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Face à Belgrade, le Kosovo joue la diplomatie du sport

7 décembre 2016, 15:57

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Face à Belgrade, le Kosovo joue la diplomatie du sport

Belgrade rejette obstinément son indépendance, la Russie bloque son accession à l’ONU: pour exister sur la scène internationale, le Kosovo pratique une agressive diplomatie du sport couronnée de succès.

Quand il parle sport sur Twitter, le président Hashim Thaçi le fait en anglais: plus qu’à ses 1,8 million de compatriotes majoritairement albanophones, c’est à l’étranger qu’il s’adresse.

«Nouvelle fantastique!», se réjouit-il le 13 mai quand la Fifa, après l’UEFA, intègre son pays, au grand dam de la Serbie. Il récidive le 5 septembre après le premier but kosovar de l’histoire, contre la Finlande (1-1): «Des générations de joueurs se sentent si fiers après des décennies d’isolement!».

«Majlinda offre au Kosovo sa première médaille d’or olympique», s’enthousiasme encore le chef de l’Etat le 7 août, après le titre de la judoka Majlinda Kelmendi pour la première participation du pays aux JO. En décembre 2014, il avait déjà assimilé l’entrée au Comité international olympique (CIO) à «une forme d’adhésion à l’ONU».

 Djokovic: 'Le Kosovo, c’est la Serbie' 

Comme à chaque fois qu’un pays reconnaît le Kosovo (plus de 110 l’ont fait selon Pristina), chaque feu vert d’une fédération sportive suscite la colère de Belgrade, où la doxa reste celle résumée dès la déclaration d’indépendance de 2008 par le tennisman Novak Djokovic: «Le Kosovo est la Serbie et doit l’être pour toujours», avait dit la star des stars serbes, dont une partie de la famille vient de cette région.

La Serbie refuse obstinément l’indépendance et sa souveraineté sur son ancienne province est inscrite dans sa Constitution. «Respectez-vous le caractère neutre du statut du Kosovo? Vous en parlez comme d’un Etat alors que nous ne sommes pas d’accord avec cette qualification», a répété fin novembre le chef de la diplomatie serbe, Ivica Dacic, à l’adresse de l’Union européenne.

L’ex-patron de la Fédération serbe de volley-ball, Nenad Golijanin, a ainsi payé de son poste d’avoir oublié cette intransigeance. Le 25 octobre, il s’est abstenu lors du vote ouvrant aux volleyeurs kosovars les portes de la Fédération internationale (FIVB).

«Cela aurait été extrêmement hypocrite de voter contre, alors que deux mois auparavant j’envoyais une équipe de jeunes en Bulgarie disputer une compétition à laquelle participaient des enfants du Kosovo», explique à l’AFP Nenad Golijanin.

Après l’adhésion du Kosovo à l’UEFA et à la Fifa, la Fédération serbe de football s’est tournée vers le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne. Avec ce type de combat, la Serbie «ne comprend pas qu’elle n’a aucune chance», insiste Nenad Golijanin, qui relève que la Serbie a signé en 2013 un accord de normalisation sous égide de l’UE, prévoyant que la Serbie n’entraverait pas l’adhésion kosovare aux organisations internationales. «Tout ce que j’ai fait l’a été par l’Etat qui a signé l’accord de Bruxelles», relève-t-il, après avoir été la cible d’une violente campagne de la presse tabloïde.

Le sport ouvre toutes les portes

Pour l’analyste politique serbe Dusan Janjic, «punir nos propres citoyens parce qu’ils n’ont pas voté contre le Kosovo n’a aucun sens. C’est contraire à nos intérêts», dit-il. «Nous allons d’échec en échec et, en plus, nous fâchons les Etats-Unis et les autres grands pays qui nous perçoivent comme un Etat qui ne respecte pas ce qu’il a signé», insiste l’analyste auprès de l’AFP.

Pour le président du Comité olympique kosovar, Besim Hasani, son pays a déjà gagné: «Le sport kosovar a sensibilisé l’opinion internationale». «Cette diplomatie sportive est un succès», assure-t-il.

«Cela renforce l’image de notre Etat même auprès des pays qui n’ont pas reconnu notre indépendance comme le Brésil», où les Kosovars ont défilé derrière leur drapeau lors de la cérémonie d’ouverture des JO, poursuit-il.

«Le sport ouvre toutes les portes, mêmes celles qui sont fermées aux politiciens», renchérit l’athlète Vijona Kryeziu, 19 ans, spécialiste du 400 m. Elle et les sept autres olympiens kosovars ont «confirmé que le sport pouvait être un excellent ambassadeur et créer un climat positif, même parmi les nations qui n’ont pas reconnu» la leur.

Mais le ministre en charge du Kosovo dans le gouvernement serbe, Marko Djuric, n’en démord pas: «Ils sont dans l’illusion s’ils pensent que nous allons cesser de lutter. Nous ne perdrons jamais tant que nous lutterons».