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Christabelle, trisomique et battante

21 mars 2017, 15:00

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Christabelle, trisomique et battante

Mon frère jumeau n’est pas trisomique comme moi. Mais nous avons commencé notre scolarité dans la même école. C’est d’ailleurs cela qui m’a aidé à me dépasser. À 23 ans, malgré ma maladie, je suis déjà formée en plusieurs domaines. Et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin…

Mes premiers souvenirs de l’école remontent au temps où mon père travaillait aux États-Unis. Je fréquentais la même école que mon frère Christophe. Une école «normale» qui accueillait des classes spéciales avec d’autres enfants comme moi. Je me souviens vaguement que nous étions une dizaine. Nous avions trois profs qui s’occupaient de nous.

Puis, nous sommes rentrés à Maurice après trois ans. Mon frère a poursuivi sa scolarité. Je voulais aller à l’école, moi aussi. Mais l’école ne pouvait pas m’accueillir. Il a fallu que je me batte, que j’insiste et que je leur prouve que je savais lire et écrire comme tous les autres. Il leur a quand même fallu du temps pour comprendre que j’avais un chromosome de trop et que malgré ma volonté, il me fallait un peu plus de temps pour assimiler les leçons. Mais je reste positive car j’ai pu aller jusqu’au CPE.

Comme mon frère, je voulais continue à étudier. La seule option qui se présentait à moi était le prévoc. Malheureusement, ce cycle ne dure que trois ans. Mon frère, lui, a étudié quatre ans de plus, puis s’est envolé pour la Chine. Il sera bientôt médecin.

Contrairement à mon frère, je ne me suis pas contentée d’une seule filière. Lorsqu’on m’a demandé de faire ce qui me passionnait, j’ai décidé de tout faire. Il faut aussi dire que lors de ma première visite au Mauritius Institute of Training and Development (MITD), la prof m’a dit que j’avais toutes mes chances. Il n’en fallait pas plus pour que je me lance.

Je suis consciente de ma différence. J’ai appris à mieux la comprendre après une conférence à laquelle j’ai assisté en Afrique du Sud. Les orateurs ont parlé de l’Inclusive Education, des abus sexuels, des déficiences intellectuelles et de la communication.

Tous les matins, je prenais la direction de Rose-Belle pour assister à mes cours d’esthéticienne. Bon, les gens n’ont pas toujours été gentils non plus. Pendant longtemps, j’ai été exclue des classes pratiques car ils avaient peur que les taches que j’ai sur le corps soient contagieuses. Ma mère a eu beau leur dire que ce n’était pas le cas, rien à faire. Il a fallu que le dermatologue le dise pour qu’ils me donnent accès aux cours pratiques. J’ai mis ma frustration de côté et me suis donnée à fond. Et puis j’ai réussi comme tous ceux qui ont pu assister à tous les cours ! Il n’y avait pas de raison d’espérer un résultat contraire non plus.

Je voulais poursuivre ma formation au MITD. Mais j’ai été surprise lorsqu’ils m’ont refusé l’admission pour le cours de coiffure. Se morfondre sur son sort ? Très peu pour moi. J’ai décidé de m’adonner à mon autre passion. La pâtisserie.

Direction Phoenix. Pendant un an, farine, beurre, crème et autres fruits ont été mes amis. Et depuis, ils sont toujours présents dans ma vie. En fait, rappelez-moi de dire à ma mère que ma batteuse électrique est cassée ! Si elle veut des gâteaux, faudra qu’elle fasse quelque chose !

La pâtisserie s’apprend vite. Après un an, j’avais assimilé tout ce que l’instructeur avait à me montrer. Il me fallait trouver autre chose à faire ! Autre passion ? Les fleurs. Coïncidence, c’est à Floréal que ces cours ont lieu. Pendant six mois, j’ai appris à embellir davantage les fleurs.

Après toutes ces formations et certificats, j’attends maintenant de trouver un travail. Mais pas simple de tomber sur un employeur qui comprend les gens comme moi, et qui serait prêt à nous donner l’environnement propice. Donc j’attends. Entre-temps, je m’occupe en faisant de la natation et du zumba avec mes amis. Deux sessions par semaine.

Ou sinon, je vais me changer les idées à Bagatelle. Des fois à La Croisette aussi. Et bien évidemment, je parle à mon frère. Pas question de compter sur ma mère pour cela. L’informatique et elle ne font pas la paire. Ma cousine m’a expliqué comment utiliser Skype. D’ailleurs, les messages entre mon frère et ma mère transitent souvent par moi. À cause du décalage horaire, ils n’arrivent pas à se parler.

On me dit souvent que je me suis toujours adonnée à mes passions. Mais moi je sais que j’aurais réalisé mon rêve le jour où j’aurais la possibilité d’aider des enfants trisomiques à être indépendants.

 

Une publication du quotidien BonZour!