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Décret Trump: une étudiante iranienne raconte son expulsion des Etats-Unis

31 janvier 2017, 12:48

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Décret Trump: une étudiante iranienne raconte son expulsion des Etats-Unis

Sara Yarjani croyait franchir les contrôles sans problème, comme d'habitude, en arrivant vendredi dernier à l'aéroport de Los Angeles: cette étudiante iranienne n'avait aucune idée du chaos que venait de déclencher un décret anti-immigration de Donald Trump.

Elle ignorait que 23 heures plus tard, elle serait expulsée et deviendrait l'une des premières victimes du décret signé le jour même par le nouveau président américain, interdisant temporairement l'entrée aux Etats-Unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmane dont l'Iran.

Sara, qui s'est entretenue lundi soir avec l'AFP depuis Vienne où elle dispose d'un statut de résident permanent, explique que son calvaire a débuté peu après l'atterrissage de son avion vendredi soir alors que le décret anti-immigration était entré en vigueur sans qu'elle le sache.

«J'avais été en vacances au Canada pour voir ma soeur avant d'aller en  Autriche et je rentrais pour reprendre les cours», raconte cette jeune femme de 35 ans, diplômée d'université et étudiant la santé holistique au California Institute for Human Science, situé au nord de San Diego.

«Je ne m'attendais pas du tout à être arrêtée. Je suis déjà entrée à plusieurs reprises dans ce pays et j'ai toujours été très bien traitée», poursuit-elle, «je  franchissais d'habitude les contrôles douaniers en quelques minutes».

Cette fois, elle a vite compris que les choses avaient changé. L'agent des services de l'immigration auquel elle avait tendu son passeport l'a conservé et l'a emmenée dans une salle d'attente.

Elle a alors dû se tenir debout contre un mur, les bras levés, pour subir une fouille au corps effectuée par deux policières aboyant leurs consignes. Puis se voir intimer l'ordre de retirer son foulard, ses bijoux et les lacets de ses chaussures. Puis devoir remettre tout l'argent liquide dont elle disposait ainsi que son téléphone portable. 

Elle allait retrouver plus tard ses effets personnels. Mais entre-temps elle a dû subir quatre heures d'attente et d'interrogatoires, avec interdiction de passer le moindre coup de fil. Un policier affirmant que son visa d'étudiante n'était plus valable l'a obligée à signer un formulaire par lequel elle donnait son accord pour l'expulsion.

'De gré ou de force'

«Le policier m'a dit vous avez deux possibilités: soit vous acceptez et vous êtes d'accord pour partir de votre plein gré ... soit vous serez expulsée de force au risque d'être interdite de revenir aux Etats-Unis durant un à cinq ans voire plus», se souvient-elle.

«Le policier s'exprimait sur un ton très menaçant et je sentais que je n'avais pas le choix».

C'est peu après minuit, lorsqu'elle a été autorisée à téléphoner brièvement à sa soeur pour l'informer de son expulsion, que Sara s'est rendu compte de la pagaille qui régnait dans les aéroports américains à cause du décret anti-immigration.

«Je suis arrivée à Los Angeles à 20h35 vendredi et repartie à 19H30 le lendemain», se remémore-t-elle.

Alors que deux policières armées l'escortaient pour son vol de retour vers l'Europe, elle a pu rapidement jeter un coup d'oeil à son téléphone portable et voir qu'une juge avait partiellement bloqué l'application du décret.

«J'ai dit à l'une des policières qu'une juge avait pris une décision contre le décret (...) et que je ne devais pas être mise dans l'avion, mais tout ce qu'elle m'a dit c'est ah, génial, tout en m'ordonnant de continuer à avancer», raconte-t-elle.

De retour en Autriche chez ses parents, Sara essaie toujours de comprendre ce qui s'est passé et de déterminer la conduite à tenir.

Sa voix se brise lorsqu'elle explique se sentir en pleine confusion: «d'un côté, je suis soulagée d'être sortie de cette arrestation mais de l'autre je suis vraiment triste car j'aime vraiment mes études». 

«J'ai travaillé si dur depuis un an et demi et cela a été si compliqué de pouvoir aller étudier là-bas un sujet qui me passionne réellement».

Elle souligne avoir été très soutenue par les responsables de son université qui se sont inquiétés de son sort, alors que des avocats de l'American Civil Liberties Union (ACLU) lui ont proposé leur aide.

«M'empêcher d'entrer dans le pays où je poursuis mes études n'a aucun sens», observe Sara qui devait passer son diplôme l'été prochain.

«J'ai été traitée comme si j'avais commis un acte vraiment répréhensible», s'étonne-t-elle, «je ne pense pas que faire des études pour aider les gens soit un crime qui mérite l'expulsion».