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Nigeria: une étrange suie noire envahit Port-Harcourt

15 février 2017, 14:39

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Nigeria: une étrange suie noire envahit Port-Harcourt

Des personnes marchent dans une rue de Port-Harcourt alors que la ville se trouve envahie par une inquiétante suie noire, le 14 janvier 2017 au Nigeria.
La ville pétrolière nigériane de Port Harcourt, longtemps surnommée «la ville jardin» en raison des ses majestueux palmiers et ses espaces verts, se retrouve envahie par une inquiétante suie noire qui tombe sur ses habitants, de plus en plus en colère car rien n'est fait pour protéger leur santé.

«Vous suspendez vos vêtements, ils deviennent aussitôt noirs. Vous marchez sur le sol, tout est noir», affirme à l'AFP Steven Obodekwe, un habitant et militant écologiste de Port Harcourt.

La suie est apparue en novembre, les nuages se sont chargés de gris et de plus en plus de gens ont commencé à porter des masques, explique un autre habitant Tamuno Alobari. «La suie est particulièrement présente le matin, spécialement quand vous passez vos mains sur votre voiture».

Un homme montre sa main couverte de suie noire, le 14 février 2017 à Port-Harcourt, au Nigeria

Pour Timi Isiayei, impossible d'échapper à la fine et noire poussière : «Quand je me brosse les dents le matin et que j'essaie d'éclaircir ma gorge, je vois une mucosité noire apparaitre et je constate la même chose quand je nettoie mes narines».

Les autorités de l'Etat de Rivers, dont Port Harcourt est la capitale, ont demandé en décembre à la population de ne pas paniquer mais la semaine dernière une équipe d'enquêteurs est arrivée pour déterminer l'origine de cette pollution.

Et, lundi, le ministère fédéral de environnement a estimé que cette pollution entrainait «une situation d'urgence» et a demandé aux habitants de fermer portes et fenêtres.

Origine mystérieuse

Le hashtag #StopTheSoot est apparu sur Twitter, où les internautes publient des photos de leurs mains et pieds couverts de poussière noire, et des marches de protestation ont été organisées.

Deux raisons sont avancées pour expliquer cette pollution: les pneus brûlés et les raffineries illégales de pétrole, dans un pays qui est le premier producteur d'or noir du continent.

Des décennies d'exploitation du pétrole ont pollué les terres agricoles et les réserves en poisson des côtes et marais autour de Port Harcourt, et à travers toute la région du delta du Niger.

Les vols fréquents de pétrole transporté dans les oléoducs, détournements connus localement sous le nom de «bunkering», permettent à des raffineries clandestines cachées dans le bush de produire de l'essence et du diesel.

«Nos premières recherches nous indiquent qu'il s'agit du résultat d'années de bunkering», estime un responsable local de l'Environnement Emeka Aniamaka.

Mais le ministère de l'Environnement avance aussi une autre cause après avoir ordonné la fermeture d'une usine de production d'asphalte qui «rejetait une épaisse fumée».

Problèmes de santé

En 2015, la Banque mondiale estimait que 94% des Nigérians étaient exposés à une pollution de l'air supérieure aux normes établies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

La qualité de l'air est aussi dégradée par le grand usage des groupes électrogènes qui suppléent les longues coupures d'électricité, et aussi en raison d'un fort taux de soufre dans le pétrole.

Des fumées toxiques proviennent également des ordures brûlées, en l'absence de services municipaux de collecte.

La ville d'Onitsha, à 200 km au nord de Port Harcourt, a été signalée en mai dernier comme le lieu le plus pollué au monde en particules fines.

Les médecins constatent déjà les dégats sur la santé des effets de la suie, par une augmentation des consultations pour des difficultés respiratoires, notamment de l'asthme.

Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) estime que la pollution de l'air tue environ 600.000 personnes en Afrique chaque année.

Les écologistes s'inquiètent aussi du fait que la suie tombant sur Port Harcourt contient des dioxydes de soufre et d'azote, qui peuvent entrainer des pluies acides.

Yet Obodekwe, de l'ONG Environment, Human Rights and Development, estime qu'aucune mesure ne va être prise par les autorités. «Beaucoup de dispositions environnementales ne sont pas appliquées. Il y a un manque de volonté politique», regrette-t-il.