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En Afghanistan, l'opium s'exporte toujours mieux que les raisins

22 janvier 2017, 18:49

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En Afghanistan, l'opium s'exporte toujours mieux que les raisins

 

Les tensions persistantes entre l'Afghanistan et son voisin pakistanais contrarient sa volonté d'accroître ses exportations de fruits, qui offriraient pourtant une alternative à l'opium, source de financement lucrative de l'insurrection talibane.

Les grenades (non offensives) et les raisins, dont elle produit 73 variétés différentes, constituent la fierté de l'agriculture locale mais les fréquentes fermetures, par le tout puissant Pakistan, des frontières de l'Afghanistan entravent le commerce de ce pays enclavé au coeur de l'Asie centrale.

La vision de centaines de camions alignés avec leurs cargaisons périssables de fruits en attente dans les villes frontalières s'est maintes fois répétée lors de l'année écoulée, forçant les paysans à revenir à la culture bien plus lucrative du pavot.

«Nous avons beaucoup investi dans nos vergers», rapporte à l'AFP Abdul Samad, qui produit du raisin à Panjwai, district de la province méridionale de Kandahar (Sud).

«C'est vraiment frustrant de voir le Pakistan fermer si souvent la frontière à la saison des récoltes. Nous n'avons d'autre choix que de revenir au pavot qui nous rapportera bien plus».

Le Pakistan a fermé à plusieurs reprises le principal poste-frontière après des tensions entre les armées des deux pays, qui sont allées jusqu'à l'échange de tirs.

En juin, les Pakistanais ont annoncé la construction de clôtures et de nouveaux postes le long des 2.600 km de frontières avec l'Afghanistan afin de mieux contrôler le passage de militants et combattants.

Cette décision a semé la consternation côté afghan, où l'on ne reconnaît pas la validité de la "Ligne Durand" comme frontière internationale héritée des Britanniques après leur départ en 1947.

D'autant que les relations entre les deux voisins étaient déjà tendues, l'Afghanistan accusant le Pakistan de servir de sanctuaire aux insurgés talibans.

Tentatives de sabotage

En 2015, environ 52 000 tonnes de grenades avaient été expédiées vers le Pakistan, les Emirats arabes unis et l'Inde. En 2016, les exportations sont tombées à 15 000 tonnes, faible part de la production nationale.

«Nous nous tenions prêts à exporter jusqu'à 40 000 tonnes de raisins de Kandahar, mais le Pakistan a fermé la frontière pendant 17 jours (en octobre), empêchant nos commerçants de vendre les fruits» se plaint Nasrullah Zaheer, président de la chambre de commerce de Kandahar.

Le ministre afghan de l'Agriculture Assadullah Zamir accuse ouvertement le Pakistan de sabotage.

«Ce n'est pas la première fois que nous avons ce type de problème à la frontière, il s'était produit exactement la même chose en 2015 au moment des récoltes» relève-t-il.

«Mais nous sommes déterminés à soutenir nos agriculteurs et le gouvernement est prêt à prendre en charge le surcoût du transport par avion» affirmait-il cet automne - même si rien n'est encore en place.

L'Inde, puissance régionale en constante rivalité avec le Pakistan, a même annoncé qu'elle aiderait l'Afghanistan à établir un corridor aérien avec ses voisins, afin de lui permettre de contourner ces tracas frontaliers.

Mais le projet est encore dans les limbes, frustrant les producteurs.

Les partenaires internationaux de l'Afghanistan ont consacré depuis quinze ans et la fin du régime taliban des millions de dollars à le débarrasser de la production d'opium. Le gouvernement afghan a tenté de développer le safran et d'autres cultures alternatives au pavot. Pourtant celui-ci continue d'augmenter, servant de principale source de revenu aux talibans.

Les taxes que les insurgés prélèvent sur le pavot leur rapportent ainsi jusqu'à 1,2 milliard de dollars par an, selon un expert occidental.

En 2016, les surfaces dédiées au pavot ont crû de 10%, atteignant leur pire niveau en 22 ans selon l'ONU. Les efforts d'éradication se sont effondrés, notamment en raison de l'insécurité croissante dans les provinces concernées. Et l'exportation ne souffre aucun obstacle grâce aux réseaux de trafiquants bien structurés.

«Même si le gouvernement nous arrête, nous continuerons le pavot» affirme Abdul Shukoor, du district de Zherai à Kandahar. «Le Pakistan ferme la frontière en pleine saison de récolte et notre gouvernement ne fait rien».