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Massacre de Srebrenica: la justice serbe ouvre son premier procès

12 décembre 2016, 16:36

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Massacre de Srebrenica: la justice serbe ouvre son premier procès

 

«Nedjo le boucher» et sept anciens policiers se sont présentés lundi devant un tribunal de Belgrade: pour la première fois, la justice serbe organise un procès d’auteurs présumés du massacre de Srebrenica, en 1995 en Bosnie.

Originaires de Bosnie, ces huit hommes ont tous obtenu la nationalité serbe après la fin de la guerre intercommunautaire (1992-1995) qui avait fait 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés, soit la moitié de la population d’avant-guerre.

Les accusés, qui comparaissent libres, encourent 20 ans de prison, pour «crimes de guerre contre la population civile». Le procès a débuté par un point de procédure, la défense demandant le remplacement des juges, un point qui doit être tranché mardi.

La Serbie refuse de considérer que Srebrenica fut un acte de génocide, comme le fait depuis plusieurs années la justice internationale, et comme l’a répété en mars le Tribunal pénal international de La Haye (TPIY) en condamnant à 40 ans de prison Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie pendant le conflit.

En quelques jours de juillet 1995, dans les derniers mois de la guerre, les forces serbes de Bosnie commandées par le général Ratko Mladic avaient massacré quelque 8.000 hommes et adolescents bosniaques. C’est la pire tuerie sur le sol européen depuis la Seconde guerre mondiale.

Les victimes avaient été séparées des femmes et des enfants tandis que la population tentait de fuir l’enclave de Srebrenica, submergée par les forces serbes alors qu’elle était censée être sous protection onusienne.

Arrêté en 2011 après plus de 10 ans de cavale en Serbie, Ratko Mladic, 74 ans, est dans l’attente de son verdict devant le TPIY de La Haye, attendu en 2017. L’accusation vient de réclamer la perpétuité.

Brigade 'Jahorina'

Arrêtés en mars 2015, les huit hommes appartenaient à une unité policière spéciale, «Jahorina», du nom d’une station de ski surplombant Sarajevo. Une dizaine de ses membres ont déjà été jugés en Bosnie.

Ils sont accusés d’avoir ordonné ou participé à l’exécution en une seule journée de plusieurs centaines de musulmans bosniaques, capturés dans une forêt puis tués dans un entrepôt de Kravica, près de Srebrenica.

Les membres de «Jahorina» avaient tiré à l’arme automatique dans l’entrepôt et y avaient jeté des grenades, selon les éléments de l’enquête. Les restes des victimes avaient été retrouvés dans huit charniers.

Parmi les hommes jugés à Belgrade figure le commandant de la brigade, Nedeljko Milidragovic, alias «Nedjo le Boucher», 58 ans. Selon l’acte d’accusation, il avait dit à ses hommes que «personne ne devait sortir vivant» de l’entrepôt.

Il était boucher avant la guerre, avant de devenir policier durant le conflit, selon les médias serbes. Après la guerre, parti s’installer en Serbie, il y est devenu un prospère homme d’affaires.

'La Serbie doit affronter son passé'

Une partie de la population serbe et sa classe politique contestent que les Serbes soient les principaux responsables des conflits qui ont ensanglanté les Balkans dans les années 1990, quand Slobodan Milosevic était au pouvoir à Belgrade.

Pour l’ancien procureur serbe pour les crimes de guerre, Vladimir Vukcecic, le procès qui débute lundi «est très important, car la Serbie doit affronter son passé». «Faute de quoi, il ne peut y avoir de catharsis, il ne peut pas y avoir de réconciliation dans la région», explique à l’AFP le magistrat, selon qui quatre autres personnes font l’objet d’enquêtes en Serbie pour Srebrenica.

Mais Munira Subasic, de l’organisation les «Mères de Srebrenica», qui assiste au procès, n’a guère d’attente: «La Serbie, qui est derrière tout cela (le massacre), n’a pas puni à temps les auteurs des crimes et du génocide», a-t-elle dit en arrivant au tribunal lundi. Elle a perdu 22 membres de sa famille, dont son fils.