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Dans les narines du policier renifleur

4 décembre 2016, 21:04

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Dans les narines du policier renifleur

Pots de crème, chaussures, cartes de vœux, pour ne citer qu’eux. Autant d’endroits où on a retrouvé de la drogue au cours des derniers jours. Questions: comment font les policiers pour faire la différence entre l’héroïne, la cocaïne et «lapoud kanz», par exemple? Comment reconnaissent-ils le «bat dan latet», le «Elie & Sons», voire le «Bang Bang»? Leur nez s’est-il transformé en truffe de toutou? Voilà ce qu’ont répondu deux responsables de l’ADSU, là-dessus.

Comment les policiers parviennent-ils à faire la différence entre la poudre blanche et la blanche poudre ?

Tous les policiers ont droit à un crash course sur le sujet, expliquent deux responsables de l’Anti Drug and Smuggling Unit (ADSU). À coups de Powerpoint, d’images, de photos, les hommes en bleus se familiarisent, visuellement dans un premier temps, avec toutes les «common drugs» que l’on trouve à Maurice. Parmi, le cannabis, le subutex, l’héroïne, le haschich et bien entendu, les drogues synthétiques.

Si on prend un peu de «lapoud kanz», qu’on l’emballe dans du papier cellophane, qu’on le planque dans sa voiture, qu’on a une tête de drogué, est-ce qu’on se fait arrêter ?

Non. Les policiers ont aussi du flair, font valoir les deux enquêteurs. Grâce à «la valise», ils sont entraînés à reconnaître l’odeur et la texture des substances illicites. La valise en question contient des échantillons de plusieurs d’entre elles, dont l’héroïne, qui a un «parfum» aigrelet, un peu comme le vinaigre.

Et puis, on leur donne des pistes ; on sait par exemple que le gandia est entortillé dans du plastique, que l’héroïne est vendue en général dans de l’aluminium foil ou du papier journal et que les psychotropes sont vendus dans des petits sachets.

 

«L’office des Nations unies contre la drogue et le crime a répertorié quelque 300 ‘espèces’ de drogues de synthèse. Pour échapper à la justice, les trafiquants en inventent de nouvelles chaque jour.»

Comment reconnaît-on de la drogue synthétique ? Qui nous dit que ce ne sont pas des feuilles de «brède sousou» arrosé de «baygon» qu’on confondrait avec du gandia ?

Grâce à l’odeur, pour commencer. Et puis, la drogue synthétique ressemble davantage à une sorte de «paille». Il s’agit en fait d’une «solution chimique» qui est importée, quand elle n’est pas fabriquée chez nous. Les dealers la mélangent à des feuilles, dont du thé. On a déjà eu des cas pareils. Bat dan latet, Elie & Sons, Bang Bang etc., ne sont que des «marques». La différence se situe dans la composition des «solutions» utilisées.

L’office des Nations unies contre la drogue et le crime a répertorié quelque 300 «espèces» de drogues de synthèse. Pour échapper à la justice, les trafiquants en inventent de nouvelles chaque jour. Raison pour laquelle les policiers bénéficient aussi d’une formation continue, «pour se remettre à niveau».

C’est pour ça qu’on a une pénurie de thé sur le marché ?

Non.

C’était pour rire. Revenons-en au pif du policier renifleur. Comment peut-on être sûr qu’il ne s’est pas trompé en arrêtant quelqu’un ?

L’expérience. Les nouveaux font appel aux enquêteurs de l’ADSU, histoire d’être sûrs à quelle substance ils ont affaire. D’ailleurs, dans 99,9999 % des cas, nous ne nous sommes jamais trompés. De toute façon, si on a des doutes, on peut demander un «test kit» du Forensic Science Laboratory (FSL), qui permet de détecter de la drogue dans de très courts délais.

Le FSL met des mois à analyser des échantillons, pas vrai ? Par exemple, on ne sait toujours pas s’il y avait du chanvre dans de la nourriture pour oiseaux. Les gens doivent-ils moisir en prison pendant tout ce temps ?

Quand un suspect est arrêté, la substance retrouvée sur lui est mise sous scellés, sous ses yeux. Nous entrons les données dans le livret prévu à cet effet, expliquons les circonstances de l’arrestation. La substance est ensuite expédiée au FSL, qui viendra confirmer qu’il s’agit bien de drogue et de quel type.

Et si ce n’est pas de la drogue ? On aura arrêté une personne parce qu’elle avait de la poudre pour bébé sur elle ?

Ce n’est jamais arrivé. Par contre, nous avons eu des cas où des personnes se sont fait arrêter en croyant qu’elles avaient acheté de la drogue. Mais elles s’étaient fait berner par le dealer. Nous les interrogeons de nouveau et remontons la filière. Ces personnes, même si elles n’avaient pas de drogue sur elles, sont accusées d’attempt to buy drugs.

«Vous ne pouvez pas avoir 50 poulias et dire que vous êtes un petit consommateur. Vous ne pouvez pas avoir plus de 10 doses d’héroïne et prétendre que c’est pour vous uniquement.»

Comment remonte-t-on jusqu’aux dealers, quelle que soit la drogue ?

Grâce aux informateurs, aux appels anonymes, aux lettres anonymes, aux voisins, aux proches, nous explorons plusieurs pistes. Il y a les planques. On les suit, on les piste. Il y a également des comportements louches qui nous alertent.

Combien de «poulias» faut-il avoir dans la poche pour être considéré comme un dealer ? Combien de doses d’héroïne?

Vous ne pouvez pas avoir 50 poulias et dire que vous êtes un petit consommateur. Vous ne pouvez pas avoir plus de 10 doses d’héroïne et prétendre que c’est pour vous uniquement. En fait, on se base sur l’aspect humain et la logique. Si la personne explique qu’elle a besoin de deux doses matin, midi et soir, soit six en tout, et qu’elle en a dix sur elle, alors qu’elle est dans la rue, il y a anguille sous roche. En fait, il faut que l’accusé puisse prouver qu’il n’est qu’un simple consommateur.

Question subsidiaire. Comment la police «tombe-t-elle» sur les plantations de gandia ?

Nous avons des informateurs dans chaque région. Si on vous voit trop souvent du côté de la montagne sans vos baskets, on vous a à l’œil. Et puis là aussi, il y a des informateurs qui nous alertent. L’hélicoptère effectue également des patrouilles aériennes dans des zones «cultivables».

Question pour des champions. Des policiers trafiquants, il y en a combien ?

 C’est vrai que les arrestations qui ont eu lieu récemment ont terni notre image. Mais ce n’est pas parce qu’on est policier qu’on est au-dessus de la loi. La preuve, c’est qu’ils ont été arrêtés. Il y a des brebis galeuses partout mais il ne faut pas généraliser.