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Politiciens - trafiquants de drogue : quelles connexions ?

15 janvier 2017, 14:29

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Politiciens - trafiquants de drogue : quelles connexions ?

Fin décembre 1985. Le choc. Quatre parlementaires mauriciens sont arrêtés avec de la drogue. Retour sur cette affaire qui n'a pas cessé de défrayer la chronique depuis...

La connexion politique-trafiquants de drogue fut mise en évidence de façon brutale mais spectaculaire, un 31 décembre 1985, quand Maurice apprit avec choc que quatre parlementaires avaient été arrêtés avec de la drogue à l’aéroport Schiphol, à Amsterdam, aux Pays-Bas. De l’aéroport de Schiphol, ces parlementaires devaient rallier Paris.

Les arrestations eurent lieu le 27 décembre 1985 et l’information fut contrôlée au départ par le gouvernement mais vite la rumeur se propagea au point où le Premier ministre Anerood Jugnauth dut tenir une conférence de presse, le 31 décembre 1985, pour faire état de ces arrestations.

Ces quatre parlementaires, Satteeanand Pelladoah, Dev Kimcurrun, Ismaël Nawoor et Serge Thomas, avaient été élus en 1983 sous la bannière de l’alliance bleu-blanc-rouge. Ils faisaient partie du quota travailliste mais quand Satcam Boolell fut révoqué comme ministre en janvier 1984, ces parlementaires de même que d’autres élus travaillistes avaient décidé de soutenir le gouvernment Jugnauth.

Il y avait pas moins de 20 kilos d’héroïne dans les valises de Pelladoah. La valeur de la drogue était alors estimée à Rs 36 millions, une très grosse somme en 1985.

On soupçonnait les Mauriciens d’avoir transporté de la drogue de l’Inde en Europe sous le couvert diplomatique. En effet ces parlementaires voyageaient avec un passeport diplomatique. Quelqu’un avait ouvert son bureau spécialement au bureau du Premier ministre pour pouvoir récupérer ces passeports précieux. Quand une VIP voyage avec un passeport diplomatique, ce document est repris à l’aéroport dès son retour au pays. Pour tout voyage avec passeport diplomatique, c’est à la demande du PMO que le Passport and Immigration Office (PIO) remet le document au voyageur.

Dans le cas de Pelladoah, il avait obtenu un passeport diplomatique le jour même où il en avait fait la demande. C’est dire que la bureaucratie peut bien se mettre en mode express delivery quand il s’agit d’une VIP politique. Les liens entre politiciens et trafiquants de drogue remontaient aux élections de 1983 quand l’alliance MSM-PTr-PMSD galvanisa des personnes de tous bords pour barrer la route au MMM qui pour la première fois de son histoire présentait Paul Bérenger comme son candidat au poste de Premier ministre. Dans ce contexte, des trafiquants de drogue se rapprochèrent des politiciens à qui ils fournirent gros bras et briani à profusion. Des indésirables se rapprochèrent ainsi des deux principaux leaders du MSM, notamment Anerood Jugnauth et Harish Boodhoo.

 

Après l’éclatement de l’affaire Amsterdam, Harish Boodhoo devint hostile envers Jugnauth au point où il quitta son puissant poste de Chief Whip, en janvier 1986. Par la suite, les deux hommes firent des allégations, l’un contre l’autre, déballant leur linge sale sur la place publique. On apprit de ces allégations que les frères Bacsoo de Plaine-Verte avaient côtoyé des dirigeants en vue.

Les frères Bacsoo devinrent très puissants à un certain moment. Ils furent même invités à des fonctions officielles, dont une garden party au château du Réduit a l’occasion de la fête de l’Indépendance.

 Le trafic de drogue se faisait principalement à partir de l’Inde. C’est bien cette connexion indienne qui avait engendré l’affaire d’Amsterdam. En effet, lors de son interrogatoire par les autorités hollandaises, Pelladoah avait révélé que c’est pour le compte d’un trafiquant de drogue indien, un certain Miranda, qu’il avait transporté la précieuse marchandise en Europe.

 Ce Miranda défraya la chronique à Maurice en 1986 quand les médias évoquèrent ses visites chez nous et ses rencontres avec des VIP du pays. Dans son cas aussi, il y eut maintes allégations et contre-allégations et tout cela éclaboussa les hommes du gouvernement.

-Le gouvernement refuse de collaborer avec les Hollandais-

 Comme dans le présent cas Boskalis où les Hollandais soupçonnent les autorités de mettre des bâtons dans les roues, l’affaire Pelladoah vit, elle aussi, un refus de collaboration du gouvernement mauricien suivant une demande de renseignements de la part du gouvernement hollandais. Les Hollandais demandèrent au gouvernement mauricien de leur fournir des renseignements sur les circonstances qui avaient mené à l’octroi d’un passeport diplomatique à Pelladoah. Une première demande fut faite le 16 janvier. Le gouvernement mauricien ne réagit pas. Face au refus du gouvernement mauricien, les Hollandais firent appel à Interpol, le 10 février. Les journaux mauriciens rapportaient que le gouvernement n’avait nullement l’intention de collaborer avec les autorités hollandaises à propos de l’affaire Amsterdam.



Réactions politiques à n'en plus finir

 L’affaire Amsterdam déclencha toute une série de réactions politiques dès janvier 1986 pour aboutir aux élections générales anticipées de 1987.

 Dans la foulée de la conférence de presse du Premier ministre, tenue le jour du grand réveillon, le 4 janvier 1986 exactement, les ministres Anil Gayan, Kailash Purryag, Kader Bhayat et Kadress Pillay demandent au gouvernement de prendre des actions énergiques suivant l'affaire Amsterdam. Ils démissionnent dans les jours qui suivent.

Harish Boodhoo lance un ultimatum et il se trouve hors du gouvernement.

<p>&nbsp;Dans le pays même, des spéculations vont bon train sur les connexions entre parlementaires et trafiquants de drogue, locaux comme étrangers. Dans le cadre des travaux de la commission Rault, des dégâts collatéraux touchèrent certains politiciens.</p>

<p>A la fin de 1986, après les démissions et les dissensions, Jugnauth n&rsquo;était plus sûr d&rsquo;avoir une majorité au Parlement qui ne siège pas pendant plusieurs mois jusqu&rsquo;à sa dissolution et les élections de 1987. Le mandat du gouvernement fut de quatre ans.</p>