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Expulsé d'Allemagne et blessé à Kaboul dans un attentat

12 février 2017, 13:32

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Expulsé d'Allemagne et blessé à Kaboul dans un attentat

Expulsé d'Allemagne et tellement déterminé à repartir, le jeune homme attendait son passeport à un guichet quand un kamikaze s'est fait exploser mardi sur le parking de la Cour suprême à Kaboul. Bilan: 20 morts et 41 blessés - dont lui.

Deux semaines après son retour forcé au pays, Atiqullah Akbahri, atteint par des éclats au visage, a plongé au coeur de la terreur qui vise régulièrement les foules afghanes: corps projetés et calcinés, flaques de sang, hurlements et sirènes. 

Le jeune homme de 23 ans, qui souffre de violents maux de tête depuis, était arrivé au lever du jour le 24 janvier, ramassé la veille à l'aube par la police dans le foyer de Bavière où il résidait. 

Comme lui, une soixantaine d'Afghans déboutés du droit d'asile ont été renvoyés depuis l'accord signé en octobre par leur gouvernement avec l'Union européenne.

Poussant sur un chariot deux mini-sacs noirs, ses seuls biens, il semblait perdu dans le brouillard. A l'AFP, il avait assuré: «Je vais repartir. Je n'ai plus rien ici, toute ma famille est en Turquie, mon père a vendu la maison pour partir»

En 2015, Atiqullah avait fui sa ville, Herat dans l'ouest, après avoir reçu des menaces - «On va te tuer, ta famille d'abord, puis ce sera toi» - quand il travaillait pour l'ONG afghane Peace Training and Research Organization.

C'est ce qui a motivé son départ puis celui de ses proches: «Je ne sortais plus. Ici, c'est 100% de danger pour moi»

Il était arrivé en Allemagne en octobre 2015 à Munich d'abord, puis Bamberg, en Bavière. 

C'est là que Uschi Josat, une commerçante allemande du village voisin de Strullendorf l'a rencontré. Elle est devenue «comme une mère de remplacement» pour lui, a-t-elle raconté à l'AFP. 

«Nous l’avons aidé dans ses démarches, il venait manger chez nous et le week-end il dormait à la maison».

Lui, disait d'elle à son arrivée: «J'avais une famille là-bas. J'allais à l'école tous les jours. Ils m'ont tellement aidé»

Pour Uschi, «Atiqullah est complètement intégré (en Allemagne), il parle et écrit très bien l’allemand, c’est ici qu’il doit être tout simplement», martèle-t-elle. «Il était le meilleur dans sa classe d’intégration».

Expulsion 'injuste'

Le matin de son arrestation, Atiqullah l'a appelée: elle est arrivée juste à temps pour lui dire au revoir. Depuis, ils se parlent chaque soir.

Mardi, il lui a raconté l'attentat. «Psychologiquement il est très atteint», sent-elle. 

«C’est injuste qu’il ait été expulsé, il n’a rien fait de mal. Si on avait vérifié, on aurait vu qu’il était un étudiant assidu, il a fait un stage, dans son foyer il aidait les autres, tout le monde était très content de lui», s'indigne-t-elle. «Il faut qu'il rentre, ici il pourrait faire un apprentissage comme aide-soignant».

«Ils ne m'ont pas laissé ma chance», regrette-t-il en écho.

A Kaboul la vie quotidienne est difficile. Normalement le gouvernement afghan fournit 14 jours d'hébergement et 2.500 afghanis (37 dollars). Mais l'argent, qui doit être versée par le pays d'expulsion, n'est pas parvenu affirme-t-on au ministère des Réfugiés. Du coup le jeune homme et ses compagnons d'infortune sont autorisés à rester dix jours de plus dans le foyer. Mais ensuite?

L'an dernier, 11.500 civils ont été tués ou blessés dans le pays, selon l'ONU.

L'Afghanistan est rongé par l'insécurité, la pauvreté et le chômage, débordé par l'afflux de réfugiés (plus de 700.000 en 2016) rapatriés du Pakistan, d'Iran et d'Europe et par les centaines de milliers de déplacés qui fuient les combats.

Le FMI s'est clairement inquiété des capacités du pays à absorber ces populations et l'ONU a réclamé 550 millions de dollars d'aide d'urgence pour répondre aux besoins les plus urgents d'un tiers de la population afghane (10 millions).

En Allemagne, la résistance s'organise contre les expulsions vers l'Afghanistan que la chancelière Merkel juge «relativement sécurisé».

«Non, l'Afghanistan n'est pas un pays sûr» lui ont répondu samedi plusieurs milliers de manifestants. Cinq Länder sur seize, dont Berlin, ont déjà suspendu les expulsions que le gouvernement veut accélérer.