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Abraham Ibrahim: «J’aurais aimé faire plus»

15 décembre 2016, 12:42

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Abraham Ibrahim: «J’aurais aimé faire plus»

Pour Abraham Ibrahim, l’heure est au bilan. Après dix mois à la tête du staff technique de la Fédération nationale de tennis (FMT), le Syrien a choisi de ne pas rempiler à la fin de son contrat en février.

Qu’est-ce qui vous a conduit à cette décision?

C’est l’impossibilité de manœuvrer librement. Il y a plusieurs facteurs qui m’empêchent de concrétiser le plan de travail défini à mon arrivée à Maurice, dont le manque de financement, le système éducatif et l’absence de culture sportive.

Vous parlez d’absence de financement alors que la FMT est l’une des fédérations les plus prisées par les sponsors ?

Il y a des tournois qui se tiennent mensuellement grâce à des partenaires. C’est une bonne chose au niveau local, mais si le tennis mauricien veut s’imposer à un niveau supérieur comme la FED Cup ou la Coupe Davis, il faut investir davantage. Il faut miser sur des camps d’entraînements internationaux, entre autres. C’est en jouant au plus haut niveau que les jeunes pourront hausser leur niveau de jeu. Le gouvernement doit s’impliquer davantage comme en Inde. Là-bas, l’État accorde des fonds pour développer le tennis et il y a de plus en plus de jeunes qui émergent sur les différents circuits professionnels.

Que reprochez-vous au système éducatif mauricien?

Il ne facilite pas l’implantation du tennis dans les écoles. Il y a des barrières administratives. En plus, avec seulement trois coaches à la fédération, ce n’est pas possible d’assurer des cours dans ces établissements.

Pourquoi déduisez-vous que les Mauriciens souffrent d’une absence de culture sportive ?

(Sourire) Simplement par la réaction des parents. Ces derniers sont convaincus que l’avenir de leurs enfants ne pourrait être assuré qu’à travers la réussite scolaire. Deux ans avant la fin du cycle secondaire, certains joueurs délaissent le sport pour se concentrer sur les études. C’est vraiment dommage.

Dans une interview que vous nous aviez accordée à votre arrivée, vous étiez convaincu de pouvoir changer les mentalités. Que s’est-il passé ?

Personnellement, je suis convaincu que si un joueur excelle dans la discipline, il peut réussir son parcours académique grâce à des bourses dans les meilleures universités à travers le monde. À 17 ans, j’étudiais en pratiquant le tennis. Pour arriver à le faire, il faut d’abord croire en cette possibilité. Mais certains parents n’y arrivent pas. Ils se disent que leurs enfants n’ont pas le niveau pour réussir au niveau mondial.

Leur aviez-vous dit qu’ils avaient tort ?

Ils connaissent ma manière de voir les choses. En tennis, il ne faut pas compter les heures sur le court. Pour réussir au plus haut niveau, il faut travailler sur plusieurs années et enchaîner les tournois. Si on consent à faire ces sacrifices, les résultats suivront. Christopher Fok est un pur produit mauricien et il vient de gagner les Masters africains. C’est une évidence que les Mauriciens ont du potentiel.

De gagner les Masters africains des moins-de-14 ans est certes positif mais n’est-ce pas plus compliqué de passer professionnel ?

C’est sûr que c’est dur de se faire une place au niveau professionnel. Mais tout est possible quand on est motivé. Une carrière se construit en plusieurs étapes. Il faut faire les choses progressivement. Zara Lennon et Christopher Fok sont sur la bonne voie. Ils ont intégré le centre de haut niveau au Maroc. De là, ils pourront faire plusieurs tournois au niveau de l’Afrique. La transition vers le niveau supérieur devra se faire graduellement.

Zara Lennon et Christopher Fok sont des boursiers de la Fédération internationale de tennis, mais tous les Mauriciens n’ont pas la même chance…

Les bourses reviennent aux plus méritants. Plusieurs champions peuvent émerger dans un pays. La Slovaquie, qui est une petite nation en Europe, compte une dizaine de joueurs parmi les meilleurs mondiaux. (NdlR : Martin Klizan est 35e au niveau de l’Association des joueurs de tennis professionnels alors que Dominika Cibulkova est 5e mondiale chez les dames).

Pour réussir en tennis, il faut souvent de gros moyens financiers. Ne serait-ce pas cela le problème des parents?

Jouer au tennis a un coût. Il faut investir sur les tournois à l’étranger et les équipements entre autres. Mais si le joueur réussit, il y a un bon retour. Un joueur qui décroche une bourse peut étudier gratuitement dans une des plus prestigieuses universités. Ce n’est pas un rêve mais une réalité.

C’est en Slovaquie que vous poserez vos valises. Quels sont vos projets ?

Je rejoindrai mon ami, Dominik Hrbaty chez lui. En arrivant à Maurice, j’avais annoncé sa venue à Maurice pour des camps d’entraînement en décembre. Faute de financement, ce projet a été annulé. Et finalement, c’est moi qui vais le rejoindre. J’aviserai par la suite.

On sent beaucoup d’amertume dans votre voix…

Mon objectif principal était de préparer les jeunes pour les Jeux des îles de l’océan Indien. Et malheureusement, le tennis n’est pas au programme de l’édition 2019. Et il n’est pas sûr qu’il soit inscrit à ceux de 2023. Je devais aussi constituer des équipes pour la Fed Cup et la Coupe Davis. Malheureusement, ces projets ne sont pas réalisables si on n’investit pas. Je suis triste j’aurai aimé faire plus.

Les dix derniers mois n’ont pas été si moroses …

Certes. J’ai eu la chance de voir émerger Amélie Boy, Zara Lennon et aussi Christopher Fok. Ils ont récolté les fruits de plusieurs années de travail avec ceux qui m’ont précédé. D’autres jeunes comme Anthony Kwok, Malika Ramasawmy, Sarah Introcaso ou Hemanshu Rambojun sont bien partis pour suivre leurs traces. Mais il faudrait qu’ils se donnent les moyens de réussir. Il faut qu’ils bougent et fassent le maximum de tournois. Sinon, ma plus grande satisfaction, c’est l’école de tennis qu’on a relancée à Petit-Camp.

Parlez-nous de cette école ?

Nous avons recruté une dizaine de joueurs de 8 à 14 ans. Depuis un mois, ils viennent à la fédération pour des séances d’entraînement une à deux fois par semaine. J’aime également le fait d’avoir pu imposer des séances de deux heures et demie au groupe élites. Ils viennent cinq fois par semaine. Et ils ont fait beaucoup de progrès depuis. C’est très encourageant pour la suite.

Du 9 au 18 janvier 2017, vous accompagnez une équipe de huit joueurs aux championnats d’Afrique Australe en Namibie. Vos prévisions ?

La compétition se déroulera en U14 et U16. À ce niveau, les Mauriciens sont bien placés. Jason Espitalier-Noël, Christopher Fok, Sébastien Liu, Jake Lam, Lucas Lai, Malika Ramasawmy, Sarah Introcaso et Céline Wan ont le potentiel pour se qualifier pour les championnats d’Afrique de leurs catégories respectives. (NdlR : Cette compétition se tiendra en mars mais le lieu et les dates n’ont pas été communiqués).

Ce sera aussi votre dernière mission chez nous…

À mon retour, je peaufinerai la préparation des joueurs qui prendront part aux championnats d’Afrique des moins- de-18 ans (NdlR : du 6 au 11 février en Tunisie). Amélie Boy, Zara Lennon et Amaury de Beer devraient rentrer dans les tableaux principaux grâce à leurs classements respectifs. Pour eux, l’objectif sera de gagner un minimum de deux matches.