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Ryan Seethanah, étudiant en économie: «Se sentir mauricien, ça devrait être tous les jours»

12 mars 2017, 19:49

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Ryan Seethanah, étudiant en économie: «Se sentir mauricien, ça devrait être tous les jours»

Quitte à parler d’avenir, autant donner la parole à ceux à qui il appartient. À Ryan, par exemple. Dans sa salle de cours, impossible de le manquer : il fait une tête de moins que ses camarades. Oui, mais une tête bien faite. À seulement 16 ans et son HSC en poche, ce garçon de Bel-Ombre étudie la finance et l’économie. Rencontre avec la relève.

Quand ton père t’a dit qu’un journaliste souhaitait te rencontrer, quelle a été ta réaction ?

J’étais d’abord surpris ! Et puis il m’a expliqué que vous vouliez connaître les préoccupations des jeunes, leurs espoirs, leurs craintes, tout ça… Bon, ce n’est pas facile de parler de ses rêves, mais c’est une bonne idée, en tout cas ça me plaît !

Avant, j’aimerais savoir ce qu’évoque pour toi le mot du jour : «indépendance».

Ça m’évoque la liberté. Être indépendant, c’est être libre. Moi, je trouve qu’on a de la chance de vivre dans ce pays. Maurice est une île de paix, on est à l’abri, c’est précieux.

À l’abri de quoi ?

Des bombes, pour commencer ! On peut marcher sans avoir peur, et ça, sur notre planète, ça devient rare. Et puis, quand on sait d’où vient Maurice, les progrès sont remarquables. On est petit mais puissant, parce qu’on sait vivre ensemble. Bien sûr, il y a des problèmes, mais quand je regarde la BBC ou France 24, je nous trouve épatants, nous, les Mauriciens, même si certains ne se comportent pas bien.

C’est-à-dire ?

Il y a des gens qui se sentent mauricien une seule fois dans l’année, le 12 mars. Le reste du temps, ils ne voient que leurs intérêts. Les vrais Mauriciens le sont tous les jours.

As-tu des exemples de gens qui font passer leurs intérêts avant ?

Plein ! Quand j’ouvre le journal, je vois bien que des institutions ne sont pas fiables du tout, qu’il y a des magouilles d’argent, de la corruption. C’est navrant, le pays vaut mieux que ces gens-là.

Es-tu friand d’infos ?

Disons que j’aime bien comprendre ce qui se passe autour de moi. Mon père ramène parfois des journaux à la maison, ou bien je les lis à la bibliothèque. Pas tout, je sélectionne. La politique, par exemple, ce n’est pas trop ma tasse de thé, mais j’essaie de m’y intéresser. Dernièrement, tout le monde a parlé du changement de Premier ministre, il y avait les pour, les contre… Moi, je dis qu’il faut attendre avant de juger. En politique, c’est comme au foot, seul le résultat compte. Peut-être que changer de chef était une mauvaise idée, mais pour l’instant on n’en sait rien, ça dépendra de ses résultats.

Tes résultats à toi, scolaires, sont impressionnants. Raconte-nous tes journées.

Le réveil sonne à 5h30, je pars promener mon chien Zoule au bord de la mer, on contemple le lever du soleil, on aime bien. Le matin, je vais au Royal College de Curepipe (NdlR, son HSC déjà en poche, il repassera l’examen pour essayer d’obtenir une bourse). L’après-midi, j’étudie la finance et l’économie à l’Executive Institute, à Quatre-Bornes. J’ai également été admis à la London School of Economics. Je suis des cours par correspondance, le soir. Le week-end, j’ai du temps pour nager, faire du vélo, du foot… ou piquer une crise devant une défaite de ManU (rire). C’est une belle vie, je ne m'en plains pas.

Quand tu as débarqué dans cet institut, quel a été le regard des autres ?

C’était un peu bizarre. C’est normal, la plupart des élèves ont au moins 20 ans. Ils se demandaient : «Mais il fait quoi ce gamin ici ? Il a dû se tromper d’école !» (rire). Il m’a fallu un petit temps d’adaptation, aujourd’hui ça roule, j’ai plein de copains.

À quelle vie rêves-tu, plus tard ?

Il y a deux choses que j’aimerais faire : fonder une famille et réussir à être quelqu’un dans la vie. Après, pourquoi pas devenir riche et célèbre, mais c’est secondaire.

«Être quelqu’un», ça veut dire quoi ?

C’est être indépendant justement, me sentir libre. Ne pas dépendre de me parents ni du gouvernement. C’est essayer d’être utile aux autres. Si au lieu de se demander ce que le gouvernement peut faire pour nous, on se demande ce qu’on peut faire pour le pays, ça change tout. C’est une question de mentalité, en fait.

Ton avenir, l’imagines-tu à Maurice ?

Bah évidemment ! Vivre loin d’ici m’angoisserait trop. Et puis, on a tort de croire que l’herbe est plus verte ailleurs. Voyager, oui, mais pas m’installer. Ma maison, c’est Maurice.

Y a-t-il des menaces, des choses que tu redoutes et qui pourraient te faire changer d’avis ?

Des problèmes, tous les pays en ont. La vitesse peut en être un. Tout va très vite aujourd’hui, parfois trop. Sur l’autoroute, ça tue des gens. Le chômage m’inquiète aussi, parce que sans un bon travail c’est difficile d’avoir une bonne vie. Mais la plus grande menace est la pollution. Je passe quatre heures par jour dans les transports, de la fenêtre du bus, je vois des choses qui me désolent, on n’a pas le droit de massacrer notre île comme ça. À chaque fois qu’on prend une décision, on devrait se demander quel impact ça aura sur l’environnement. Interdire les sacs en plastique, c’est bien, mais pourquoi s’arrêter là ? Les bouteilles en plastique sont un problème aussi.

Si tu étais ministre de l’Environnement, quelle serait ta première décision ?

J’obligerais ceux qui veulent construire des hôtels à planter des arbres. Vous avez un projet à Bel-Ombre ? OK, à condition de planter mille arbres fruitiers. (En aparté) Je prévois large au cas où ils ne donnent pas tous des fruits.

 Il fait bon vivre à Bel-Ombre ?

(Large sourire) Ça ouais ! Déjà, on n’est pas dans la ville, on respire l’air de la mer plutôt que la fumée des bus. C’est une petite bulle, Bel-Ombre. C’est paisible, tout le monde se connaît.

Si tu avais un conseil à donner à la génération de tes parents ?

Ce serait moins un conseil qu’une attente : travaillez dur, appliquez-vous et laissez-nous une île meilleure que celle que vous avez trouvée.