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Joe Lesjongard: «Pravind Jugnauth et moi, nous avons gardé une relation civilisée»

4 février 2017, 10:19

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Joe Lesjongard: «Pravind Jugnauth et moi, nous avons gardé une relation civilisée»

Il est retourné au Mouvement socialiste militant (MSM) après cinq ans au Mouvement militant mauricien (MMM) et moins de deux ans au Mouvement patriotique (MP). Joe Lesjongard se confie à l’express sur sa nouvelle orientation politique et sa relation avec le Premier ministre Pravind Jugnauth.

Fallait-il quitter «lakaz mama», selon vos propres termes, pour y revenir?

Oui et non.

Pourquoi avez-vous fait cela?

C’est sur des points de divergence que je suis parti. Aujourd’hui, ils n’existent plus. Nous avons surmonté la situation. Sans aucune pression, en toute liberté et en toute sérénité, je retourne au MSM.

Êtes-vous en train de dire que le MSM d’aujourd’hui est mieux?

Oui. Au fil du temps, un parti politique s’améliore. À l’époque où je suis parti, il y avait des différences d’opinion que nous essayions de surmonter. Nous n’avions pas réussi. Le temps a fait son travail. Je suis resté sur ce que je disais à l’époque. Je disais que je voulais voir Pravind Jugnauth devenir Premier ministre. J’ai pris la décision de lui donner un coup de main.

De quelles divergences parlez-vous?

On était à quelques semaines de la partielle au no 8, Moka–Quartier-Militaire (NdlR, partielle tenue le 1er mars 2009). Je n’étais pas d’accord avec certains arrangements de Navin Ramgoolam à l’époque (NdlR, les rouges avaient soutenu la candidature de Pravind Jugnauth à cette partielle). C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de m’en aller. Pravind Jugnauth a poursuivi dans une certaine direction. Il a été élu. Puis, des problèmes ont surgi avec le Parti travailliste.

Parlez-nous du «timing» de votre retour au MSM. Pourquoi maintenant?

Deux choses ont motivé ma décision. La première a été de prendre du recul avec la politique depuis quelque temps, soit avant les fêtes de fin d’année. Il y a aussi cette période où le Prosecution Commission Bill a été présenté au Parlement. Ensuite, il y a eu la démission de Xavier-Luc Duval du gouvernement et son rôle de leader de l’opposition. Ces situations ont renforcé ma réflexion. C’est l’accession de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre qui m’a fait prendre ma décision finale.

Racontez-nous comment s’est passée cette demande d’adhésion.

Il y a eu une consultation avec Pravind Jugnauth, où nous étions tous les deux d’accord pour que mon retour soit sans condition. C’est un retour acceptable non seulement par la direction du parti mais aussi par le leader. Et à partir de là, quand on a terminé la première discussion, j’ai décidé d’accepter. J’ai ainsi annoncé mon retour au MSM.

Vous disiez que ce sont «l’intérêt et le bien-être du pays» qui comptent le plus. Doit-on comprendre qu’à chaque fois que vous changiez de casaque, c’était pour ces raisons?

Il ne faut pas dire qu’à chaque fois je change de casaque. J’étais au MSM jusqu’en 2009. Ensuite, j'ai quitté le parti pour rejoindre le MMM et j’y suis resté jusqu’en mars 2015. Pendant cette période, nous avons participé à deux élections générales, et j’ai chaque fois été élu.

Ce sont les dernières élections de 2014 qui m’ont fait prendre mes distances avec le MMM. Je pensais que le leader de ce parti allait prendre une décision afin de créer l’espace nécessaire pour que les autres membres puissent évoluer. D’autant plus que ce n’est pas sa première défaite aux élections générales. Il était temps de laisser la place aux autres.

Or, ce n’est pas ce qui s’est passé. J’ai dit que si on continuait d’avancer dans la même direction, on aurait le même résultat. Je rappelle à la population que cette décision, je l’ai prise après l’expulsion de Jean-Claude Barbier, Raffick Sorefan et moi du parti. En signe de solidarité, nous avons démissionné. D’autres démissions ont suivi.

On a décidé de créer un nouveau parti, afin de faire de la politique autrement. L’expérience avec Alan Ganoo a été catastrophique. Quelque part, il est vrai qu’il y a eu plusieurs expériences personnelles durant ces 16 dernières années. Je pense que j’ai acquis l’expérience nécessaire pour évaluer une situation.

Votre appartenance ethnique n’est-elle pas un critère déterminant qui a mené à votre retour au sein du MSM?

Non, pas du tout. Je pense que quelque part, je peux contribuer en termes d’idées et d’apports de travail. Je suis quelqu’un qui travaille dans la discipline et la rigueur. Ce sont ces qualités que je vais prôner au sein du MSM. La politique locale veut que chaque politicien ait une appartenance ethnique. Mais ce n’est pas ça que je mets en avant. J’ai eu l’occasion de contribuer à l'avancement de mon pays et je peux faire davantage.

Quel sera votre rôle au sein du MSM?

Je vais adhérer en tant que membre du bureau politique (BP) et, dans ce sens, je vais contribuer au MSM. Le BP d’un parti est son instance suprême. Je veux partager l’expérience et la connaissance acquises dans le passé.

Vous étiez un fidèle de sir Anerood Jugnauth (SAJ). Quelle est votre relation avec lui aujourd’hui?

En toute honnêteté, SAJ a été mon mentor en politique. J’ai une admiration pour lui parce que c’est lui qui m’a introduit dans le monde politique. Il m’a permis d’occuper de hautes fonctions. Et j’ai une admiration pour le travail qu’il a accompli pour le pays. C’est un politicien qui a compris qu’à un certain moment, il faut passer le relais à la jeune génération pour lui donner la chance d’occuper l’espace politique dont elle a besoin. Je suis heureux qu’il ait transmis le relais à Pravind Jugnauth.

À ce même Pravind Jugnauth qui vous considérait comme un traître?

Depuis nos différends, la relation s’est beaucoup améliorée. Je l’ai tout le temps dit: la politique est une bataille d’idées. Nos idées peuvent se séparer à un certain moment et converger à d’autres. Nous sommes restés des gentlemen. Et nous avons gardé une relation civilisée.

Et Bérenger qui ne veut plus vous voir en peinture?

J’ai beaucoup de respect pour Paul Bérenger en tant qu’homme politique. Nous avons travaillé ensemble. C’est quelqu’un qui croit dans la discipline et la rigueur. Mais il a une façon de faire de la politique qui ne me plaît pas. Il a subi plusieurs défaites aux élections. Le leader du MMM ne veut pas comprendre que si demain il va vers de nouvelles élections dans le même cas de figure, ce sera une autre défaite pour lui.

Il défend les grandes causes de notre pays. Mais de par sa stratégie politique, il se retrouve à chaque fois dans l’opposition. Paul Bérenger ne sera jamais connu comme quelqu’un qui a construit notre pays. Pendant ses brefs passages dans un gouvernement, il a réalisé ce qu’il a pu. Je suis franc. On se critique. Je lui dis ses quatre vérités et vice versa. Mais ça reste sur le plan politique.

Qui, selon vous, a l’étoffe de reprendre le flambeau au sein du MMM?

En toute franchise, c’est Steve Obeegadoo. Il possède toutes les qualités requises pour occuper ce poste. D’abord, il est au MMM depuis son adolescence et il défend les idées du parti. Ensuite, il a occupé des postes importants au sein de celui-ci. Il vient souvent avec des idées intéressantes mais qui ne sont pas toujours acceptées. Et c’est un peu malheureux que peut-être, il ne va pas accéder au leadership du parti.

Selon nos informations, certains au MSM n'apprécient pas votre retour. Comment comptez-vous les convaincre?

C’est un peu normal. Mais, mon retour est important. C’est lié à la volonté de donner un coup de main à Pravind Jugnauth et au MSM, sans aucune condition. Je pense qu’ils vont comprendre et que, possiblement, ils vont voir mon retour différemment.

Comment voyez-vous votre rôle de «backbencher» au Parlement?

Je vais continuer à faire mon travail comme je le faisais avant. Je vais continuer à poser des questions qui vont aider les mandants de ma circonscription. Je continuerais à poser des questions aux ministres sur ce qu’ils font. Et je vais participer à l’élaboration des projets de loi et faire des interventions.

Quels vont être vos dossiers prioritaires?

La lutte contre la pauvreté et la drogue. Tout ce qui touche au logement et au secteur de la pêche. La circonscription no 14 est très concernée par cela. J’ai aussi d’autres sujets de prédilection comme le secteur énergétique.

Vous disiez qu’il existe toujours des politiciens qui ne sont pas des «roder bout». Vous le croyez vraiment?

Honnêtement, je le crois. Il y en a plusieurs. Je ne vais pas citer de noms. Je pense que c’est bien d’avoir ce type de personnes.

Dites-nous la vérité, vous êtes, vous aussi, un «roder boute»?

Pas du tout. Si vous regardez mon parcours politique, je n’ai jamais rien demandé en retour. Le peuple a cru en moi. Il m’a fait confiance. Il m’a reconduit au Parlement. C’est important pour un politicien. Le peuple me voit comme quelqu’un d’intègre. Je fais correctement mon travail. Je reste proche de mes mandants et je suis à leur écoute.

Pour les prochaines législatives, pensez-vous rester au no 14 ou au no 4?

J’ai débuté ma carrière au no 4. Mes mandants m’ont tout donné et je les remercie. J’ai dû rejoindre le no 14. Ils m’ont élu lors des dernières élections. Je dois travailler pour le no 14 jusqu’à la fin de mon mandat. Pour le reste, le temps dira où je serai candidat.

MSM, MMM, MP, indépendant, encore MSM, vous avez fait presque tous les partis politiques. À quand une adhésion au PMSD ou au Reform Party de Bhadain?

Je ne suis pas du tout intéressé. La décision que j’ai prise de retourner au MSM est mûrement réfléchie. J’ai consulté mes activistes. Je terminerai ma carrière politique au MSM. Je remercie Pravind Jugnauth d’avoir accepté mon retour.