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Les holothuries, le trésor convoité des eaux de Nouvelle-Calédonie

10 mars 2017, 09:25

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Les holothuries, le trésor convoité des eaux de Nouvelle-Calédonie

Les concombres de mer calédoniens font des envieux. Ces holothuries prisées des gourmets asiatiques et abondantes dans les eaux proches de la Nouvelle-Calédonie suscitent l'appétit de pêcheurs vietnamiens qui, depuis peu, viennent les braconner. Car ailleurs, ces concombres surpêchés se font désormais rares.

«C'est un phénomène que nous observons depuis environ neuf mois, 70 bateaux ont été identifiés, 55 verbalisés et 5 ont été arraisonnés», indique à l'AFP Jean-Louis Fournier, commandant de la zone maritime en Nouvelle-Calédonie.

Cinq capitaines vietnamiens purgent actuellement des peines de 8 à 10 mois de prison pour des faits de braconnage. Plusieurs tonnes d'holothuries ont été saisies et une trentaine de matelots renvoyés au Vietnam.

Surnommés les «blue boats» en raison de leur coque bleue, ces bateaux-pirate font trois à quatre semaines de mer dans des conditions spartiates depuis les côtes vietnamiennes pour venir pêcher illégalement, généralement dans le nord de la vaste zone économique exclusive (ZEE) de cet archipel français d'Océanie qui s'étend sur 1,3 million de kilomètres carrés.

«A bord, ces pêcheurs n'ont pas de papiers, pas d'argent, pas de carte mais ils sont très déterminés. Ils pêchent au narguilé» - une méthode dangereuse qui consiste à plonger avec un mince tube d'air relié au bateau - et à une profondeur oscillant «entre 10 et 40 mètres», explique le commandant Fournier, qui évoque «des flottilles bien organisées».

En ragoût, en soupe ou aphrodisiaques

Semblables à de gros boudins noirs ou marrons, les holothuries, aussi appelées concombres de mer ou bêches de mer, constituent un mets de luxe sur les tables asiatiques.

Une fois pêchés, ces animaux de la même famille que les étoiles de mer et dont il existe une centaine d'espèces, sont vidés, bouillis puis séchés.

On les cuisine en ragoût ou en soupe, surtout en Chine, et ils sont aussi réputés pour leurs vertus médicinales voire aphrodisiaques.       

Comme ils se raréfient en raison de la surpêche, leur prix s'est envolé ces dernières années.

«Tous les petits pays insulaires du Pacifique et les pays asiatiques ont épuisé leurs ressources. Aujourd'hui, les prix peuvent grimper jusqu'à 1.000 ou 2.000 euros le kilo», souligne Pascal Dumas, chercheur à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) de Nouméa.     

Ce scientifique a contribué à l'élaboration d'une aire de gestion durable de pêche aux holothuries, sur la côte ouest de la province Nord de Nouvelle-Calédonie.

A ce jour, l'archipel exporte environ 50 tonnes annuelles de produit séché en Asie et entend développer cette filière au fort potentiel pour diversifier son économie.

Mais sans dilapider la ressource: une réglementation a été mise en place pour huit espèces sur la taille minimum des animaux autorisés à la pêche, ainsi que des permis de collecte et une surveillance des stocks.

Pêcheurs en colère

La province Sud de Nouvelle-Calédonie a, elle, investi dans une unité aquacole, qui a fourni 550.000 holothuries juvéniles l'an dernier à des fermes produisant également des crevettes. La première récolte aura lieu en avril.

Des concombres de mer juvéniles ont également permis d'ensemencer une baie à l'extrême Nord de l'île, surnommée le «Caillou».

Les pêcheurs locaux, en colère contre le «pillage» de leur mer par les «blue boats», réclament une plus grande surveillance de la ZEE face à ce qu'ils qualifient d'"invasions maritimes".

«On est inquiet, les pirates mettent en péril nos ressources et l'Etat n'a pas la capacité d'assurer la surveillance», proteste Yann Moilou, qui a pris la tête d'une association de pêcheurs, dont certains ont été agressés en mer par des braconniers vietnamiens.

Une réunion consacrée à cette pêche illicite dans les eaux calédoniennes est programmée prochainement à Paris, en vue d'un plan interministériel sur cette question.

«Nous faisons tout pour mettre une pression telle que ces pêcheurs n'aient plus envie de revenir chez nous», assure le commandant Fournier, en évoquant notamment une collaboration mise en place avec les Australiens, confrontés au même problème.