Quel type de musique écoutez-vous ?
J’aime tout ce qui donne des fourmis dans les jambes comme le dancehall par exemple. J’aime beaucoup la chanson Immensite lamour de Laura Beg.

Pour vous, c’est quoi le bonheur?
Me marier à un bel homme et adopter un enfant et vivre comme un couple normal. Et bien entendu, rester en bonne santé.

Qu’auriez-vous souhaité réaliser avant de quitter ce monde?
Beaucoup de choses mais surtout avoir mon petit coin à moi pour être indépendante, vivre avec l’homme qui m’aime comme je suis – je ne vous dirai pas son nom (rires) – et m’occuper de mes animaux.