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Subiraj Sok Appadu: «Le problème de l’eau est aussi la façon dont on la capte»

21 février 2017, 18:10

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Subiraj Sok Appadu: «Le problème de l’eau est aussi la façon dont on la capte»

Subiraj Sok Appadu a dirigé la station météorologique de Vacoas de l’an 2000 jusqu’à sa retraite, en 2007. Il est désormais le consultant mauricien pour la création de l’Early Warning Emergency Alert System (EWEAS) pour la compagnie Baastel.

Les critiques envers la météo à chaque intempérie sont-elles justifiées ?
J’ai quitté la direction de la station en 2007, je ne sais pas comment elle fonctionne désormais. Et le gouvernement n’a jamais demandé aux anciens directeurs leur opinion. Je ne peux pas faire un travail pour lequel je ne suis pas mandaté. Si les gens critiquent la météo, le gouvernement doit le savoir. S’il y a tant de critiques, il doit prendre une initiative pour revoir le travail météorologique. Et la météo, de son côté, doit être plus avenante.

Le matériel météorologique est-il dépassé ?
La performance de la météo augmente avec les nouvelles technologies. Je le répète, je ne fais plus partie de la station. Je ne sais pas où en est l’amélioration. Une question qui se pose est : où en est la formation des météorologues aux nouvelles technologies ? Le public doit également être informé de toutes les nouvelles technologies mises en place, et comment elles améliorent les prévisions météorologiques. Cela évitera le manque de confiance des Mauriciens dans la station météo de Vacoas. Cela fait dix ans que j’ai quitté mon poste ; à mon époque nous avions mis en place un plan de travail pour la formation et l’amélioration. Je ne sais pas s’il a été appliqué.

Vous avez aussi étudié la gestion de l’eau. Carlos a-t-il eu un impact positif sur nos réserves ?
Oui, mais le problème n’est pas uniquement la pluviométrie. C’est aussi la façon dont on arrive à capter et conserver l’eau. Je vous donne un exemple : 300 millimètres d’eau sur le plateau central représentent presque 240 millions de m3 d’eau. 10 % de cette pluie captée auraient pu remplir Mare-aux-Vacoas. C’est un problème que l’eau parte dans les rivières au lieu de remplir nos réservoirs.

Pourquoi avons-nous tant de difficultés à capter et conserver cette eau ?
Une raison est la structure de Maurice. L’île est en élévation, comme un cône avec une base : les zones côtières, puis la pointe en tant que plateau central, sont des terrains en pente. La pluie est concentrée sur les hauteurs. Lorsqu’il pleut, l’eau se retrouve dans les rivières et s’écoule vers la mer. C’est pour cela que les réservoirs sont faits sur les flancs du plateau central, comme le Midlands Dam ou Mare-aux-Vacoas : pour accumuler l’eau. Ici, il est difficile de préserver l’eau fluviale.

L’une des grandes attentes pour résoudre la distribution d’eau est le remplissage du Bagatelle Dam. À votre avis, sera-t-il rempli dans les quatre à six prochains mois ?
Avec seulement une rivière pour l’alimenter ? Non. Il faudrait une pluie excessive pour le remplir le plus vite possible. Des pluies qui gonfleraient les rivières, de l’eau en trombe. Comme celles tombées avec le cyclone Carlos. Soit en une seule fois mais sur période très prolongée, soit à intervalles réguliers et fréquents.

Le manque de pluie et la saison cyclonique d’apparence plus courte sont-ils liés au changement climatique ?
Le changement climatique rend l’atmosphère plus chaude, d’où la montée des eaux. L’atmosphère contient donc plus de vapeur d’eau : le carburant du moteur climatique. La vapeur d’eau se refroidit et devient de la pluie, sous forme de crachin ou torrentielle. Toute vapeur d’eau redescend. Il est difficile de mesurer le volume d’eau dans l’atmosphère, mais il y a une augmentation du taux d’humidité dans l’air.

S’il y a plus d’eau dans l’atmosphère, pourquoi avons-nous eu moins de pluie durant fin 2016 et début 2017 ?
Cela ne marche pas comme ça : il doit y avoir un système météorologique qui fait pleuvoir. Avec le changement climatique, il y a un déplacement des événements météorologiques. Par exemple, il y avait, avant, beaucoup de pluie et d’orages au début de novembre. Maintenant, il pleut durant la deuxième quinzaine de décembre.

Les chutes n’ont plus lieu au moment habituel mais représentent le même volume d’eau. Cela, même s’il arrive souvent qu’il y ait un manque de pluviosité.

Vous étiez à la météo durant la sécheresse de 1999…
Je travaillais aussi durant celle de 1984/1985 mais nous n’appelions pas cela une sécheresse, plutôt un manque de pluviosité. Ce n’était pas la première fois.

À mon époque, nous avions souvent des différends avec la Central Water Authority car elle voulait que j’appelle cela une sécheresse, alors que ce ne l’était pas. Je ne pouvais pas inventer une sécheresse. Cela fait 20 ans que cette situation de manque d’eau en fin d’année existe.

Vous travaillez sur l’EWEAS. Comment avance le programme ?
Nous avons du retard sur les systèmes d’alerte pour les catastrophes, autres que les cyclones. Nous avons déjà remis un rapport préliminaire. 

Le final sera rendu d’ici la fin du mois. Il indiquera tous les investissements et travaux à faire.

Quand l’EWEAS sera donc prêt ?
Nous travaillerons sur la mise en place du système d’alerte, et cela durera jusqu’à fin novembre 2017. L’EWEAS sera testé durant la prochaine saison cyclonique 2017/2018. Une fois qu’il sera fonctionnel, nous remettrons «clé en main» un système d’alerte au National Disaster Risk Reduction Management Centre. Si les délais sont respectés, le système sera complètement opérationnel en 2018/2019. Tous les Mauriciens pourront recevoir les avertissements – aussi bien cycloniques que ceux concernant d’autres catastrophes naturelles – sur leurs smartphones ou tablettes.

D’expérience, les Mauriciens respectent-ils les alertes ?
Oui et non. La majeure partie prend les précautions nécessaires mais d’autres non. Certains font exactement ce que l’on déconseille. Ces Mauriciens ne respectent pas assez les prévisions météorologiques et sous-estiment le danger. Il est arrivé que certains Mauriciens appellent quand nous annonçons des vagues de plusieurs mètres, pour savoir à quelle heure les vagues seront les plus hautes et emmener leurs enfants les voir.

Je me souviens aussi d’une fois où il y avait un risque d’inondation à Fond-du-Sac : une personne m’avait appelé, pour être certaine de cette information. Elle voulait emmener sa famille voir comment se déroule une inondation. En 2002, durant le cyclone Dina, des personnes appelaient le centre météorologique, pour savoir où le cyclone serait le plus impressionnant. C’est de l’inconscience !