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Ski: décès de Jean Vuarnet, champion olympique de descente en 1960

3 janvier 2017, 12:21

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Ski: décès de Jean Vuarnet, champion olympique de descente en 1960

 

Révolutionnaire de la glisse, entrepreneur à succès mais aussi victime d'un drame familial, le champion olympique de descente en 1960 Jean Vuarnet, décédé à 83 ans dans la nuit de dimanche à lundi des suites d'un accident vasculaire cérébral, a exporté son nom bien au-delà des pistes de ski alpin.

Entre élégance et technique, c'est d'abord sur les skis que le natif de Tunis, alors protectorat français, en 1933, a construit sa légende. Fils du médecin de la petite station de Morzine, où il a grandi, le surnommé "Jean Jean" éclate sur la scène internationale aux Championnats du monde de Badgastein en 1958. A 25 ans, le voilà déjà médaillé de bronze en descente.

Le skieur du Grenoble Université club fait alors valoir ses qualités de théoricien et de technicien. Il invente et expérimente une méthode révolutionnaire de descente: la fameuse position de recherche de vitesse, ou position de "l'oeuf" -jambes fléchies, bras rapprochés et tronc replié pour parfaire l'aérodynamisme-, une technique toujours enseignée dans les écoles de ski 50 ans plus tard.

Une première

Fort de son invention, cet étudiant en médecine se présente aux JO de Squaw Valley en 1960 avec une réputation de skieur arrogant, ayant annoncé son futur succès dans la descente. Sur la piste de la station californienne, sa pénétration dans l'air fait des merveilles, et Vuarnet devance l'Allemand Hanspeter Lanig et son coéquipier Guy Périllat. Il devient par la même occasion le premier champion olympique sacré sur des skis métalliques.

Cet homme a eu une vie peu ordinaire dans tous les sens du terme, a réagi à l'AFP Alain Vuarnet, son fils aîné. Que ce soit dans le sport ou lorsqu'ont pointé les épreuves de la vie, il a toujours été très fort, un peu hors norme.

«Vient naturellement à l'esprit la médaille d'or olympique à Squaw Valley en 1960. Ou encore la création de la station d'Avoriaz. Mais ce que je retiendrais le plus, ce qui a été à mes yeux le plus remarquable, c'est la mise au point de cette position de recherche de vitesse juste avant sa victoire», a ajouté son fils aîné.

Lors de sa course, Vuarnet porte des lunettes de soleil particulières. Il s'agit de verres "Skilynx", permettant de mieux voir les reliefs et les profondeurs de champs. L'année suivante, l'un des opticiens à l'origine de cette innovation, Roger Pouilloux, propose au skieur de donner son nom aux lunettes. La marque de lunettes de soleil Vuarnet, qui appartient aujourd'hui au fonds d'investissement britannique Neo Capital, était créée.

Après son succès, le skieur de Morzine devient un technicien très écouté, qui emmènera une décennie plus tard, en tant qu'entraîneur, l'équipe d'Italie et un certain Gustavo Thoeni à l'or olympique sur le géant et l'argent sur le slalom en 1972 à Sapporo.

Ayant réussi sa reconversion économique en lançant une ligne d'accessoires et de vêtements de ski, il revient pour un court intermède à la tête de l'équipe de France en compagnie de Georges Joubert. Il en est renvoyé après «l'affaire de Val d'Isère» en décembre 1973 et la suspension infligée à neuf champions, dont Henri Duvillard, Jean-Noël Augert et les soeurs Britt et Ingrid Lafforgue. Il venait d'être élu vice-président de la Fédération Française de ski (FFS).

Drame familal

La passion de Vuarnet pour les Alpes le poursuit tout au long de sa carrière: juste à côté de son domaine skiable de Morzine, il crée la station d'Avoriaz, ouverte il y a exactement 50 ans, au moment de Noël 1966, qu'il dote de remontées mécaniques avant d'y ajouter des accès aux stations helvétiques avoisinantes. Ce qui donne aujourd'hui le célèbre domaine des Portes du Soleil, composé de douze stations à la frontière franco-suisse.

Mais derrière les succès sportifs et commerciaux, la vie familiale de Jean Vuarnet fut marquée d'un souvenir beaucoup plus sombre. En 1995, son nom revient de nouveau sur le devant de la scène après la macabre découverte, le 22 décembre dans le Vercors, des corps carbonisés de 16 membres de la secte de l'Ordre du Temple Solaire. Parmi les victimes de ce suicide collectif figuraient sa femme Edith, ex-championne de ski et soeur du champion de ski François Bonlieu, et un de ses fils, Patrick. Quelques mois plus tard, le créateur de la station d'Avoriaz publiera une «Lettre à ceux qui ont tué ma femme et mon fils».

Malade, brisé par le drame du Temple du Soleil, Jean Vuarnet se faisait rare ces dernières années en public. Une de ses dernières sorties avait eu lieu en février 2016 à Chamonix, à l'occasion de l'étape de Coupe du monde, pour fêter les 10 ans du titre olympique de descente d'Antoine Dénériaz. L'assistance avait découvert un vieux monsieur fragilisé, obligé de s'asseoir, mais très fin d'esprit.

«Il y avait une phrase qui disait, quand on mettait ses lunettes: "it's a Vuarnet day today". Aujourd'hui, c'est un jour Vuarnet et donc tout notre hommage», a affirmé Luc Alphand depuis le Paraguay où a débuté lundi le Dakar-2017.