Publicité

Prisons: l’inefficacité à perpétuité ?

18 décembre 2016, 20:03

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Prisons: l’inefficacité à perpétuité ?

Plus de 2 000 Mauriciens s’apprêtent à passer Noël derrière des barreaux. La prison coûte cher, n’empêche pas la récidive et elle est peuplée de petits délinquants. Prisons, où en est-on ? État des lieux en chiffres.

Toutes les trois heures, un Mauricien entre en prison

Entre 2000 et 2015, le nombre de personnes incarcérées dans les prisons mauriciennes a doublé. Qui sont-ils? En très grande majorité des hommes (95 %) sous la quarantaine. La médiatisation des faits divers nous donne l’impression que la détention est un nid de grands criminels ou de prédateurs sexuels. Cette image est largement faussée. La part des personnes emprisonnées pour homicide représente seulement 1 % des détenus. 47 % purgent des peines inférieures à trois mois, pour des délits mineurs; 64 %, des peines de moins d’un an. La foule des «enfermés» est d’abord composée de délinquants du quotidien, condamnés pour vol. C’est le motif le plus fréquent (38 %), suivi des coups et blessures (16 %).

Le trafiquant de drogue, une espèce en voie de disparition

Il y a les discours de fermeté, et puis il y a les faits. Aujourd’hui, moins d’un prisonnier sur dix l’est pour une affaire de drogue. L’explication? En sept ans, les incarcérations liées aux produits stupéfiants ont chuté de 70 %. Ces infractions ne constituent plus que la quatrième cause de détention (9 %).

Un jeune sur 100 est derrière des barreaux

Plus exactement, c’est un Mauricien sur cent parmi la population masculine âgé entre 22 et 35 ans. Autre chiffre inquiétant: un prisonnier sur quatre n’a pas 25 ans. Contre un sur sept il y a 20 ans. Dans une société vieillissante, la population carcérale suit la tendance inverse : elle rajeunit.

Un prisonnier coûte plus cher qu’un instituteur

L’État dépense grosso modo Rs 1 000 par prisonnier et par jour. Ce chiffre intègre le budget de fonctionnement des prisons et les charges de personnel. L’administration pénitentiaire, qui utilise un autre mode de calcul, arrive à un coût «d’environ Rs 750». Soit plus de Rs 22 000 par mois.

Sept prisonniers sur dix retournent en prison après en être sortis

Que font les ex-détenus après la prison? Réponse : ils y retournent. Pour 68 % d’entre eux. Cela prouve l’inefficacité de l’enfermement pour interrompre une carrière délinquante. Un gros tiers des détenus a déjà effectué un minimum de… cinq séjours derrière les barreaux ! Pourtant, il y a du mieux. Le taux de récidive atteignait 94 % il y a quatre ans.

Les alternatives à la peine

Pour casser la spirale de la récidive, de nombreux pays ont généralisé avec succès les peines alternatives pour la petite délinquance. Maurice y vient, mais très lentement. La prison reste la peine de référence : les tribunaux prononcent trois à quatre fois plus d’emprisonnements que de peines alternatives, comme la probation (la personne condamnée est surveillée et suivie en dehors de la prison) et les travaux d’intérêt général.

Maurice emprisonne plus que ses voisins

Maurice comptait 2 140 détenus au 12 décembre. Soit l’équivalent de la population de Grande-Rivière-Sud-Est. Si le pays a déjà eu plus de prisonniers, comparé aux autres îles de la région, leur nombre reste élevé. Avec un taux de 168 détenus pour 100 000 habitants, on emprisonne huit fois plus que les Comores ! Nos voisins malgaches (88 pour 100 000), mahorais (110) et réunionnais (122) ont aussi tendance à moins mettre au trou leurs citoyens. Seuls les Seychellois sont plus répressifs. Et de loin: avec 799 détenus pour 100 000 habitants, ce sont les «champions du monde» de l’incarcération, devant les États-Unis.

*Sources : Mauritius Prison Service, Statistics Mauritius, World Prison Brief