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Vivre avec un handicap : se renseigner pour mieux se battre

6 décembre 2016, 09:31

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Vivre avec un handicap : se renseigner pour mieux se battre

Il est difficile pour les personnes handicapées de mener une vie normale. Mais se renseigner sur le handicap en question et solliciter l’aide appropriée rendent ces difficultés plus surmontables.

«Avoir accès à l’éducation peut tout changer», soutient Parvatee Ghumaria. Cette employée de la compagnie Velogic, qui souffre d’un handicap depuis l’âge de trois ans, fait ressortir l’importance d’avoir droit à l’éducation. «Cette phase d’apprentissage est essentielle au développement et c’est ce qui m’a aidée à m’épanouir.»

Parvatee dont la mobilité du côté gauche, soit de sa main à sa jambe, a été réduite après une crise de convulsions, n’a pas fréquenté une école spécialisée. Elle explique que ses parents «se sont don- nés corps et âme» pour qu’elle puisse allait à l’école primaire et au collège. «Ils ont tout payé, les leçons particulières et m’ont aussi aidée pour mes cours après le Higher School Certificate.»

«Aller à l’école a facilité mon intégration sociale mais aussi professionnelle», poursuit Parvatee Ghumaria. Après l’école secondaire, elle a suivi plusieurs cours dont un cours d’informatique parrainé par le gouvernement à Orian et ensuite des cours de réceptionniste à travers le ministère de la Sécurité sociale. «J’ai débuté à Rogers avant d’être mutée à Cargo Express, qui est maintenant Velogic, et le fait de travailler m’a rendue indépendante.»

Cela n’a pas toujours été facile, souligne-t-elle. Mais sa famille et ses amis l’ont beau- coup soutenue. «Mes parents m’ont toujours donné une certaine liberté. Ils ont cru en moi.» C’est cette attitude, dit-elle, qui lui a permis de ne pas avoir à dépendre des autres malgré son handicap. «C’est primordial que les parents d’un handicapé lui fassent confiance. Moi, j’ai ainsi pu me débrouiller seule. J’ai appris à me battre.»

Se battre et persévérer dans la vie, c’est ce que fait une autre femme de la cinquantaine, née sans main droite jusqu’au poignet depuis la naissance. Souhaitant garder l’anonymat, elle dit être «une battante… tout le monde a des problèmes dans la vie mais il faut savoir surmonter et foncer». Notre interlocutrice, employée dans une entreprise privée, avoue qu’elle est issue d’une famille pauvre. Mais que c’est justement ce qui a fait sa force. «Je n’aurai jamais cru pouvoir me payer mon propre appartement. Or, j’ai réussi à le faire.»

Un handicapé physique doit être très fort, surtout psychologiquement, indique notre interlocutrice. Car «son chemin sera parsemé d’embuches mais rien n’est insurmontable».

«Certains handicapés, qui ne sauront jamais lire ou écrire, ont besoin d’un autre type d’apprentissage.»

La cinquantenaire est, par ailleurs, fière de dire qu’elle détient le permis de conduire malgré son handicap. Or, elle reconnaît qu’elle a dû faire face aux critiques. «Le jour où je me suis inscrite à mon test oral, une policière m’a dit ‘Ou péna poiné kouma ou pou trap volan’», se remémore notre interlocutrice. Elle reconnaît que les handicapés doivent surmonter beaucoup de difficultés dans la vie de tous les jours, à commencer par les préjugés. À l’instar du manque d’infrastructures, bien qu’elle admette qu’il y ait un progrès à Maurice. Et d’ajouter que «vouloir c’est pouvoir».

Yvan Ducasse est le père d’une fille de 12 ans, atteinte de microcéphalie. Il abonde lui dans le même sens. Les infrastructures à Maurice ne sont pas adaptées aux handicapés. Il a noté qu’à Jumbo par exemple, il y a maintenant des urinoirs et des toilettes pour eux. Mais c’est insuffisant. «Prenons les parkings pour handicapés comme exemple, il y en a mais ils ne sont pas conformes aux normes car ils sont minuscules et ne laissent pas à la personne suffisamment d’espace pour qu’elle puisse descendre.» Les banques ne sont pas mieux. «S’il y a bien des rampes pour handicapés, tous les comptoirs font un mètre de hauteur alors qu’une personne en fauteuil roulant n’arrive pas à cette hauteur», souligne Yvan Ducasse.

Ce père, qui est responsable de l’Observatoire des personnes en situation de handicap île Maurice (OPSHM) – vise à faire découvrir le public handicapé dans son environnement et mieux analyser les politiques publiques qui le touche. Pour cela, Yvan Ducasse est convaincu qu’il faut informer les Mauriciens.

L’éducation des handicapés doit être considérée à plusieurs niveaux. Des personnes souffrant d’un handicap physique peuvent très bien accéder à l’éducation dans le mainstream. «Je suis pour l’intégration dans les écoles», déclare Yvan Ducasse.

Cependant, inscrire certains handicapés dans une école non spécialisée ne serait pas la meilleure solution. «Les handicapés tels que ma fille, qui ne sauront jamais lire ou écrire, ont besoin d’un autre type d’apprentissage.» Leur offrir la possibilité d’apprendre des activités basiques comme manger, aller aux toilettes, entre autres – mais aussi leur donner un soutien psychologique, de l’attention et de l’amour, est une recette qui leur sera plus bénéfique.

Il conviendrait aussi de savoir que les parents ont aussi besoin de soutiens psycho- logiques. Et il ne faudrait pas l’ignorer, fait ressortir Yvan Ducasse. «S’occuper d’un enfant handicapé n’est pas toujours facile et un parent peut vite baisser les bras.» Certaines organisations offrent ce sup- port mais il ne faut pas hésiter à leur demander de l’aide.

Le risque de se faire arnaquer n’est pas à écarter, continue Yvan Ducasse. Et cela s’applique autant à la personne handicapée qu’à ses parents. «Moi, j’en ai été victime et cela venait d’un pédiatre. Quand ma fille avait trois mois, je l’ai emmenée pour une consultation. Il l’a à peine regardée, m’a dit qu’elle était trop petite, de revenir dans un mois. J’ai dû payer Rs 1 800 pour cette consultation éclair. Un mois plus tard, j’ai eu droit au même discours.» Dans ce cas, il est impératif que vous sollicitiez des associations qui vous dirigeront vers des spécialistes.

D’ailleurs, ajoute le militant pour handicapés, se tourner vers des associations est aussi un moyen de mieux se renseigner sur le handicap. Car les handicaps diffèrent et requièrent tous des traitements, des équipements et des approches appropriés. «À travers le monde, il existe plus de 600 modèles de fauteuils roulants. Mais à Maurice, ce sont uniquement deux modèles qui sont offerts et qui ne sont pas toujours adaptés au handicap d’une personne. Ce qui pourrait aggraver des problèmes à la colonne vertébrale par exemple», note Yvan Ducasse.

Il met l’accent sur l’importance de toujours se renseigner et de demander de l’aide. Dans l’île, «65 organisations non gouvernementales se consacrent aux handicapés mais comme les Mauriciens ne sont pas au courant, ce sont uniquement trois sur 65 qui opèrent activement». Et l’OPSHM vise à faire connaître ces organisations et faire les gens comprendre la nécessité de travailler ensemble. Car, conclut Yvan Ducasse, «l’indifférence découle de l’ignorance».