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Dans la peau d'un entraîneur de foot Irakien qui a perdu la voix

13 mars 2017, 12:26

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Dans la peau d'un entraîneur de foot Irakien qui a perdu la voix

Kadhim Flayeh tapote sa montre avec trois doigts. C'est par ce geste que l'entraîneur de l'équipe des jeunes de l'Air Force Club de Bagdad, qui a récemment perdu sa voix, marque le début de la séance.

Ce coach de 57 ans a subi l'an dernier une ablation du larynx à la suite d'un cancer mais cela ne l'empêche pas de continuer à assouvir sa passion.

Il utilise un électro-larynx, petit appareil dont les vibrations permettent de produire une voix synthétique.

Parfois, il pose quelques mots sur une feuille, qu'un adjoint lit alors à voix haute. Et il arrive qu'un «simple regard suffise» à transmettre une consigne, explique-t-il.

Mais à l'entraînement ou en match, Kadhim Flayeh communique beaucoup avec ses joueurs par des gestes: «Lorsque je fais des gestes, les joueurs savent ce que je veux.»

Par exemple, «lorsque je lève quatre doigts, j'attends qu'ils fassent le pressing sur l'adversaire et ça, ils le comprennent très bien», explique-t-il.

Deux bras grands ouverts à l'horizontale et les joueurs se mettent à occuper tout l'espace du terrain.

Si Kadhim réduit l'écart de ses bras, les joueurs resserrent les lignes et adoptent une formation plus compacte.

Et pour réclamer un marquage strict, le coach lève deux doigts d'une main et un doigt de l'autre.

"On n'a aucune difficulté à comprendre ce qu'il veut. Au contraire, nous avons très vite saisi ses instructions", confirme Sadiq Binwane, 17 ans, vêtu du maillot mauve du club.

«Dénicheur de stars»

Kadhim Flayeh entraîne l'équipe des jeunes de l'Air Force Club de Bagdad depuis 1998 et est devenu l'un des entraîneurs les plus populaires d'Irak. Toujours exigeant avec ses joueurs, il suscite un grand respect dans le monde du sport et au-delà.

Dans les médias, cet homme est surnommé «le dénicheur de stars» car il a contribué à l'éclosion de plusieurs vedettes du football irakien. Ses joueurs, eux, l'appellent «l'inspirateur».

Mais il subit de plein fouet, comme d'autres, la crise financière que traverse son club. «Depuis deux mois, je ne perçois pas mon salaire», qui est d'environ 400 dollars mensuels (380 euros), assure-t-il.

L'an dernier, l'entraîneur avait été forcé de vendre sa voiture et quelques effets personnels pour pouvoir financer sa laryngectomie à Beyrouth.

Pour retrouver la parole, Kadhim Flayeh aurait besoin de subir en Allemagne une intervention chirurgicale à 50.000 dollars. Au-delà de ses moyens, dit-il.

Ses anciens joueurs ont lancé une collecte pour l'aider à financer cette opération. Pour l'heure, 3.500 dollars ont été réunis.

«Comme d'autres clubs, on vit une crise ces temps-ci», explique un membre du conseil d'administration.

La récession touche tous les secteurs de l'économie et de la société en Irak, qui doit notamment faire face depuis près de trois ans à la chute des prix du pétrole, sa principale ressource, et au coût de la guerre contre le groupe Etat islamique (EI).

Sportivement en revanche, les choses vont très bien pour Kadhim Flayeh.

Son équipe a remporté cette saison le championnat local et constitue l'un des principaux viviers de l'équipe première du club, victorieuse en 2016 de la Coupe de l'AFC (Confédération asiatique), deuxième épreuve continentale de clubs après la Ligue des champions d'Asie.

«Nous sommes heureux lorsque l'entraîneur lève les deux poings, cela veut dire qu'il est satisfait de nous», souligne le joueur Sadiq Binwane.

«La patience dont il fait preuve malgré son état de santé et sa persistance à travailler nous poussent à surmonter tous les obstacles», dit-il.