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Ancien entraîneur de Dimitri Payet - Hosman Gangate: «La formation française est la meilleure au monde»

21 mars 2017, 11:22

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Ancien entraîneur de Dimitri Payet - Hosman Gangate: «La formation française est la meilleure au monde»

Conseiller technique régional (CTR) de football à la Réunion, il est l’un des premiers entraîneurs de l’international français Dimitri Payet. En vacances chez nous, Hosman Gangate, qui travaille sous la direction de François Blaquart, à Clairefontaine, en a profité pour venir partager quelques conseils sur le jeu à la française «en toute amitié» au Racing Club, à Trianon. Entretien avec une pointure de la formation de jeunes footballeurs prêt à aider à relancer le foot mauricien si on fait appel à lui.

Hosman Gangate, quelle fonction occupez-vous au sein du football réunionnais ?

Je suis Conseiller technique régional (CTR) de la Réunion, fonctionnaire du ministère des Sports placé auprès de la Fédération française de football (FFF) pour participer à tout ce qui est formation, sélection et détection. Nous sommes 25 CTR à travers la France et ses DOM TOM (NdlR : Départements et Territoires d’Outre Mer) à nous occuper de la mise en place de la politique de formation du DTN français, François Blaquart.

Quel bon vent vous amène à Maurice ?

Je suis en vacances, j’aime beaucoup venir ici. C’est par amitié que je suis venu donner quelques conseils à l’encadrement et aux jeunes joueurs du Racing Club. Le responsable de leur école de foot, Patrice d’Avrincourt, est un ami que j’ai connu à travers François Blaquart. J’ai expliqué aux petits du Racing Club comment s’entraîner à travers des jeux. J’ai constaté que ce sont des bénévoles investis dans ce club, des parents qui encadrent leurs enfants footballeurs, et cet aspect humain du football me va bien.

De passage au Racing Club, à Trianon, Hosman Gangate a prêché la bonne parole du football «made in Clairefontaine».

 

Quel est le type de football prôné par la Direction technique nationale française ?

J’étais à Clairefontaine la semaine dernière encore. On a trois stages par an au niveau de la formation des éducateurs. François Blaquart a amené une vraie révolution dans la manière de concevoir la formation des éducateurs et des joueurs en mettant beaucoup d’accent sur les jeux, développer l’intelligence de jeu, aider les joueurs à trouver des solutions sur le terrain. Un peu comme dans l’apprentissage de la lecture, avec la méthode syllabique et la méthode globale. La méthode syllabique en football c’est apprendre petit à petit et la méthode globale c’est par le jeu. On met en place des dispositifs de jeu et c’est à eux de trouver des solutions sur le terrain, et s’ils ne trouvent pas ils doivent y arriver à travers le questionnement. Il faut arriver à les faire réfléchir. Ça c’est l’aspect «procédé d’entraînements», mais il y a aussi l’aspect pédagogique.

Concrètement, qu’est-ce qui a changé dans votre approche ?

On a une autre manière de communiquer avec les jeunes. Toute l’architecture de nos diplômes a été retravaillée et renouvelée, sans oublier la pédagogie et le climat d’apprentissage. Il n’y a plus de coaches qui sont en train de gueuler au bord du terrain : «Fais ci, fais ça». On ne veut pas avoir de «joueurs Playstation» mais des joueurs qui réfléchissent. On a aussi le travail technique. Et avec les entraîneurs, on est plus dans la pédagogie active, dans l’échange et l’interaction. Ce ne sont plus des connaissances qui descendent d’un professeur vers des étudiants.

Vous n’êtes pas sans savoir que le football est en crise à Maurice depuis de nombreuses années. Que faudrait-il faire pour repartir sur de bonnes bases ?

(Un peu gêné) Je suis loin de ça… L’histoire a été un peu compliquée. Passer du football communal au football régionalisé ça n’a peut-être pas été très bien compris. Il y a moins de passion aussi. Il est important de travailler avec les enfants et de structurer le football chez eux avant. Heureusement qu’il y a des initiatives privées, qu’il faut encourager. Il faudrait fédérer ces initiatives privées pour le développement du football ici, le potentiel existe !

Vu vos compétences et vos affinités avec Maurice, est-ce qu’un poste de responsabilité pour relancer le football mauricien vous intéresserait ?

Ce serait prétentieux de croire pouvoir relancer le football mauricien seul. Vous l’avez compris, j’aime beaucoup la mentalité mauricienne, si un jour il y a un projet innovant et une équipe technique et administrative motivée, pourquoi pas. J’aimerais bien travailler un jour pour le football mauricien car le potentiel est vraiment très important.

Que préconisez-vous pour avoir une bonne sélection demain ?

Je ne veux pas donner de leçons. Je peux vous parler de ce qui se fait à La Réunion par exemple. Concernant la formation, c’est structuré au niveau des enfants. Sur 30 000 licenciés, on en a 15 000 de moins de 18 ans. On a des catégories U7, U9, U11, U13 etc. Même si ce n’est pas parfait cela permet aux enfants de pouvoir jouer, de pouvoir pratiquer. Si on veut que le niveau s’élève il faut qu’ils s’entraînent plus, qu’ils jouent plus. Ensuite nous avons un système de détection lié à la fédération française qui permet de repérer les meilleurs à 13-15 ans pour les orienter vers le très haut niveau.

C’est le chemin qu’a emprunté un certain Dimitri Payet chez vous…

Nous sommes en train de tout revoir par rapport aux exemples de Dimitri Payet et de Guillaume Hoarau justement pour que les joueurs ne partent pas trop tôt. On a un pôle Espoir à la Réunion et on aimerait avoir un centre de formation 15-18 ans. En structurant le football des enfants, on va arriver à améliorer notre football et les encadrer du mieux possible avec des éducateurs qui sont formés et diplômés. Voilà la base de la réussite du football réunionnais. Dimitri Payet c’est l’exemple.

A l'Exclesior, en 2004, Hosman Gangate a tout de suite senti que le gamin Payet serait un grand joueur.

 

C’est un peu votre fierté personnelle aussi ?

La mienne, mais aussi celle d’un club, d’une ville. On se reconnaît tous en lui. On croit en lui parce que c’est quelqu’un de chez nous, on a contribué à son développement. Et puis il a joué en première division locale aussi, du coup ça a été une forme de reconnaissance. Cela représente 40 ans de travail du football réunionnais pour arriver à avoir un joueur en équipe de France qui perce au plus haut niveau.

Parti très jeune en France, il a raté son expérience au Havre et a donc préféré revenir jouer à La Réunion en 2004. Racontez-nous ce retour…

Il est revenu du Havre en U15 et il est venu chez nous en D1 à Excelsior, que j’entraînais à l’époque, je l’ai fait monter en équipe première au bout d’un mois. Au départ, il n’avait pas encore l’âge pour jouer en équipe première. On a attendu ses 17 ans et il a commencé.

Vous avez tout de suite senti que c’était une perle rare ?

J’étais directeur technique du club, je lui ai dit de venir s’entraîner avec nous. Je ne l’avais jamais vu jouer vraiment. Il n’y avait pas besoin d’être Arsène Wenger pour comprendre que c’est un grand joueur ! (rires) Le ballon lui collait au pied. L’image qui me revient tout de suite en tête c’est qu’il a marqué un but de la tête alors que c’était un petit gringalet. Il était exceptionnel. On savait qu’il avait du potentiel mais il fallait aussi l’encadrer. Partir trop tôt en France, ça l’a coupé de sa structure familiale.

Il a suivi les traces de Florent Sinama Pongolle n’est-ce pas ?

Oui, c’est ça. Mais ce n’est pas le même caractère que Florent Sinama. La famille Payet manquait trop à Dimitri à cette époque-là. Il a fallu qu’il revienne vers sa famille pour redémarrer. Ensuite, il repart en France et signe à Nantes, mais cette fois sa mère était avec, lui ce qui l’a aidé. Quand il était à Nantes, il revenait régulièrement à la Réunion et moi aussi j’allais souvent le voir. L’humain c’est important. Le football est une activité humaine. Il faut que l’humain se sente bien pour que ça marche.

Que pensez-vous du choix de carrière de Dimitri de quitter West Ham pour retourner à Marseille, avec tous les remous que ça a causé ?

Moi je ne maîtrise vraiment pas ça. Je ne peux pas donner un avis sur quelque chose que je connais pas. Cela fait un petit bout de temps que je ne l’ai pas vu.

Vous étiez pourtant proche de lui lorsqu’il évoluait à West Ham…

A West Ham, je suis allé le voir plusieurs fois. On s’est retrouvé à Londres, on a beaucoup communiqué avant l’Euro, pendant l’Euro. Un peu moins ces derniers temps, mais de manière circonstancielle.

Vous l’avez déjà conseillé dans ses choix personnels ?

S’il me demande mon avis je lui dis ce que je pense. Après c’est un grand garçon, il fait ses choix, il l’a très bien fait. Il a aussi des conseillers proches, sa famille, sa maman et son papa qui sont importants. Il se débrouille bien tout seul.

Quatre nouveaux en Equipe de France, que pensez-vous de cette super génération qui arrive chez les Bleus ?

C’est une super génération ! Quand on voit Kylian Mbappé c’est un peu le fruit du travail qui est fait avec la DTN depuis 5 ans. Le projet de François Blacquart est intervenu juste après la Coupe du monde 2010. Il y a eu deux choses importantes : l’avènement du jeu à travers l’Espagne qui prouve qu’on est capable de gagner en jouant et la crise sociale que la France a connue avec le bus de Knysna. Ensuite, il y a eu les états généraux du football en France qui ont amené a changer la philosophie, la manière d’aborder le football avec les jeunes et les adolescents en travaillant sur l’appartenance et la valeur du maillot qu’on défend. Ce travail-là est en train de payer car la DTN fait un travail fantastique en sélection, que ce soit chez les filles ou chez les garçons, comme on le voit.

Est-ce que les médias n’en font pas trop sur Kylian Mbappé ?

Mbappé il est exceptionnel. C’est un vrai phénomène ! Il est déjà en avance sur Thierry Henry. On a aussi la chance d’avoir un sélectionneur national qui n’hésite pas à intégrer les jeunes. Didier Deschamps a une vraie philosophie et un plan pour le Mondial en Russie. Ilsait qu’on va jouer le Luxembourg et l’Espagne : l’occasion rêvée pour tester des nouveaux.

Le CTR Réunionnais rencontre souvent le sélectionneur national Didier Deschamps.

 

Un ciel vraiment bleu alors avant la prochaine Coupe du monde, en 2018 ?

Je fais confiance à Didier Deschamps. J’ai bon espoir. Il faudra juste qu’on soit plus performant sur les côtés derrière, au niveau des latéraux. Mais l’arrivée de Bernard Mendy tombe à pic. Ce sont des postes où on n’est pas très bon en ce moment en France donc on essaie de travailler là-dessus.

Votre avis sur N’Golo Kanté ?

C’est un extraterrestre. Je ne sais pas comment il fait ce gars-là ! Il est extrêmement performant sur le terrain et extrêmement humble en dehors du terrain. Cela fait du bien d’avoir des footballeurs qui ne parlent pas de leur voiture ou de leur coiffure…